mardi 11 juin 2019

Autocensure

Ce silence-là fait à peine du bruit. Le New York Times, l'un des plus grands quotidiens au monde, vient de décider de ne plus publier de dessin de presse dans son édition internationale, alors qu'il n'y en a déjà plus depuis longtemps dans son édition nationale. C'est qu'un dessin récent a été jugé antisémite: on y voit un Donald Trump aveugle coiffé d'une kippa tenir en laisse un Benjamin Netanyahu représenté en chien avec une étoile de David accrochée à son collier. C'est ce qu'on appelle une caricature. Et comme toute caricature, elle évoque une situation réelle, souvent pire, bien pire que ce que le dessin montre. On pense à "Ceci n'est pas une pipe" de Magritte. Le dessin n'est qu'un dessin. Il caricature une réalité. Qui est autre chose. Le président américain, incapable de voir quoi que ce soit, se laisse mener par le premier ministre israélien. On a le droit de le penser. Et même de le dire. En quoi ce dessin est-il antisémite? On ne sait, mais peu importe. Le dessin a déplu à certains, les reproches ont plu et le le responsable d'édition a été sanctionné. Les réseaux dits sociaux font la loi. Et interdisent qu'on se moque de leur camp ou de leurs héros. Car se moquer, c'est "méchant", comme pourrait dire le Donald. Dès lors, plus question de choquer qui que ce soit. Voici venu le temps des Tartuffe imprécateurs, des indignés moralisateurs qui hurlent à la moindre critique. Si un journal de la taille du NYT s'écrase devant "une foule en colère", selon l'expression de Patrick Chappatte, dessinateur vedette du quotidien, on peut sérieusement s'inquiéter pour la liberté d'expression et d'opinion. D'ailleurs, ça fait un bon moment qu'on s'inquiète. Après le dessin, les mots? 

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