samedi 24 décembre 2022

Etudiants en non droit

Il n'existe visiblement pas de féminin au mot taliban. Il signifie étudiants et pas étudiantes. Ils viennent d'interdire l'université aux filles, après leur avoir interdit, en mars dernier, l'école secondaire. De plus, les femmes doivent porter la burqa ou un hijab en public, elles n'ont plus accès à la plupart des emplois publics, pas le droit de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin, pas le droit d’entrer dans les parcs, les salles de sport et les bains publics. Qu'ont-elles encore le droit de vivre ?
On rêve de voir toutes les Afghanes quitter leur pays, laisser ces mâles barbares entre eux. On les imagine désemparés. Que signifie pour eux les termes mères, sœurs, épouses ? Esclaves ? Qu'étudient-ils, ces prétendus étudiants ou chercheurs ? La violence ? La méchanceté ? La bêtise ? Le patriarcat ? Le mépris ? Ils en sont spécialistes, il faut leur reconnaître.

(Pendant ce temps-là, on entend les bonnes âmes prétendre que le patriarcat et l'esclavagisme ne sont le fait que de l'Occident et que le voile est un choix respectable. Je vomis les bonnes âmes.)

3 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Bien envoyé, Michel. Sur le patriarcat et la domination masculine, imputée à l'Occident voire au néo-libéralisme, il suffit de lire les anthropologues. Je relisais récemment "Les lances du crépuscule" de Philipe Descola dans la collection Terre humaine. C'est son splendide journal de terrain chez les Achuars (un collectif appartenant aux Jivaros) en Amazonie. Une population animiste de chasseurs cueilleurs, vivant au coeur de la forêt et loin de l'Occident. Descola décrit en détail le statut de la femme dans ces petites sociétés patriarcales. C'est parfois à frémir (même si je ne veux pas simplifier). L'anthropologue utilse d'ailleurs à plusieurs reprise le terme "domination masculine". L'ignorance des belles âmes dont tu parles est consternante, y compris chez des académiques.

Michel GUILBERT a dit…

Oui, Bernard, les analyses "décoloniales" sont souvent affligeantes de mauvaise foi, de simplisme et d'ignorance.

Bernard De Backer a dit…

Pour se défaire de certaines niaiseries décoloniales – comme « le patriarcat » ou la naturalisation des femmes devant être soumises et domestiquées par les hommes, tous deux supposés d’origine occidentale (voire capitaliste ou néo-libérale) – il suffit de lire quelques pages des Lances du crépuscule (1993) de Philippe Descola. On y trouve notamment cette observation sur la vie des Achuars (collectif animiste de Haute Amazonie) : « … j’en suis venu à interpréter la violence conjugale des Achuars moins comme l’expression d’une brutalité naturelle que comme une manière de socialiser les femmes par les coups, analogue dans dans son intention à leur apprivoisement symbolique par la sexualité. L’idée, par ailleurs fort commune, que celle-ci sont plutôt du côté de la nature suppose en effet que les hommes doivent non seulement éduquer les femmes au quotidien – la bonne épouse doit être « réceptive à l’apprentissage » -, mais aussi les marques des stigmates d’une loi masculine posée comme incarnation de la culture. » (p. 217). Tout le chapitre « l’amour au pluriel » mérite d’être lu sous l’angle de la domination masculine, parfois extrême (soumission, coups, meurtres, etc.). Pour comprendre ce qui est en jeu, lire « La fin de la domination masculine » de Marcel Gauchet.