vendredi 8 janvier 2021

Derrière le masque

Depuis bientôt un an, nous avons pris - même si c'est difficilement - l'habitude de porter un masque en public. Un masque comme un uniforme. Parfois nous ne nous reconnaissons plus les uns les autres. Sommes-nous des acteurs dans un grand jeu qui cherche à nous anonymiser quand dans le même temps nous sommes sous le contrôle de logiciels de reconnaissance faciale? Parfois, nous avons l'impression de nous fondre dans un chœur comme à l'opéra, semblables et différents à la fois, mais distants désormais. Quel rôle jouons-nous dans cette société de l'évitement qu'est devenue la nôtre?

En 2008, Nancy Huston écrivait "L'Espèce fabulatrice".  Nous sommes tous faits de fictions, dit-elle. "L'identité nous vient des histoires, récits, fictions diverses qui nous sont inculqués au cours de notre prime jeunesse. On y croit, on y tient, on s'y cramponne."

On trouve dans cet ouvrage les lignes suivantes qui résonnent autant avec l'aspect physique que nous sommes tenus d'adopter aujourd'hui qu'avec l'enfermement dans une identité unique que revendiquent certains:

"Si les fictions avec personnages sont omniprésentes dans notre espèce, c'est que nous sommes nous-mêmes les personnages de notre vie - et avons besoin, à la différence des chimpanzés, d'apprendre notre rôle."

"Personnage et personne viennent tous deux de persona: mot bien ancien (...) signifiant masque". 

"Un être humain, c'est quelqu'un qui porte un masque."

"Chaque personne est un personnage."

"La spécificité de notre espèce, c'est qu'elle passe sa vie à jouer sa vie."

"Les rôles qu'on nous propose seront plus ou moins divers, plus ou moins figés selon la société dans laquelle nous naissons. On nous montrera comment nous y prendre pour les jouer, on nous apprendra à imiter les modèles et à intégrer les récits les concernant."

"L'identité est construite grâce à l'identification. Le soi est tissé d'autres."

"Oui: nous avons tous besoin (comme le disait Beckett) de compagnie."

"Notre cerveau, même celui du philosophe rationaliste le plus misanthrope et monacal, grouille littéralement de la présence des autres." 

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