lundi 22 mars 2010

En sortir. Et ver(t)s le haut.

Le capitalisme est-il dépassable? C'est la question qui fâche. Ou plutôt la ou les réponse(s). Ou leur absence.
On a compris depuis longtemps que les partis socio-démocrates n'ont (plus) aucune ambition à ce niveau. Ils sont devenus des gestionnaires du capitalisme, s'efforçant d'en éviter un excès de nuisances. "Sans nous, ce serait pire", serinent depuis leur ligne Maginot leurs représentants depuis quelques décennies. L'argument suprême.
"Le PS est engoncé dans sa culture gestionnaire de parti de gouvernement. Il est à la ramasse face à l'irruption de forces et d'idées nouvelles", déclarait récemment Eric Loiselet qui était tête de liste Europe-Ecologie en Champagne-Ardennes (1). On peut bien sûr se réjouir de la victoire de la gauche et du PS en particulier aux élections régionales en France ce dimanche. Mais à quoi servira cette victoire? A éviter un peu plus les dégâts de la droite, c'est déjà une bonne chose. Mais pas d'illusion: ne rêvons ni d'un grand soir ni d'une succession de quelques heureux matins. Aucun changement basique à l'horizon. Surtout pas de révolution. Même en souplesse. Juste des aménagements. Les actionnaires ne changeront pas leur projets de vacances.

Globalement, le PS belge est dans le même état d'esprit que son collègue français. Citta Verde, exemple parmi beaucoup d'autres, en témoigne. Le ministre-président de la Région wallonne, Rudy Demotte, se révèle clairement libéral au sens nord-américain du terme: socialement à gauche, économiquement à droite. On sent même une fascination. Chez Marcourt, ministre de l'économie, elle transpire.
Le problème, c'est que le PS est loin d'être le seul à manquer d'imagination. Et d'audace. C'est quasiment toute la gauche (toutes les gauches?) qui est "à la ramasse".
Dans le Vif de vendredi, une info interpellante concernant Ecolo. On y apprend que l'économiste Christian Arnsperger a relaté sur son blog une rencontre à laquelle il a participé au cabinet Nollet. "Le capitalisme, m'a-t-on fait comprendre, est incontournable comme moteur central de création de richesse. Il faut le harnacher, le discipliner, voire le contraindre en vue d'objectifs écologiques, mais il n'est pas dépassable vers un horizon post-capitaliste", explique-t-il. "Certains gros bonnets présents affirmaient haut et fort, rejoignant en cela le grand patronat, que l'autogestion, l'économie participative, la démocratie d'entreprise (...) n'avaient pas d'avenir et ne correspondaient pas à la nature de l'homme."
Houlà! Dès qu'on parle de nature, voilà le débat qui vire à droite. Le capitalisme serait-il naturel, au contraire d'une autogestion ardemment défendue par les créateurs du mouvement écologiste? Et Ecolo défend-il la nature face à la culture? Débat essentiel!
Christian Arnspeger explique sur son blog (2) s'être fait remonter les bretelles assez sèchement et... vertement par Jean-Marc Nollet, suite à la publication de ses propos dans le Vif. "Ecolo, souligne l'économiste, a été, jusqu'ici, le refuge de tant de progressistes et d'alternatifs que le problème se pose avec une acuité toute particulière."

Dans un texte précisément intitulé "Dépasser le capitalisme" (3), l'historien Roger Martinelli explique que "depuis plus d'un siècle et demi, les tenants de l'égaliberté sont tiraillés entre deux tentations. La première consiste à penser que, l'échange marchand qui fonde le capitalisme étant indépassable, il faut chercher à l'infléchir en corrigeant ses effets négatifs les plus criants. La seconde tentation part au contraire de l'hypothèse que, le capitalisme étant par nature producteur de polarisation sociale, la seule façon de parvenir à l'égalité est de le nier radicalement et de se projeter dans une autre société. Adaptation ou négation, recherche d'accomodement ou volonté de rupture, réformisme ou révolution: le mouvement critique (à base ouvrière pendant plus d'un siècle) s'est construit autour de cette tension originelle, oscillant entre les deux méthodes."
Le problème, c'est qu'aujourd'hui l'essentiel des forces de gauche, en Belgique comme en France a succombé à la première tentation. Ils appellent cela le réalisme.
Michel Onfray, lui, dans un entretien intitulé "Des microrésistances libertaires" (3), continue à rêver, avec les pieds sur terre: "Il faut agir, créer des coopératives, les fédérer, les mutualiser, inventer des banques de quartier, fédérer des combats locaux, mettre sur pied des structures d'éducation populaire et créer tout un maillage alternatif qui permet de sortir du fantasme de la révolution en bloc pour passer à la révolution en fragments."

Arnsperger lui aussi y croit. Il a rédigé un texte fondateur de son blog (c'est le tout premier, 12 février 2010): "Transition écologique et transition économique: Quels fondements pour la pensée? Quelles tâches pour l'action?" Il défend une transition en deux temps: du capitalisme gris au capitalisme vert, puis du capitalisme vert à un post capitalisme.

P.S.: et pendant ce temps-là, le Front National relève le menton en France. Face à la morgue des Le Pen père et fille, je ne peux m'empêcher de penser que TF1 et toutes les autres entreprises de crétinisation y sont pour quelque chose. Oui, comme dit Onfray, il faut travailler dans l'éducation populaire.
Allez, pour terminer, une citation de Desproges: "Il y a plus d'humanité dans l'oeil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son oeil."


(1) Terra Eco, mars 2010
(2) http://transitioneconomique.blogspot.com/ "Pas d'intimidation s'il vous plaît, 19 mars
(3) Post capitalisme, imaginer l'après - coordonné par Clémentine Autain, éditions Au diable vauvert, 2009

1 commentaire:

M a n u a dit…

Ce qu'écrit Christian Arnsperger sur http://transitioneconomique.blogspot.com est très intéressant. C'est un blog à suivre.

A lire aussi :
Sortir du capitalisme
Par Jean Zin le 26 janvier 2010.