samedi 3 octobre 2009

La neutralité du nucléaire

Argument suprême des défenseurs du nucléaire: la décision prise, en 2003, de sortir progressivement du nucléaire était idéologique. Ce qui sous-entend, selon eux, que leur position ne l'est pas. Elle ne serait que rationnelle. (1)
Bien sûr que la sortie du nucléaire est idéologique. Tout comme l'est l'entrée ou le retour
dans la filère nucléaire.
C'est idéologiquement que les écologistes (au sens large) se soucient des générations qui les suivent et de ceux qui vivent à l'autre bout de la planète. C'est pour des raisons idéologiques que d'autres n'ont de vue que courte et à rentabilité immédiate.

L'énergie nucléaire est l'énergie type de la logique capitaliste. Les moyens sont centralisés aux mains de quelques-uns et imposés à tous à un coût très élevé. L'investissement est pour une partie public et les bénéfices privés.
C'est l'énergie de la société de consommation. J'ai eu l'occasion de soutenir au Sénat la loi de sortie du nucléaire et de relever, à cette occasion, que différentes études ont fait apparaître que plus un pays recourt à l'énergie nucléaire (la Belgique en est à 55% d'électricité produite à partir du nucléaire), plus il vit dans une culture du gaspillage. Les spécialistes estiment à 30% les possibilités d'économies d'énergie. Sans mal et sans perte de confort. Mais au prix d'une réelle volonté politique. Qui semble bien absente aujourd'hui. Certains ont estimé que Doel1 pourrait être fermé aujourd'hui, simplement si chaque Belge cessait de laisser constamment ses appareils électriques en veille. Les défenseurs du nucléaire (le Ministre du nucléaire durable en première ligne) estiment que sans celui-ci la Belgique ne pourra produire assez d'électricité en 2015. Avec le Gouvernement actuel, c'est la course au toujours plus. La société de consommation a toujours de beaux jours devant elle et les gaspillages restent à la mode. Nos autorités décalées soutiennent l'utilisation de la voiture, les grands centres commerciaux hors ville, les pistes de ski sur neige artificielle... Donc, forcément, les besoins ne vont cesser de s'accroître. Et donc, le nucléaire reste indispensable. CQFD.

Les déchets, visiblement, ne sont pas un problème: dans LLB de ce jour, Christian Legrain, secrétaire général du Centre d'études nucléaires, explique que les déchets "de basse radioactivité sont stockés en surface dans des bâtiments recouverts de terre à Dessel pour une durée d'environ 300 ans. Quant aux déchets radioactifs, aucune décision n'est encore prise. Il sont stockés temporairement pour refroidir, car ils ont quand même une température de 100°. Donc, d'ici une cinquantaine d'années, on ne stockera rien de manière définitive. Après, on va sans doute enterrer les déchets dans des couches stables dans le sol. (...) On cherche à réduire la radio-toxicité des déchets et leur volume. On envisage des installations où les dechets hautement radioactifs perdraient de leur teneur toxique par le phénomène de transmutation."
Bref, ces gens-là sont rationnels, ils "cherchent", ils "envisagent", ils "vont sans doute", ils n'ont pas pris de décision, ils utilisent le conditionnel. Et ça fait soixante ans que ça dure.
Et Legrain de s'en prendre aux opposants au nucléaire: "ils ont surtout une peur irrationnelle et irraisonnée depuis Tchernobyl. (...) Le risque est présent partout", conclut-il.
Voilà des propos d'un homme raisonnable: un panneau solaire qui tombe d'un toit ou une centrale nucléaire qui explose, ça fait autant de dégâts!

Au-delà du choix énergétique lui-même, cette attaque contre l'idéologie écologiste est symptomatique de cette société où non seulement disparaît toute idéologie, mais où, bien plus, celles qui s'xpriment encore sont forcément suspectes et suspectées de visées obscures. Au bout du compte, ne reste qu'une idéologie qui ne doit plus dire son nom, celle de l'argent et du bénéfice rapide.

(1) comme si la raison n'était jamais idéologique... On parle bien, par exemple, de "la raison capitaliste", non?

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