samedi 16 janvier 2021

Etouffement volontaire

Les (derniers) négationnistes du réchauffement climatique tiennent un nouvel argument: la neige tombée en abondance à Madrid leur donne raison. La capitale espagnole n'avait pas connu un tel épisode depuis cinquante ans.
Sauf que l'année 2020 a été l'une des plus chaudes qu'ait connues la planète, au coude-à-coude avec 2016 et 2019, d'après un bilan définitif de l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Et l'épisode 2020 de la Nina, qui a provoqué un refroidissement du Pacifique équatorial, diminué la température globale de la planète et limité la chaleur en fin d’année, n'a pas réussi à inverser la tendance. Pas plus que le ralentissement économique dû au coronavirus n'a pu freiner l'augmentation de la concentration de CO2. "Depuis les années 1980, chaque décennie a été plus chaude que la précédente, affirme le secrétaire général de l'OMM, Petteri Taalas. Les gaz à effet de serre qui piègent la chaleur dans l’atmosphère restent à des niveaux record et la longue durée de vie du dioxyde de carbone, le gaz le plus important, engage la planète dans un réchauffement futur." Les dix dernières années sont aussi les dix plus chaudes enregistrées dans les océans, qui absorbent 93 % de l’énergie excédentaire attribuable au réchauffement planétaire. 

2020 a été largement l'année la plus chaude en Europe, avec 0,4 °C au-dessus de 2019, et plus de 2,2 °C au-dessus de la période préindustrielle (1850-1900). Elle a également marqué un record de températures en France depuis le début des mesures en 1900, indique Le Monde. A l’échelle mondiale, la température moyenne en 2020 était d’environ 14,9 °C, soit 1,2 °C de plus que le niveau préindustriel. En Arctique, les températures ont été supérieures de plus de 5 °C à la moyenne. D'où une saison d'incendies inédite et la disparition accélérée de la banquise arctique. Elle a atteint en septembre sa deuxième superficie la plus basse jamais enregistrée. A cette hausse mondiale des températures, s'ajoutent une accélération de l’élévation du niveau des mers, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, de graves inondations en l’Afrique de l’Est, au Sahel, en Asie du Sud, en Chine et au Vietnam, d'importantes sécheresses en Amérique du Sud, des incendies aux Etats-Unis, au Brésil et en Sibérie et une saison cyclonique record dans l’Atlantique Nord. 

On voit par là que la planète souffre et qu'elle va devenir peu à peu - ou rapidement - inhabitable. "L’humanité est au bord du précipice climatique s'alarme, une fois encore, le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Cette crise aura des conséquences pour l’humanité et pour les écosystèmes bien plus graves que celles du Covid-19. On se demande ce qu'il faut pour que la situation soit enfin traitée avec l’urgence qu’elle mérite." Les habitants des vallées du Gange et de l'Indus, sont parmi d'autres, durement touchés par ces bouleversements extrêmement rapides et personne, nulle part, ne sera à l'abri. "A la fin du siècle, dans un scénario d’inaction contre le dérèglement climatique, près des deux tiers de la population européenne pourraient être affectés chaque année par des événements climatiques extrêmes, contre 5 % sur la période de référence 1981-2010. Le nombre moyen de décès annuels dus à des extrêmes climatiques en Europe pourrait passer de 3.000 aujourd’hui à environ 100.000 au milieu du siècle et 150.000 vers 2100, principalement à cause des vagues de chaleur." Les solutions, selon lui, à mettre en œuvre en urgence: sortir complètement des énergies fossiles, réduire notre consommation d’énergie, développer massivement les énergies renouvelables, stopper la déforestation, replanter sans affecter la biodiversité, réduire fortement les émissions des autres gaz à effet de serre, réorienter les flux financiers. Tout en sachant que, "si on arrêtait brutalement toutes les émissions d’origine humaine, il faudrait attendre la  fin du siècle pour commencer à observer une température inférieure à celle d’aujourd’hui, à cause de l’inertie du système climatique et de l’effet des émissions passées".

Peut-on être optimiste par rapport à notre avenir? On peut craindre le pire. L'Homme semble trop frileux pour prendre des mesures qui lui éviteront de mourir de chaleur.

D'après "2020, l'une des trois années les plus chaudes", Audrey Garric, Le Monde, 15.1.2021 et  "Il faut arrêter cette machine infernale du réchauffement", propos recueillis par Audrey Garric, Le Monde, 15.1.2021.


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