vendredi 23 juin 2017

Le temps des culottés

Jean-Luc Mélenchon entre à l'Assemblée nationale et il faut que ça se sache. Aussi doit-il faire le buzz. Il se plaint d'y voir le drapeau européen à côté du drapeau français. "Franchement, on est obligés de supporter ça? C'est la République française ici, pas la Vierge Marie", s'est-il exclamé (1).  "Je ne comprends pas", a-t-il ajouté. Nous non plus, on ne comprend pas, on comprend même de moins en moins celui qui fut député européen pendant huit ans et dont les supporteurs n'ont cessé, durant la campagne électorale, d'essayer de nous convaincre que non, vraiment, il n'est pas opposé à l'Europe, mais qu'il veut une autre Europe. Et le voilà à tenir des propos dignes de Marine Le Pen. On a connu plus belle entrée.
C'est le même Mélenchon qui, avec la délicatesse qu'on lui connaît, a déclaré, parlant du mathématicien Cédric Villany, néo-député En Marche: "j'ai vu le matheux, je vais lui expliquer ce que c'est qu'un contrat de travail et il va tomber par terre. Il ne le sait tout simplement pas. Il ne sait pas que la journée de huit heures, c'est cent ans de lutte. Le gars, il croit que ça a été toujours été comme ça." (2)  Quand, comme le gars Mélechon, on vit depuis près de trente ans de ses indemnités d'élu et qu'on n'est pas connu pour avoir été un député européen très assidu, on devrait s'abstenir de donner des leçons sur les contrats de travail et les journées de huit heures. Cédric Villany lui a répondu calmement: "directeur de l'IHP (Institut Henri Poincaré, de recherches mathématiques, qu'il dirige depuis 2009), j'en ai vu des contrats de travail... mais c'est toujours un plaisir de recevoir des cours particuliers!". (3)

En Belgique francophone, le Parti socialiste va sans doute se retrouver éjecté du Gouvernement wallon et de celui de la Communauté française. Son partenaire centriste, le CDH, le lâche, écœuré par les xièmes affaires de magouille du Ps. Des ténors socialistes s'indignent: c'est de l'opportunisme; nous avons été plus corrects avec le CDH qu'il ne l'est avec nous; ce qui compte pour nous, c'est de sauver des emplois, pas d'entrer dans des jeux politiciens... On les a peu entendus battre leur coulpe. Le président à vie du Ps, Elio Di Rupo, se contente de répliquer, parlant du CDH: "ils sont là depuis 139 ans, c'est vrai qu'à la lumière de leur attitude il est grand temps qu'ils se retirent". (4) Le Ps est au pouvoir en Wallonie et en Communauté française depuis trente ans sans discontinuer, certains de ses membres sont ministres depuis près de vingt ans. Comment ce parti ne veut-il comprendre et ne peut-il admettre que le pouvoir corrompt (et que le pouvoir absolu corrompt absolument)? Une (longue) cure d'opposition ferait le plus grand bien à tout le monde, au Ps comme aux Wallons.

(1) http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/20/jean-luc-melenchon-voit-le-drapeau-europeen-a-lassemblee-nation_a_22493319/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/20/jean-luc-melenchon-multiplie-les-coups-declats-pour-son-arrivee-assemblee-nationale_a_22491360/
(3) http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/20/cedric-villani-repond-a-jean-luc-melenchon-qui-laccuse-de-ne-pas-savoir-contrat-de-travail_a_22491411/(4) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/di-rupo-a-propos-du-cdh-ils-sont-la-depuis-139-ans-c-est-vrai-qu-a-la-lumiere-de-leur-attitude-il-est-grand-temps-qu-ils-se-retirent-594c381dcd70530690c375e4

5 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

J'aime beaucoup la subtile réplique de Cédric Villani sur France Inter le lendmain : "Quand j'ai entendu Jean-Luc Mélenchon, je me suis dit : Il abuuuuuuuuse".

Une "buse" ?

B.− Au fig. et fam. [P. réf. à la tête figée de l'oiseau lorsqu'il guette sa proie] Personne sotte et ignare :
4. [L'âne :] ... j'accepte L'enseignement duquel on sortirait inepte, Ignare, aveugle, sourd, buse, idiot; mais bon. Hugo, L'Âne,1880, p. 290.
− P. méton., belgicisme, fam. Échec d'un candidat aux examens, aux élections. Avoir une buse.

Je ne suis pas certain que tout le monde ait compris l'allusion :-) Il a du s'y prendre à deux fois avant que Léa Salamé ne comprenne !

