jeudi 13 juin 2019

Histoires romantiques

Les pesticides sont partout. Même là où on ne les attend pas. On a beau manger le plus sainement possible, vivre dans un environnement qui semble encore assez naturel, on en ingère tous les jours à notre insu.
En Indre, soixante-neuf personnes, de trente à quatre-vingts ans, ont fait analyser leurs urines. Et les résultats sont inquiétants: tous sont contaminés au glyphosate. Alors que le taux maximal de glyphosate autorisé dans l'eau potable est de 0,1 ng/ml, on constate des taux moyens de 0,809 ng chez les femmes (avec des taux qui atteignent 2,274) et de 0,868 ng chez les hommes (taux maximal: 2,190). Le collectif "Campagne glyphosate 36", à l'origine de ces tests, compte déposer plainte pour atteinte à l'environnement, tromperie aggravée et mise en danger de la vie d'autrui contre les fabricants de glyphosate, l'Union européenne et l'institut allemand de l'évaluation des risques qui a autorisé la mise sur le marché de l'herbicide (1).

En Bretagne, un maire a pris des mesures pout tenter de minimiser l'impact des pesticides sur sa population: il a interdit les épandages à moins de 150 mètres de toute parcelle comprenant une habitation. Cette mesure qu'on peut considérer comme légère et simplement logique est jugée excessive par la préfète d'Ille-et-Vilaine qui considère que le maire de Langouët n'a tout simplement pas le droit de prendre une telle décision. Elle lui demande de retirer son arrêté, considérant que les circonstances particulières locales ou le cas de péril imminent ne sont pas avérés (2).

Faudra-t-il attendre des drames comme en connaît quotidiennement le Paraguay pour que les maires puissent enfin agir? Là-bas, les habitants ne comptent pas, moins, beaucoup moins en tout cas que les intérêts économiques de l'agro-industrie. Coincés au milieu de milliers d'hectares de soja arrosés de pesticides par d'immenses tracteurs et des avions, ils développent - leurs enfants surtout - de nombreuses maladies. Certains en meurent. Dans le documentaire "Vert de rage" (3), un homme raconte la mort de ses deux fillettes de six mois et trois ans, à quelques heures d'intervalle, après vingt-quatre heures non stop d'épandage. "Nous sommes les oubliés du pays", déplore une femme dont le fils souffre de crises incessantes de toux et de diarrhée. Une autre a une fille qui souffre d'hydrocéphalie. "Les malformations congénitales constituent la deuxième cause de mortalité néonatale", constate une pédiatre. Une étude a démontré que 46% de l'ADN d'enfants exposés directement aux pesticides sont endommagés.
La production de soja transgénique a explosé au Paraguay depuis vingt ans et s'étend maintenant sur cinq millions d'hectares. La quasi totalité est destinée à l'exportation, un tiers vers l'Europe. La vie des habitants de ce qui reste de campagne ne vaut rien face à la valeur du soja: plus de trois cents dollars la tonne. Et ce n'est pas le ministre de l'Agriculture qui les défendra: "il s'agit d'économie, pas de romantisme", se borne dit-il à déclarer. Se soucier de la vie humaine serait donc romantique. Comment qualifier le souci de l'économie? De cynique? D'assassin?




(1) "Les soupçons se confirment: tous contaminés au glyphosate", L'Echo - La Marseillaise, 7.6.2019.
(2) https://www.ouest-france.fr/bretagne/langouet-35630/langouet-l-arrete-contre-les-pesticides-considere-comme-illegal-6392181
(3) "Vert de rage", diffusé sur France 5, le 5.6.2019 à 20h55 - "Les horreurs de l'or vert", Etienne Labrunie, Télérama, 29.5.2019.

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