mardi 16 décembre 2014

Le parti du culot

Quelle énergie! Quelle capacité de résilience! A peine ont-ils quitté le pouvoir au niveau fédéral (qu'ils ont exercé sans discontinuer pendant neuf mille six cent cinquante et un jours (1) - 9.651, oui -) qu'ils sont dans la rue pour s'opposer au nouveau gouvernement à peine mis en place. Soyons clair: on peut évidemment reprocher bien des choses à ce nouveau gouvernement belge, très à droite, mais tout autant au Ps qui n'a aucune honte, aucune pudeur à manifester et a à peine arraché les costumes-cravates du pouvoir qu'il se noue un foulard rouge autour du cou pour jouer à l'ouvrier. Laurette Onkelinx a été ministre durant vingt-deux ans, non stop, gérant de très nombreux portefeuilles, dont celui de l'Emploi. Elio Di Rupo a été soit ministre, soit ministre-président, soit président du Ps durant la même période: 1992-2014.  Et aujourd'hui, on les entend hurler sur ce nouveau gouvernement à qui ils ont laissé un Etat que tout le monde s'accorde à trouver en triste état. Depuis quand les socialistes ont-ils mis sur la table une idée neuve?, demandait il y a une dizaine d'années le sénateur écologiste Jacky Morael.
Qu'est-ce qui explique la colère actuelle des Belges? Le chômage? Le manque d'idées du gouvernement pour relancer l'emploi et l'économie? "L'économie et l'emploi ont été transférés aux régions en... 1980", rappelle Philippe Engels (1). Et depuis 1980, quel parti a toujours occupé et occupe toujours le pouvoir dans les régions wallonne et bruxelloise? Le Ps. "Les 110.000 manifestants qui ont battu le pavé le 6 novembre dernier auraient été bien inspirés de commencer par demander des comptes aux socialistes eux-mêmes. (1)" 
Immuable Wallonie, voilà un slogan qui, pour une fois, ne serait pas mensonger. Tant que les manifestants se tromperont de cible et de vote, la situation ne s'améliorera pas. Le Ps peut se permettre toutes les affaires, tous les tripotages, traîner tant de casseroles, les électeurs, ses électeurs lui restent très attachés. "L'électeur reste fidèle au parti pieuvre, qui délivre, il est vrai, les accès au logement ou l'emploi public" (1).  "Sans nous, ce serait pire" a longtemps affirmé le Ps, tout heureux de pouvoir démontrer que c'est le cas aujourd'hui. Au niveau fédéral du moins. Aux niveaux wallon, bruxellois et francophone, le pire est arrivé depuis longtemps. Avec le Ps dans tous les gouvernements depuis le début et occupant la grande majorité des postes clés dans l'administration. "Le Gerfa rappelle que, en Belgique francophone, 32 hauts fonctionnaires dirigeants sur 53 sont socialistes. Tous les chefs de gouvernement des entités dites fédérées (Wallonie, Bruxelles, fédération Wallonie-Bruxelles) sont issus du PS. Chaque patron d'une société publique contrôlant la distribution d'énergie, la télédistribution ou le développement économique porte la même étiquette politique. Même chose pour les maires des grandes villes wallonnes et de Bruxelles, par exemple", écrit encore Ph. Engels.
On pourrait soupirer, se lasser, pester, mais le problème devient sérieusement inquiétant quand on découvre que des affaires qui, au fil de ces trop longues années, se sont inscrites dans l'ADN du Ps, resteront impunies grâce précisément à la toute-puissance de ce même Ps. Affaire parmi (beaucoup) d'autres relatées par Philipe Engels toujours: "Dans la région de Mons, le placement financier d'une société publique contrôlée par les socialistes déclenche des perquisitions dans des banques belges et françaises. Gros soupçons de commissions occultes au bénéfice d'individus réfugiés sous la couple du pouvoir. Tant que nous nous attaquions à des seconds couteaux socialistes, on nous a laissé faire, déclarent des policiers chargés de ces dossiers délicats. Quand les enquêtes nous ont menés à Mons, tout s'est compliqué. " Au point que les investigations ont été arrêtées. Des magistrats reconnaissent qu' il fallait éviter d'affaiblir la figure du Premier ministre de l'époque (Elio Di Rupo, bourgmestre empêché de Mons), rempart de la nation face aux séparatistes. Et la presse se tait autant que les autres partis, tous appelés à composer, un jour ou l'autre, avec l'omnipotent Ps.
"Opinion lassée, conclut Ph. Engels, justice bloquée, sentinelles de la démocratie aux abonnés absents, partis politiques en état de dépendance: à ce compte-là, le PS wallon n'a guère de souci à se faire."

