vendredi 8 février 2013

Egalité bla bla

Il est des positions qui nous prouvent que la terre est ronde. Voici un parti bruxellois, "Egalité", dont on nous dit qu'il se situerait à l'extrême gauche et qui tient des propos et a des attitudes dignes d'un ayattolah, c'est-à-dire à l'extrême droite.
"Egalité" revendique le "chahut" qu'il a organisé à l'ULB il y a un an (1) pour empêcher Caroline Fourest de s'exprimer sur les dérives que l'on peut qualifier de fascisantes de faux dévots, dangereux pour la démocratie. Tout leur discours se résumait à un incompréhensible slogan: "burqa bla bala". Tout le monde a parlé de ce chahut, se réjouit Nordine Saïdi, l'un des perturbateurs. Ceux-ci ont fait le buzz, ils en sont aussi fiers que des candidats à une vulgaire émission de télé-réalité. Mais cette réalité-ci est bien triste: ce faux chahut n'était rien d'autre qu'une vraie censure. Saïdi feint de s'étonner des suites données à l'affaire. Voilà les censeurs qui se posent en victimes, une de leurs poses préférées. 
Une pose d'autant moins crédible que Nordine Saïdi a placé sur son profil Facebook une vidéo intitulée "Breivik: le terroriste préféré de l'islamophobe Caroline Fourest". Courageusement, il affirme n'être ni l'auteur ni (de manière assez incompréhensible) le diffuseur de cette vidéo qui on l'imagine ne connaît pas les nuances et met dans le même sac une démocrate pourfendeuse de tous les intégrismes et partisane de la diversité culturelle et un assassin malade de pureté culturelle. Avec cette vidéo, la bêtise le dispute à l'abjection. 
Caroline Fourest, logiquement, a déposé plainte contre Nordine Saïdi. Celui-ci se récrie: cette plainte "est une tentative d'intimidation à son égard", dit-il dans un communiqué (2). On a du mal à le suivre: il agresse et s'étonne d'être poursuivi. D'agresseur, le voilà à nouveau victime, le pauvre homme. Il affirme se réjouir du procès qui lui est fait: il s'en servira "pour exposer à la justice pourquoi il considère Mme Fourest comme coutumière de propos islamophes".
Nous y (re)voilà: l'islamophobie, ce terme inventé par les intégristes islamistes pour interdire qu'on les critique. "Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles: l'islamophobie", écrit Salman Rushdie (qui sait de quoi il parle!) dans sa remarquable autobiographie "Joseph Anton" (3). "Critiquer la violence militante de cette religion dans son incarnation contemporaine, poursuit-il, était considéré comme du fanatisme. Une personne phobique avait des positions extrêmes et irrationnelles, c'était donc elle qui était fautive et non pas le système religieux qui revendiquait plus d'un milliard d'adeptes à travers le monde. (...) Une religion n'était pas une race. C'était une idée, et les idées résistaient (ou s'effondraient) parce qu'elles étaient assez fortes (ou trop faibles) pour supporter la critique, non parce qu'elles en étaient protégées. Les idées fortes accueillaient volontiers les opinions contraires."
On attend impatiemment de comprendre quelles mouches ont piqué des militants dits d'extrême gauche qui se rangent du côté de bigots obscurantistes. La terre est ronde. Mais peut-être le contestent-ils.

(1) lire sur ce blog "Faiblesses d'esprit", 8 février 2012.
(2) LLB, 6 février 2013.
(3) Plon, 2012, p. 400.

Aucun commentaire: