lundi 2 décembre 2019

Moments de dévoilement

Parlons, une fois encore, de ce fichu voile. Pour répondre à cette gauche qui se veut bien-pensante en se rangeant aux côtés des islamistes pour défendre leur drapeau. C'est le choix des femmes de le porter, disent-ils, il faut le respecter, c'est une décision personnelle.

Chez nous, en France, en Belgique et dans d'autres pays européens, une bonne partie de la gauche, qui ne sait plus où trouver des voix, est prête à tout pour en gagner. Y compris à se déjuger en manifestant contre une prétendue islamophobie en compagnie de salafistes. Et en défendant le voile au nom du choix personnel de chacune. En 2010, Jean-Luc Mélenchon affirmait que les femmes voilées se stigmatisaient toutes seules et il récusait le terme d'islamophobie. En 2018 encore, il estimait que la religion devient de plus en plus ostentatoire dans nos sociétés. Mais le MélenChe d'aujourd'hui n'a pas hésité à participer, il y a quelques semaines, à une manif où la foule scandait Allah Akbar et huait les noms de Mohamed Sifaoui ou de Zineb El Rhazoui parce qu'ils ont l'outrecuidance de dénoncer l'islamisme, ce pourquoi ils vivent, l'un et l'autre, sous protection policière.
Il y a bientôt cinq ans, Mélenchon, à l'enterrement de son ami Charb, lâchement assassiné au nom du Prophète, dénonçait son exécution par "les fanatiques religieux, crétins sanglants qui vocifèrent de tous temps". Aujourd'hui, MélenChe s'est dévoilé: il n'est qu'un traitre qui marche sur le cadavre de celui qui fut son ami, un vulgaire politicien en quête de voix, communautaires en l'occurrence. Comme le dénonce Nathalie Bianco dans une lettre vibrante (1). Lui et tous ceux qui essaient (notamment de manière très paternaliste, comme le fait Edwy Plenel) de protéger contre ses dérives violentes l'Islam de France et de l'absoudre de son manque d'auto-critique ouvrent un boulevard à l'extrême droite, trop contente de les voir flirter avec les islamistes et de pouvoir se présenter ainsi comme le seul rempart contre cette violence indéniable.

"Le voile, un choix personnel. Vraiment?", interroge Dalal Al-Bizri (2) qui rappelle qu'il n'y a pas si longtemps "les cheveux au vent (...) avaient été un symbole de la liberté nationale" en Iran. Et qu'aujourd'hui, là et ailleurs, de plus en plus de femmes paient cher, très cher, leur refus de porter le voile. La journaliste rappelle aussi que Daech tuait toute femme ne portant pas de niqab noir. "Vous comprendrez, dit-elle, que le port du voile ne relève en rien d'une décision personnelle."
Dans le contexte actuel qui voit le voile imposé aux femmes par la pression religieuse et familiale, "le fait de l'ôter ne relève pas seulement d'un choix personnel, mais aussi d'une démarche qui est tout ce qu'il y a de plus politique. Ceux qui prennent de grands airs pour dire que le voile relève uniquement du choix personnel de chacune, ceux-là nous empêchent de comprendre cette nouvelle période. Ils nous empêchent de voir que, à l'époque des accessions à l'indépendance, le monde arabe portait un regard bien différent sur le voile".

La jeune journaliste Zineb El Rhazoui se souvient qu'au Maroc, où elle vivait alors, elle a assité à ce moment de basculement où, alors que le voile était très peu porté, elle l'a vu se répandre, comme en Algérie. "Le voilement des femmes est l'indice premier qui nous renseigne sur le taux de pénétration de l'idélogie islamiste dans une société. C'est le marqueur visuel d'une adhésion ou pas à cette idéologie. C'est à ça qu'il sert dans les pays où l'islamisme progresse. Quel choc pour moi de voir que ce débat se pose aujourd'hui en France et qu'il est accueilli avec beaucoup d'inculture, de mauvaise foi..." (3)

Le voile, un choix personnel pour les Iraniennes? Face à la contestation qui s'exprime dans les rues  ces dernières semaines, les barbus au pouvoir en Iran ont décidé de cibler les femmes, renforçant l'application des règles sur l'obligation de porter le voile (4). Les effectifs de la brigade des mœurs ont été renforcés, les chauffeurs de taxi ne peuvent embarquer des femmes non habillées selon la norme et les citoyens tout comme la compagnie de métro de Téhéran sont invités à signaler les femmes dont la tenue n'est pas conforme à la volonté des ayatollahs. Les femmes incorrectes sont punies d'amendes, de coups de fouet ou d'emprisonnement. Rien qu'à Téhéran, ces derniers temps, 300.000  femmes ont été convoquées à la police. Même les dénonciations de maltraitance de femmes sont interdites. Le président du tribunal révolutionnaire (sic) de Téhéran menace de dix ans de prison celles et ceux qui postent sur les réseaux sociaux des photos de femmes maltraitées. Reste que les femmes iraniennes résistent et que le gouvernement iranien n'est toujours pas parvenu, en quarante ans, à imposer ses règles sur le port du hidjab. C'est, pour nombre d'entre elles, un choix personnel de ne pas porter ce vêtement qui doit les rendre honteuses d'être femmes.

L'Egyptienne Mennah Bareh, en décidant de s'en passer, a vécu "un des plus beaux moments" de sa vie. (5)  "Je n'avais vraiment jamais ressenti un tel bonheur. Je me sentais vraiment en phase avec mon apparence physique, j'avais retrouvé confiance en moi, je pouvais à nouveau porter les vêtements que je voulais, me coiffer selon mes envies du jour". Elle fustige ceux qui contrôlent la manière dont les femmes s'habillent: "ceux qui expliquent que l'apparence n'a pas d'importance et que la seule chose qui compte est la personnalité, ceux-là vous mentent. (...) Eux-mêmes ne cessent de se préoccuper de la manière dont une femme doit se présenter devant autrui, puisque ce sont eux qui lui imposent un fichu sur la tête". Le voile, lui rétorque-t-on, protège les femmes des regards des hommes. "Le voile n'y change rien, constate-t-elle, et, surtout, ce n'est pas mon problème si un homme perd ses moyens à la vue d'une chevelure. Qu'il aille se faire soigner et régler ses frustrations, loin de moi."

(1) https://www.marianne.net/debattons/tribunes/lettre-ouverte-melenchon-dimanche-le-souvenir-de-ton-ami-charb-t-t-il-glace-le
https://www.marianne.net/debattons/editos/marche-contre-islamophobie-melenchon-trahit-charb
(2) Dalal Al-Bizri, "Monde musulman. Le voile, un choix personnel. Vraiment?", Al-Araby Al-Jadid (Londres), 10.10.2019, in Le Courrier international, 14.11.2019.
(3) https://www.lefigaro.fr/vox/societe/elisabeth-badinter-zineb-el-rhazoui-les-insoumises-20191129
(4) "En Iran, elles résistent malgré la répression", Radio Farda (Prague), 31.7.2019,  in Le Courrier international, 14.11.2019.
(5) Mennah Bareh, "Un des plus beaux moments de ma vie", Raseef22 (Beyrouth), 16.9.2019,  in Le Courrier international, 14.11.2019.

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