Résumons-nous: en politique, le culot est salvateur, la toute puissance est protectrice. Mais réjouissons-nous: grâce au populisme du parti des barons et à sa pratique du clientélisme, aucun parti d'extrême droite n'a réussi à percer en Région wallonne. A quelque chose malheur est bon.

Note: pour couper court aux critiques de certaines de mes connaissances, ce billet ne fait pas dans l'anti-socialisme primaire, mais dans l'anti-Ps secondaire. Il y a plus qu'une nuance.

(1) "Le naufrage des socialistes belges", Marianne, 12 décembre 2014.

4 commentaires:

Robert Guilleaume a dit…

Ca ne m'avait jamais frappé auparavant, mais l'émergence (incontournable) de la N-VA au Nord, polarisant sur elle, à la fois tous les mécontents de la belgitude francophone ("donc socialiste") et les éternels tenants de la défense de la culture flamande, cette émergence donc, semble avoir eu un effet particulier sur le PS. C'est que là où la N-VA revendique haut et clair l'indépendance (à terme), là où on voit bien le désir de BDW de devenir le premier empereur des Flandres; En miroir et en stoemelinks, le PS accepte sans le dire qu'il se verrait bien diriger une république walloxelloise sur l'air de "on a fait ce qu'on a pu, mais..."
Finalement, c'était ça, la sixième réforme de l'Etat?

Michel GUILBERT a dit…

Dans les années '90, le tandem Spitaels - Collignon déclarait: "il n'y a pas de culture wallonne, mais nous allons en créer une". On pouvait ricaner (je l'ai fait), en se disant qu'en ne crée pas une culture d'un claquement de doigt. Mais la montée du nationalisme flamand (avant la NVA déjà) a fait le jeu des régionalistes wallons. Le Ps s'est installé à tous les niveaux de pouvoir et a réussi à verrouiller le jeu. Quand Rudy Demotte a décidé de rebaptiser le Hainaut occidental en Wallonie picarde, c'était à la fois un moyen de se poser en baron, mais aussi une manière d'afficher le caractère wallon de cette région qui l'était si peu. Elio se voit sans doute comme l'autre empereur, celui de toutes les Wallonie et des 19 communes bruxelloises...

Grégoire a dit…

"Pendant 6 jours et 6 nuits, 3 animateurs - de la RTBF - se sont enfermés sans manger (pas de nourriture solide) dans un studio de verre sur une place publique en vue de récolter des dons pour venir en aide aux 40.000 bébés (de 0 à 3 ans) qui vivent chez nous dans la pauvreté." Il y a donc dans cette région où règne depuis des décennies la Gauche, porteuse d'espoir et de fraternité, des pauvres que le pouvoir public n'aide pas, et qu'il faut secourir par le biais de la générosité, fut-elle à l'inititative d'une radio... publique. Il faut lire l'article du Monde Diplomatique en ce moment pour constater l'évolution inquiétante du phénomène.
Comme disait Bedos père, "difficile d'être de gauche quand on n'est pas de droite". Je remarque que dans cette Picardie wallone, les gens ont peur du pouvoir socialiste, car il dispense, comme le faisait le seigneur local dans l'ancien régime, des facilités pour un logement, un emploi à la Commune (même si une incontournable déception s'en suit lorsque le contrat n'est pas renouvelé), et même si tout cela se fait au grand jour, cela ne semble plus choquer personne. On voit évoluer une série d'intouchables usant du népotisme. Comme Figaro, je voudrais "bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil !", mais hélas, comme en '40, si peu de résistants...
Je n'ai jamais voté MR, mais pour l'instant, en Picardie wallone, s'il y en a un qui trouve grâce à mes yeux, c'est Jean-Luc Cruck, pour le peu que je connais de lui.

gabrielle a dit…

C'est quoi être "wallon" en fait? Parce par exemple en Brabant wallon - 'BéWé' pour les branchés, à ne pas confondre avec 'BéhèmeWé' quoi qu'il y en ait pas mal -, on n'entend pas particulièrement les gens revendiquer une "wallonitude" ou une "bruxellitude". Il y a des Belges, il y a des non Belges, qui s'expriment majoritairement en français et puis voilà.