mercredi 15 juillet 2015

On est peu de choses

Situations vécues:
- Vous êtes sur scène dans un chapiteau, le public vous suit et semble apprécier votre récital. Mais, après une bonne demie-heure, il se fait de plus en plus nombreux et les nouveaux venus s'agglutinent au bar. Ce public-là n'est pas venu pour vous et le bruit augmente. Au point que vos trois comparses et vous ne vous entendez plus, malgré la bonne sonorisation dont vous disposez. Vous terminez votre récital au plus vite et quittez la scène avec l'impression de fuir, dans un brouhaha insupportable.
Le groupe qui vous suit est bien connu dans le coin et a son public de fidèles qui lui fait un accueil chaleureux. Mais, autour du bar, s'accrochent toujours de nombreux festivaliers qui sont venus pour se voir, pas pour écouter le récital. Et quand les morceaux se font plus intimistes, le bruit des conversations ne permet pas d'entendre la chanteuse.
- Vous êtes dans la rue, au premier rang devant un podium où un groupe de type fanfare donne tout ce qu'il a. Ce qui est beaucoup. Juste derrière vous, trois jeunes femmes discutent entre elles. Sans s'arrêter une seconde durant les quarante-cinq minutes du concert.
Situation lue dans la presse:
Benjamin Clementine chante, dans un festival à Liège, ses balades calmes et un peu mélancoliques. Au-delà du troisième rang, écrit un critique, personne ne l'écoute. Les festivaliers sont venus pour se retrouver entre amis, discuter, rire, boire un coup (et quelques autres).
Combien de ces festivaliers seraient prompts à réagir, à pétitionner, parce que des pouvoirs publics retirent des moyens à une organisation? Ils seraient les premiers à stigmatiser le manque de respect de ces pouvoirs publics vis-à-vis des artistes.
Qu'est-ce qu'un artiste dans un festival? Une occasion de se voir, un bruit de fond dans les conversations, un arrière-fond sympa pour les selfies.

Post-scriptum: dans un dossier de Siné Mensuel (juillet-août 2015) intitulé "Ces festivals qui nous éclatent", un dessin de Mix et Remix nous montrent deux festivaliers qui discutent, un verre à la maison. L'un d'eux crie "Moins fort!", l'autre "On ne s'entend plus discuter!". Ils s'adressent à un chanteur.

2 commentaires:

Grégoire a dit…

Sur le site d'un journal belge, un article, dont je ne retrouve plus la trace mais publié aujourd'hui, relate la (fin de) carrière d'une chanteuse qui fit partie du groupe L5 et qui vendit plus d'un million d'albums. Elle chante devant la place d'une ville où l'on ne voit que... Deux personnes. A la fin de son concert, deux fans l'attendent.L'extrait vidéo en fin d'article est issu de l'émission "zone interdite". La chanteuse semble être dans une sorte de déni de la réalité. Non pas au regard de la "salle" vide, son cas serait plus pathologique, mais dans sa certitude qu'elle doit continuer dans cette voie. Je crois que Pierre Desproges estimait que si un artiste était bon, il n'avait pas besoin de subventions, le public devait lui suffire. J'aurais été aussi choqué, du reste, que vous devant ces situations vécues. Les artistes invités furent-ils une attraction en plus ou les festivals en questions n'avaient d'autre objet que ces concerts?
Je fréquente très peu les festivals par manque de temps, mais il suffit de voir un reportage (décrié) de la première chaîne de télévision belge francophone sur le festival de Dour pour constater que la priorité dans l'information chez le journaliste ne fut pas la musique, mais les drogues consommées sur place...

Michel GUILBERT a dit…

Il s'agissait bien de festivals exclusivement musicaux. Ceci dit, je dois être de bon compte: il y a des festivals où le public suit avec respect et passion les artistes. Je viens d'assister à un concert des Musiciens de St-Julien dans le cadre du très chouette festival "Le son continu" (en Berry). Plusieurs centaines de spectateurs ont assisté, avec beaucoup de plaisir à ce concert de musique baroque par deux musettes (cornemuses) et deux percussionnistes. La jeune fille devant moi, qui accompagnait ses parents, n'a pas cessé, durant ce concert d'une heure et quart, d'envoyer des sms. Une question de génération peut-être.