jeudi 1 octobre 2009

Nucléaire: vous en voulez encore?

Visiblement, le lobbying, ça marche. Paul Magnette, Ministre du "Développement durable" y est sensible. Il va proposer de prolonger de dix ans la sortie du nucléaire.
Le Forum nucléaire a lancé, voilà deux semaines, sa deuxième campagne de pub. Sous couvert de sonder le pour et le contre, il s'agit évidemment de convaincre que cette source énergétique est idéale pour lutter contre le réchauffement climatique. Et peut-être aussi pour lutter contre la grippe H1N1?
L'industrie nucléaire, c'est un sacré paquet de pognon: l'amortissement accéléré, sur vingt ans au lieu de quarante, du parc des centrales nucléaires belges (5800 MW) aurait rapporté un gain net de 3,9 milliards d'euros à Electrabel fin 2008. Si la durée de vie des centrales est prolongée de dix ans, le bénéfice net du retour sur investissement est évalué à 12 milliards d'euros. Une estimation de la Creg (Commission de régulation de l'électricité et du gaz). Rappelons que la loi de sortie du nucléaire prévoit une extinction de trois réacteurs en 2015: Doel 1 et 2 et Tihange 1. En cas de prolongation de dix ans, gain annuel: plus d'un milliard et demi d'euros. Et bingo, en cascade, pour les recettes de l'Etat, a dû se dire notre Ministre du Développement du budget.
Et tant pis si, dans sa grande entreprise de séduction, le lobby nucléaire ment: les déchets? Oh! une paille! En fait, juste un dé à coudre par habitant et par an. Pensez donc, autant dire rien! (ce qui en fait, quand on connaît les dangers du nucléaire, est déjà énorme). Et, affirme le Forum, au terme de l'exploitation des centrales, le volume de déchets à haute activité représentera, dans notre pays, l'équivalent d'une balle de tennis par habitant. La réalité est bien différente: Gilles Toussaint (de la Libre Belgique) a calculé qu'en divisant par le nombre de Belges les volumes de déchets annoncés on n'arrive pas aux 137 cm3 standards par habitant, mais à une fourchette de 200 à 450 cm3. Le journaliste a contacté la porte-parole du Forum nucléaire. Elle reconnaît l' "erreur", mais estime qu'en termes de com' une balle de tennis passe mieux qu'une boule de pétanque... Elle estime quand même qu'on sera sans doute au-delà.

Paul Magnette, visiblement, n'a pas lu ces chiffres. Ou alors, en a lu d'autres qui sont prioritaires: ceux du budget fédéral qui a des besoins importants.
Il n'a pas vu non plus "Le cauchemar du nucléaire", diffusé il y a deux semaines sur la Une. Laure Noualhat, spécialiste des questions environnementales à Libé, y révèle des chiffres effrayants: en France, on est à 10% de retraitement, alors qu'Areva annonce 96% de recyclable. "En réalité, dit-elle, j'ai fait le bilan des matières réelles pour l'année 2007 et j'arrive à 1,14% des déchets nucléaires français qui ont effectivement été réutilisés. (...) Dans les processus qui nous conduisent à retraiter ou recycler potentiellement ces déchets, on en laisse une bonne partie en Russie en pensant que ce sera économiquement intéressant de les utiliser plus tard, quand l'uranium naturel sera plus cher. Pendant ce temps, ils ne sont pas classés comme déchets, mais comme une matière radioactive". Et le tour est joué. Tout est une question de mots.
Les déchets nucléaires les plus radioactifs, à longue durée de vie, seront inoffensifs dans des centaines de milliers d'années. D'ici là, "après nous, les mouches". Si l'espèce vit encore.
Un dernier chiffre à l'attention de notre ministre des déchets durables: il vient de l'Agence internationale de l'énergie atomique (pas vraiment un club de talibans écolos): le coût du démantèlement des installations radioactives en fin de vie dans le monde s'élève à un minimum de mille milliards de dollars.

(à partir d'articles de LLB des 15, 16, 19 et 25.09.09)

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