mardi 5 février 2013

Insatiables

C'est plus fort qu'eux. Ils ne peuvent s'en empêcher. Ils sont insatiables. Un mandat ne leur suffit pas. Deux est un minimum. Et s'ils peuvent en avoir plus, c'est mieux encore. Qui les prendrait au sérieux, qui les reconnaîtrait comme des gens de pouvoir s'ils ne détenaient plusieurs mandats? Mais qu'on se rassure, ce n'est pas la soif de pouvoir qui les guide, c'est le bien de leur chère commune. Une commune sait que si elle est dirigée par un ministre, même soi disant empêché, ou au moins par un parlementaire, elle profitera de la manne céleste.
Paul Magnette, cet homme nouveau, est une bénédiction pour Charleroi qui revient de loin. C'est l'homme providentiel. Il avait été clair avant les élections: s'il devenait bourgmestre, il quitterait son poste de ministre. Charleroi mérite bien un bourgmestre qui s'engage pour son redressement. Il l'a fait, il a démissionné du Gouvernement fédéral, mais pour aussitôt redevenir aussi sénateur et, en plus, président du Ps. Ce qui, on en convient, n'est pas une sinécure. Ses échevins doivent, eux, exercer leur fonction à temps plein. Et sa partenaire CDH, Véronique Salvi, a été priée d'en faire autant: elle a dû quitter son siège de députée wallonne pour devenir échevine à temps plein. "Paul Magnette avait bien fait figurer ce décumul dans les exigences posées à l'entrée du CDH au sein de la tripartite carolo", écrit LLB (1). Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Il est vrai que les grands hommes ont des droits que n'ont pas les plus petits.
A Flobecq, le sémillant bourgmestre Philippe Mettens ne peut cumuler cette fonction avec celle de haut fonctionnaire. Il est directeur de la Politique scientifique fédérale. Mais il refuse de choisir. Ce à quoi l'oblige pourtant le décret "bonne gouvernance" adopté par le Parlement wallon en octobre 2010. Ses concitoyens l'ont élu, explique-t-il, il se doit donc assumer son rôle de maïeur. Faut-il croire qu'il ignorait l'existence de ce décret avant de se présenter aux élections? Les électeurs ont bon dos. 
A Ans, le bourgmestre Stéphane Moreau était dans le même cas. Il ne l'est plus. Il dirigeait le Tecteo Group, une puissante intercommunale (trois milliards d'euros, deux mille employés). Il est maintenant CEO de la SA Tecteo Services, "une filiale privée détenue à 99% par la maison-mère et qui décide de tout: le concept d'intercommunale a été vidé de sa substance", explique Marie-Cécile Royen dans le Vif (2). Il peut donc ainsi cumuler sans (trop) en avoir l'air. "Cette astuce lui permet  de cumuler un poste de bourgmestre avec, dans les faits, la direction d'une importante entreprise publique aux ramifications multiples, ce qu'interdit le décret wallon sur la démocratie locale", poursuit la journaliste.
A Tournai, Rudy Demotte "ne lâche rien". On le sait, l'appellation de "bourgmestre empêché" n'est pas pour lui, il préfère (et impose) celle de "bourgmestre en titre". Dans les faits il est donc bourgmestre et ministre-président. Le premier des Wallons s'assied donc sans complexe sur le décret wallon sur la démocratie locale. Les pavés de rues de Tournai se soulèvent après le gel? C'est la chargée de communication du bourgmestre empêché de titre qui explique ce que va faire la ville (3). On voit par là qu'il sait déléguer.
Dans la série "nos hommes admirables", c'était "la démocratie, c'est si beau quand c'est bien fait".

P.S.: ah, tiens, au fait! Ces quatre hommes appartiennent à un parti qui se qualifie de socialiste. Un hasard assurément.


(1) LLB, 2 février 2013.
(2) Le Vif, 25 janvier 2013.
(3) LLB, 1er février 2013.

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