dimanche 7 décembre 2025

Au plus bas

Le monde actuel ressemble à une cour de récréation. Les caïds y imposent leur loi, aidés par les petits bras, les bas du front, les courtisans, les flagorneurs dont ils s'entourent et qui prennent plaisir à frapper les petits, à leur voler leur goûter ou leur casquette.

Les brutes que sont Poutine ou Trump s'imposent partout par leur pouvoir mais aussi grâce aux munichois, aux obligés serviles, aux cireurs de bottes qui leur font la cour.
Le premier ministre indien Narendra Modi vient de recevoir chaleureusement son ami Poutine. Orban, Fico et tant d'autres populistes se plaisent à insulter Zelensky pour faire les yeux doux au président russe tout en affirmant aux démocrates leur volonté de gouverner leur propre pays d'une main de fer.
Les leaders populistes d'Amérique latine Milei et Bukele s'affichent comme d'ardents soutiens à Trump quand d'autres présidents latino-américains (au Guatemala, au Panama, en Equateur) ont accepté de se plier aux droits de douane que leur impose le Père Ubu américain (1). Il règne en roi grâce à ceux qui le flattent et qui acceptent ses humiliations et ses caprices d'enfant gâté.
Le sommet de la bassesse a été atteint il y a quelques jours par Gianni Infantino, le président de la Fédération internationale de football, qui a remis à Trump un « prix de la paix » qu'il a inventé pour l'occasion. Infantino ne pourrait s'abaisser plus bas pour plaire à son ami caïd qu'il vénère.  Le voilà transformé en carpette. "Le moment où ce « prix de la paix » est décerné est particulier, au regard de la politique extérieure des Etats-Unis ces derniers temps, fait remarquer Le Monde (2). Donald Trump a ordonné le déploiement de troupes en mer des Caraïbes, dans un cadre de montée des tensions avec le Venezuela, et son président Nicolas Maduro, dont l’administration américaine demande le départ."
Il y a dans le monde de rares grands hommes et il y a tant d'hommes bas.

(1) Jack Nicas, "La doctrine Donroe : une tentative de mise au pas de l'Amérique latine", The New York Times, 17.11.2025, in Le Courrier international, 4.12.2025.(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/12/05/le-patron-du-football-mondial-offre-a-donald-trump-un-prix-de-la-paix-sur-mesure_6656196_3210.html

jeudi 4 décembre 2025

Fausses études, vraie peste

Les pesticides sèment la peste. Nombre d'études médicales l'attestent. Mais quantité de paysans veulent garder la tête dans le sable. Business as usual, voilà leur credo. Surtout ne rien changer à des pratiques dont ils sont souvent les premiers à souffrir.
Certains d'entre eux ont d'ailleurs créé il y a près de quinze ans une structure nationale pour venir en aide à l’ensemble des professionnels (agriculteurs, pépiniéristes, viticulteurs) victimes des pesticides : Phyto-Victimes (1). 

Récemment, le collectif Stop-Pesticides a installé quelque trois cents panneaux « Les pesticides tuent ! »  à l’entrée de différentes communes de l’Indre. Une centaine d'autres devraient s'y ajouter.
Dans un communiqué, relate La Nouvelle République (2), "le collectif a annoncé avoir commencé un mouvement « de sensibilisation de la population sur les dangers des pesticides » et a rappelé plusieurs effets néfastes des pesticides qui « tuent des insectes », « tuent des oiseaux » et « tuent des humains ». « Les pesticides et leurs résidus (métabolites) s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire avec des conséquences établies sur la santé. Les médecins et scientifiques de plus en plus nombreux dénoncent l’arrivée “ d’un tsunami de cancers ” », explique le communiqué, qui dénonce également la pollution engendrée par ces pesticides."
Le syndicat agricole Coordination rurale de l'Indre (proche de l'extrême droite) a annoncé, nous dit encore La Nouvelle République, "qu'il avait commencé à retirer plusieurs de ces pancartes avec lesquelles il était en désaccord". Que les membres de la Coordination rurale ne voient pas de problème à s'empoisonner eux-mêmes, soit, mais ils devraient quand même comprendre que la population ne le tolère pas qu'ils se plaisent à empoisonner les autres. A moins que, comme le Rassemblement national, il ne s'agisse que d'un mouvement très nombriliste, fermé sur lui-même, qui ne voit que ses propres intérêts et refuse toute vision d'avenir. Les anti-système sont souvent les plus fervents soutiens du système.

Aujourd'hui, Le Monde nous apprend (3) que la revue Regulatory Toxicology and Pharmacology a annoncé avoir retiré de ses archives une étude de 2000 qui concluait à la sûreté du Glyphosate. En fait, "les réels auteurs de l’article ne seraient pas ses signataires – Gary M. Williams (New York Medical College), Robert Kroes (Ritox, université d’Utrecht, Pays-Bas) et Ian C. Munro (Intertek Cantox, Canada) –, mais plutôt des cadres" de la société Monsanto. Il s'agit là de « ghostwriting » (littéralement « écriture fantôme »), une forme de fraude scientifique. "Elle consiste, écrit encore Le Monde, pour certaines firmes, à rémunérer des chercheurs afin qu’ils acceptent de signer des articles de recherche dont ils ne sont pas les auteurs. La motivation est simple : lorsqu’une étude s’avère favorable à un pesticide ou à un médicament, elle apparaît bien plus crédible si elle n’est pas signée par des scientifiques de la société qui le commercialise."
Dans une enquête qu'il a menée, "Le Monde avait identifié d’autres articles « ghostwrités », dans les revues Critical Reviews in Toxicology ou encore Journal of Toxicology and Environmental Health, Part B. Aucun n’a été rétracté."
Gageons que ces pratiques frauduleuses et dangereuses n'amèneront pas la Coordination rurale à sortir sa tête du sable.

(2) https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/pourquoi-des-pancartes-contre-les-pesticides-ont-ete-installees-partout-dans-l-indre-1764685332
(3) https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/12/03/glyphosate-l-une-des-plus-influentes-etudes-garantes-de-la-surete-de-l-herbicide-retractee-vingt-cinq-ans-apres-sa-publication_6655817_3244.html
Le titre en une du Monde de ce jour est le suivant : "PFAS : contamination générale de l'eau potable".

mardi 2 décembre 2025

Intense présence

La chanson française a perdu un de ses plus grands interprètes. Le plus intense peut-être. Jean Guidoni est mort. La théâtralité qu'il mettait à interpréter les textes noirs de ses chansons - ceux de Pierre Philippe en particulier - lui donnait sur scène une présence d'une intensité exceptionnelle. En juin dernier encore, il en témoignait à Festiv' en Marche, festival de la chanson belle et rebelle. A la fin de son récital, comme tant de spectateurs, la chanteuse Juliette essuyait ses larmes : "j'ai pris une claque", dit-elle.
"Singulier, sulfureux, théâtral toujours", écrit de lui Odile de Plas dans Télérama (1). "Jean Guidoni, écrivait dans Le Monde Véronique Mortaigne (2), fut un magnifique homme de scène, qui n’a jamais oublié de payer ses dettes aux femmes de cabaret, la « diseuse » Marianne Oswald, la réaliste Lys Gauty ou l’ange bleu Marlene Dietrich. D’elles, il avait appris le droit à la marge, aux paradis interdits. Complexe, charmant, perfectionniste, Jean Guidoni fut un cas."
Il avait sorti au printemps dernier son dernier album : Eldorado(s). Les derniers mots de la dernière chanson, Regarde mon amour, sont les suivants : "Toute la vie, c'est trop court. Pour nous". Oui, pour nous tous.

(1) "La voix écorchée des marges", Télérama, 3.12.2025
(2)  https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2025/11/22/la-mort-de-jean-guidoni-chanteur-a-l-esthetique-radicale-et-sombre_6654433_3382.html?search-type=classic&ise_click_rank=1