jeudi 7 janvier 2021

Ego Premier

Le (non-)président Trump est un mélange de Néron, d'Attila et de Père Ubu, un pyromane infatué qui préfère laisser derrière lui un pays en cendres que reconnaître sa défaite. Il n'aura présidé que sa propre ambition. L'homme qui se présente comme le négociateur le plus habile que la Terre ait jamais connu n'aura eu pour seule stratégie que celle du chaos. Lui qui affirme aujourd'hui-même avoir effectué "l'un des meilleurs premiers mandats présidentiels" démontre que les électeurs américains ont eu raison de lui préférer Joe Biden. Enfermé dans son ego, il ne s'informe que par Twitter, Facebook et Fox News de manière à n'entendre aucun avis différent du sien. Suffisant Ier n'a jamais été un président à la hauteur de sa tache, tous les gens un tant soit peu intelligents l'ont lâché petit à petit. Il n'est plus aujourd'hui que le gourou d'une meute d'abrutis, de cour des miracles fascistoïde, de complotistes fanatisés par ses soins. "Je suis le meilleur et après moi les mouches" est le credo d'un homme dont toute personne sensée savait, même avant son mandat, qu'il n'avait pas les dispositions psychiques pour l'aborder. Le parti républicain - et une partie de la presse, fascinée par ce personnage arrogant - porte là une lourde responsabilité, pour l'avoir choisi comme champion il y a plus de quatre ans. En 2016,  même si nombreux furent ceux qui déplorèrent son élection, personne ne l'a contestée. Aujourd'hui, il a sciemment entraîné ses fans à s'opposer physiquement aux résultats, pourtant incontestables, de l'élection de novembre. Voilà où mènent les théories conspirationnistes: au refus de la démocratie. 

"Voilà bien le plus inquiétant, estimait ce matin sur France Inter l'éditorialiste Thomas Legrand : hier nous avons vu, concrètement, un échantillon du résultat d’années de théories de la conspiration. Il ne s’agit donc plus, dans la démocratie américaine, pour l’instant, de débat d’opinion mais une confrontation de réalité, de vérités… c’était une journée presqu’emblématique de la maladie des démocraties représentatives ou libérales à travers le monde. Les démocraties (et la France subit aussi – en partie - ce phénomène) ne se fissurent plus sur des visions de l’avenir ou du monde mais sur la représentation de réalités différentes. Phénomène qui avait permis l’élection de Donald Trump et – dans cette dernière ligne droite - son enfermement dans un mensonge, un monde factuel parallèle. La puissance du mensonge, des théories du complot, aux Etats-Unis n’a plus comme conséquence de maintenir une partie de la population à la marge, en position de victime, Donald Trump leur a donné des raisons et des mots pour réclamer que leur vérité s’impose. Hannah Arendt le disait La liberté d’opinion est une farce si ce sont les faits eux-mêmes qui sont l’objet de débat. La notion de majorité ou de minorité (donc de démocratie) n’a plus de sens quand ce qui se débat ne sont plus les idées mais les faits. Ce poison menace toutes les démocraties représentatives et parlementaires. La pitoyable journée d’hier nous le rappelle tout simplement…" 

Au moment où les Etats-Unis basculent dans ce moment de folie furieuse, on entend le président brésilien Bolsonaro tenir ces propos ahurissants: "Le pays est en faillite, je ne peux rien faire" et reporter sur la presse et les gouverneurs la responsabilité de la propagation d'un coronavirus qu'il nie et d'un marasme économique. Voilà le vrai visage des populistes, leur irresponsabilité n'a d'égal que leur ego.

Père Ubu.- Corne physique, je suis à moitié mort! Mais c'est égal, je pars en guerre et je tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit! Ji lon mets dans ma poche avec torsion du nez et des dents et extraction de la langue. Alfred Jarry, "Ubu Roi".

Note: en France, la fille à papa Le Pen, au vu du scandale qu'ont provoqué les événements américains de la nuit dernière, s'est empressée de reconnaître avec deux mois de retard la victoire de Biden. Jusqu'alors, elle et son parti s'étaient rangés derrière leur ami populiste Donald Ier, roi des menteurs.

5 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Il y a la personne de Trump et tout ce qui va avec, sans aucun doute. Mais il y a aussi les 74 millions d'Américains qui lui ont donné leur voix en 2020, et ceux qui l'ont élu en 2016. Déjà, avant Trump, le parti républicain s'était droitisé avec le Tea Party et Sarah Palin, colistière de John McCain (adversaire de Trump par la suite) en 2008. C'est donc la compréhension des causes de fond qui comptent pour moi, davantage que la personnalité de Trump. Même si cette dernière a incontestablement joué, étant un chef charismatique qui correspond à une demande. Mais c'est "la demande" qui me semble importante. On en connaît les composantes que je ne vais pas détailler ici.

Michel GUILBERT a dit…

Bien d'accord, mais c'est quand même la première fois qu'on voit un président d'un Etat démocratique appeler à marcher "sauvagement" pour empêcher le pouvoir législatif de reconnaître le résultat d'élections.
Intéressantes analyses sur France Inter ce matin avec Bertrand Badie et P.H. Tavoillot:
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-08-janvier-2021

Bernard De Backer a dit…

Je vais écouter. Dommage que le liens ne soient pas sctifs sur ton blog. Hitler l'a précédé, ayant été désigné chancelier de la République (démocratique) de Weimar par Hindenburg en janvier 1933, après la victoire de son parti aux élections en 1932, puis ayant fait pire : l'incendie du Reichstag en février 33 et la destruction de la démocratie allemande ensuite. Quant à Lénine, il a tout simplement dissout l'assemblée constituante légitemement élue au suffrage universel, ce qui, il est vrai, n'était pas son cas. Trump est bonne compagnie, mais la démocratie américaine résiste mieux, son ancrage étant ancien.

Michel GUILBERT a dit…

Oui, désolé, Bernard (et les autres): je ne sais pas comment faire pour que les liens soient actifs dans les commentaires.

Jean-Claude Dewinte a dit…

Capté auprès d'un fanatique de Ubu Trump par le micro d'un journaliste AFP dans le chaos du capitole : "Nous avons des droits par Dieu, pas par ce (nouveau) gouvernement !"
Euh... c'est quoi le mot djihadiste en américain usuel ?