lundi 6 juillet 2015

Yaourt nature

Il fut beaucoup (trop) question, sur ce blog, du projet qui à l'origine s'appelait "Centre européen des sports de glisse". Un projet qui vit le jour en 2003, mais avait des allures de rêve mégalo-beauf des années '60, tant il était gaspilleur en énergie, en eau et en territoires naturels. Bref, un projet ringard et obsolète dès sa conception. Contesté de toutes parts, il s'adapta, devint "Centre Nature et Sports" et, bien cadré par le Gouvernement wallon, pourrait et devrait finalement - si ses promoteurs respectent les règles - être un village de vacances modèle, établi à deux pas d'Antoing à la frontière franco-belge.
L'Avenir - Le Courrier de l'Escaut (qui semble devenu le VRP du projet) nous apprend à présent (1) qu'il s'appelerait finalement Your Nature. On rit déjà à l'idée d'entendre certains bourgmestres du coin prononcer ce nom qui ressemble à un slogan pour un yaourt. Les rois du marketing qui ont pondu ce nom aiment le recyclage. Mais à qui fait référence ce your? A la population locale qui serait ainsi invitée à visiter sa propre nature? Aux clients étrangers, néerlandais notamment? Mais quand les visiteurs, d'où qu'ils viennent, diront qu'ils vont passer le week-end à Your Nature, de la nature de qui parleront-ils? De celle du Prince de Ligne qui a eu l'extrême bonté de rendre accessible sa vraie nature (de prince marchand)?
Les promoteurs cherchent maintenant à vendre à des particuliers les cottages qu'ils y construisent dans "un parc naturel de 280 hectares de lacs et de forêts". On crée ici la confusion entre ce centre et l'institution parc naturel, vaste territoire qui regroupe de nombreux villages et communes et cherche à respecter et développer la nature au sein de cette zone où se mêlent diverses activités économiques, commerciales, touristiques, d'habitat, etc. Mais surtout on se demande comment les promoteurs arrivent à comptabiliser 280 hectares quand on sait que la zone concernée par la modification du plan de secteur décidée par le Gouvernement wallon est de 110 hectares? Ils y ajoutent sans doute la zone sud, non concernée, et le vaste plan d'eau du Grand Large, pourtant propriété publique. Ce qui leur permet sans doute aussi de parler de "lacs" et de donner l'impression que ce petit coin de Hainaut a des allures suédoises ou canadiennes.
Reste, au-delà de ces gesticulations publicitaires, une question quant au suivi urbanistique de ce projet. L'arrêté du Gouvernement wallon prévoit une clause de réversibilité du projet: si dans un délai de x années (cinq ans?) après la modification du plan de secteur, le projet tel qu'accepté n'est pas concrétisé, le territoire doit retrouver son aspect initial. Ce qui est censé éviter une vulgaire opération immobilière. Imaginons que cette situation arrive. Quelle serait celle des propriétaires des cottages qui, normalement, se trouveraient alors forcés d'abandonner et même de démolir leur part de nature made in Wapi? Ne seraient-ils pas les dindons de la farce? On se le demande.

(1) http://www.lavenir.net/cnt/dmf20150703_00673122
(2) sur ce blog: "Merci à Gaspard, Melchior et Balthazar", 12 avril 2010.

2 commentaires:

Grégoire a dit…

Je ne sais pas s'il faut être plus affligé par cette appellation anglaise qui plafonne au premier degré mais qui est peut-être censé attiré les investisseurs du monde entier (pouf, pouf, pouf) ou soulagé (quoi que l'un n'empêche pas l'autre) d'avoir échappé à une appellation du genre WapiBrol qui aurait eu l'avantage de flatter l'égo de l'inventeur de ce consternant oxymore : la Wallonie Picarde.
Je n'ai pas accès à l'article, mais je suppose qu'une fois de plus l'argument de la création d'emplois fera passer le moindre signe de perplexité face à ce projet pour un crime sociétal.
Encore un parc de loisirs... Pas très original... Et même à l'heure du réchauffement climatique, pas sûr qu'Antoing surpasse en heures d'ensoleillement Arcachon, par exemple... Et c'est oublier un peu vite que le Belge moyen, comme son alter égo français, est de moins en moins riche.

Michel GUILBERT a dit…

Effectivement, le petit marquis n'a pas, ici en tout cas, imposé sa marque de fabrique "Wapiland" ou quelque chose du genre. C'est déjà ça.
On sait bien que la Wallonie picarde est la plus belle région d'Europe (et au-delà), mais quand même, c'est vrai, on peut se demander ce qui pourrait pousser la clientèle potentielle à venir passer un week-end, voire une semaine en Hainaut occidental. Les Français - pas plus que les Belges d'ailleurs - n'ont l'habitude de monter vers le nord pour leurs vacances. Resterait une clientèle néerlandaise peut-être?