Pour le reste, bravo pour cet excellent blog plein d'humeurs, de justesses et de sagesses...

Jean-Claude a dit…

On en avait déjà l'intuition portée par de multiples déclarations à l'emporte-pièce, des effets de gueule qu'il a manifestement grande (davantage que sa mémoire, en effet, lorsqu'il s'agit de se rappeler un parcours européen et les émoluments qui vont avec) : Jean-Luc Mélenchon (on a envie de souffler le "h")semble davantage taillé pour créer le buzz que pour se faire l'artisan de plus en plus improbable d'une opposition parlementaire intelligente, combative mais constructive dont toute démocratie a besoin. Après avoir choisi de court-circuiter le PS et ses alliés (tous les moyens étant bons comme on a pu le voir, un soir de primaire de la droite, face à son (ex-)ami Cohn-Bendit : http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2016/11/27), après avoir ensuite choisi d'entretenir un flou coupable face au FN, JLM semble bien parti pour rejoindre celui-ci dans l'agitation systématique et stérile des bancs de l'Assemblée. Alors, on peut se le demander, pareille absence de programme mérite-t-elle... un contrat de travail ?
JC Dewinte

Grégoire a dit…

Mélenchon a raison, mais évidemment, avec lui, la forme étouffe souvent le fond. Le créateur du drapeau, Arsène Heitz, affirma s'être inspiré de la vision de saint Jean dans l'Apocalypse d'une « femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et sur sa tête une couronne de douze étoiles ». Bien-sûr, le site officiel de l'Union Européenne n'en pipe mot, avance une signification plutôt gnagnan : "Les étoiles symbolisent les idéaux d'unité, de solidarité et d'harmonie entre les peuples d'Europe." (source : http://www.leparisien.fr/elections-europeennes/europeennes-pourquoi-le-drapeau-europeen-a-t-il-douze-etoiles-30-04-2014-3807007.php). Cela en reste au stade du symbole...
Europe encore, le fameux déficit de 3 % a été imaginé par Pierre Bilger, le directeur du budget français en 1981 et Roland de Villepin (cousin de l'autre...) à la demande de Mitterrand qui voulait une règle facile. Pourquoi 3 %, parce que la Sainte Trinité... (source :http://www.monde-diplomatique.fr/2014/10/A/50854).

Michel GUILBERT a dit…

Intéressant!
Mais ce que je reproche à Mélenchon, c'est son anti-européanisme primaire. Je n'aime pas les drapeaux, mais je préfère quand même le drapeau européen aux drapeaux nationaux. Lui, visiblement, c'est l'inverse. Encore une fois, comme la fille à papa...

Grégoire a dit…

En Belgique francophone, il y en a un député-bourgmestre-administrateur socialiste qui opte pour le décumul (belgicisme) financier et annonce qu'il rendra son salaire de bourgmestre, tout en restant à ce poste (entre l'argent et le pouvoir...). La beauté de son sacrifice rejaillit sur son engagement légendaire à l'égard des plus humbles dans sa commune et au-delà. Il en profite pour se faire un coup de com'. On peut aimer les pauvres et ne pas vouloir en faire partie. Rien de contradictoire. Il s'en trouve, parmi les commentateurs d'un article en ligne de la presse locale le concernant, pour le féliciter et le citer en exemple.
Le contenu entier de l'article est évidemment limité aux abonnés, mais posera-t-il la question de savoir pourquoi, mais pourquoi donc, ce bourgmestre (maire), et ses semblables, ne l'ont pas fait avant? En tout cas, les commentateurs ne la posent pas.
Talonnés par l'extrême gauche belge francophone (PTB), les socialistes belges francophones sentent que la tolérance à leur égard a atteint ses limites, même parmi leurs affiliés. Le Parti socialiste ne peut plus faire croire que la succession de scandales politico-financiers et les montants touchés par certains ne fassent pas partie du mode de fonctionnement de ce parti. Je n'en dédouane pas pour autant les libéraux francophones et les centristes. Quand la Société est prospère et que tout le monde vit suffisamment bien, on se fiche un peu de savoir qui (et de quel parti) pioche dans la caisse, du moment qu'il en reste assez pour les autres. Seulement, voilà, les trente glorieuses sont loin, très loin, trop loin.
J'attends presque impatiemment les prochaines élections en Belgique.
En attendant, le monologue de Figaro me revient à l'esprit : "Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête,..."