dimanche 19 novembre 2023

Un gouvernement contre son peuple

La guerre entre Israël et le Hamas a tendance à nous faire oublier les autres conflits, ceux qui opposent un pays à un autre, une population à une autre ou un gouvernement à son peuple. 
La dictature iranienne - qui aide militairement, financièrement, politiquement le Hamas - fait partie de ces criminels qui se réjouissent que l'attention internationale se détourne d'eux. Les démocrates iraniens qui subissent la charia ont besoin d'être soutenus et se trouvent trop souvent ignorés par ceux qui craignent de se faire traiter d'islamophobes s'ils s'opposaient aux théocrates brutaux.
Un remarquable ouvrage illustré, initié et coordonné par Marjane Satrapi, participe à ce soutien : "Femme - Vie - Liberté" (1) retrace les évènements récents de la révolte qui secoue l'Iran, décrit les manifestations, l'enfer de la prison d'Evin, les exécutions de jeunes qui aspiraient uniquement à vivre libres, l'empoisonnement des écolières, la jeunesse dorée du régime qui vit à l'écart des  règles infernales du régime, l'exercice de la censure, les interdictions faites aux femmes, etc.
Les auteurs et autrices sont pour la plupart d'origine iranienne et les dessinateurs et dessinatrices sont iraniens, français ou espagnols.

L'ouvrage se termine par un échange entre Abbas Malekzadeh Milani, Jean-Pierre Perrin, Farid Vahid, Marjane Satrapi et Joann Sfar (et est illustré par ce dernier). Ensemble, ils imaginent l'avenir de l'Iran. Il sera forcément libre. A les entendre parler du régime des barbus, on pense à l'attitude du Hamas. Tant le régime chiite que les dirigeants du Hamas n'ont que mépris pour le peuple qu'ils sont censés représenter et protéger.

Le professeur Abbas Malekzadeh Milani est un historien irano-américain, il a enseigné à l'Université de Téhéran, puis a été prisonnier politique, interdit d'exercer après la révolution iranienne et a quitté l'Iran en 1989 : "Khomeini n'était pas révolutionnaire, au contraire ! Khomeini, c'était la contre-révolution. Pour une révolution, il faut une citoyenneté, des humains qui prennent en main leur futur et en sont capables. La révolution islamique, ce fut l'inverse."
"Ou bien ce fut une révolution qui visait à islamiser le monde et qui se fichait que cela désintègre l'Iran", ajoute Jean-Pierre Perrin, correspondant de guerre, spécialiste du monde arabe. 

A.M.M.  encore : "Les pays de l'ouest ont voulu trop longtemps croire les mensonges de ce régime. Ils ne sont ni anti-impérialistes, ni anti-sionistes. Ce sont des racistes et anti-juifs. Cette dissimulation marche encore aujourd'hui sur une frange des opinions publique occidentales. Cela explique le manque d'adhésion de certains au mouvement Femme-Vie-Liberté. On leur a fait croire que s'ils défendaient la liberté ils étaient islamophobes. Khomeini disait : je peux mentir sur tout si c'est au nom de Dieu."

Farid Vahid, politologue iranien, qui vit aujourd'hui à Paris : "Quatre décennies de fanatisme et de religion obligatoire ont paradoxalement sécularisé la société  iranienne, qui rejette aujourd'hui massivement le religieux. Les mollahs ont juste réussi à faire naître une passion pour la laïcité."

Marjane Satrapi, dessinatrice et réalisatrice : "Les intellectuels que tu entends tous les jours à la moindre connerie, au sujet de l'Iran, c'est le monde du silence. Le commandant Cousteau. C'est choquant. Ils aiment les Iraniens avec un âne sur une colline. Et leurs femmes avec un voile. C'est une folie ! Persepolis (2) est interdit dans plusieurs écoles américaines pour cause d'islamophobie ! Il a fallu que l'imam de Philadelphie vienne dire qu'il adorait mon livre et que je me battais contre le fanatisme et pas contre la spiritualité pour que les dames blondes et athées acceptent d'ouvrir l'album !"

En Iran, la population se bat pour sa liberté et surtout pour une amélioration de la situation socio-économique du pays.  Un Iranien a posté une vidéo de son frigo vide et on l'entend dire : “C’est mon réfrigérateur, et j’ai trois enfants. Le régime de la République islamique dépense notre argent pour Gaza et le Liban.”
Le 7 novembre, l’ancien chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, s’est exprimé lors d’une conférence à Téhéran sur le thème de la guerre qui oppose Israël au Hamas. “Le peuple en a assez de subir les conséquences de la politique iranienne” sur la question palestinienne, dont le régime se fait le parangon, a notamment déclaré l’ancien ministre appartenant au camp des modérés. Il a ajouté que la population avait “raison” de penser que l’Iran ne devait pas “faire la guerre” pour les Palestiniens.
"Ces propos illustrent une véritable tendance au sein de la société iranienne, dont une grande partie n’hésite plus à exprimer son mécontentement à l’égard de la politique de la République islamique vis-à-vis de la Palestine", écrit Le Courrier international (3). En soutenant coûte que coûte le Hamas et le Hezbollah libanais, les dirigeants chiites confirment que les priorités pour eux sont l'islamisation du monde et la destruction d'Israël. Et certains pas le bien de leur population. 

(1) "Femme - Vie - Liberté", divers auteurs, sous la direction de Marjane Satrapi, L'Iconoclaste, 2023.
(2) Bande dessinée autobiographique de Marjane Satrapi, publiée par L'Association, en quatre volumes de 2000 à 2003.
(3) https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-teheran-en-iran-la-population-desapprouve-le-soutien-du-regime-au-hamas


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