mardi 9 février 2016

Le français, langue vivante

Qui mène le monde aujourd'hui? Certains pensent que ce sont les Etats-Unis. D'autres encore, les multinationales, ou la Chine, ou l'Europe, ou l'argent. En fait, ce sont les réseaux dits sociaux qui mènent la danse, diffusant des informations vraies ou fausses, des rumeurs ou des informations avérées qui parfois partent en vrille, chacun émettant - ayant entendu du bruit - ses commentaires scandalisés à ses "amis" qui s'empressent eux-mêmes de les renvoyer aux leurs. Les politiques qui ont entendu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours s'en mêlent et s'empressent d'accuser le gouvernement des dérives qu'ils se font un certain plaisir d'imaginer. Et tout ce petit - ou grand - monde de s'embraser. Parfois pour rien, ou si peu. Parfois avec vingt-six ans de retard.
Voici donc qu'un rapport publié au Journal officiel en 1990 refait surface, celui qui porte non pas sur la réforme de l'orthographe, mais sur des propositions de modifications. Propositions qui avaient, en leur temps, été approuvées par le seul organisme habilité à le faire: l'Académie française. Si ces propositions de changements, qui restent facultatifs et ne sont pas imposés, font tant parler d'eux aujourd'hui, c'est que des éditeurs ont décidé de les intégrer dans des manuels scolaires de la rentrée 2016. Certains d'entre eux l'avaient déjà fait. 
Bref, beaucoup de bruit pour rien, comme dirait Shakespeare. Notamment de la part de l'opposition qui n'a pas raté une si belle occasion de démontrer son attachement aux bonnes vieilles valeurs, si injustement menacées. François Bayrou a pris sa plus belle plume pour dire avec grandiloquence son indignation et assurer qu'il faudrait lui passer sur le corps pour que l'orthographe soit modifiée. "Le gouvernement voudrait que j'écrive à sa convenance", écrit-il, alors que ce gouvernement n'est en rien concerné par ce boucan. Luc Chatel, ancien ministre de l'Education, est, lui, dans la confusion la plus totale, convaincu que cette "réforme" de l'orthographe est prévue dans la réforme des collèges.
La palme de la mauvaise foi et de l'explication la plus idiote d'un revirement complet revient à l'académicien Jean d'Ormesson qui avait soutenu ce rapport en son temps, mais qui à présent le condamnne "parce qu'il y a vingt-cinq ans les gens n'étaient pas malheureux comme aujourd'hui, et le pays dans cet état". Doit-on comprendre que le circonflexe aurait des accents d'espoir et que le trait d'union aiderait à plus de solidarité? 
Qui a du respect pour une langue pense qu'elle doit vivre et non rester figée comme si elle était morte. 
Ceci dit, pathétique pourrait aussi s'écrire patétik. Tout le monde aura compris.

Source:
http://www.liberation.fr/desintox/2016/02/08/reforme-de-l-orthographe-les-contreverites-continuent_1431878
Post-scriptum: Brillant discours de Najat Vallaud-Belkacem inaugurant une journée d’études consacrée aux théories du complot (notamment à propos de cette psudo réforme de l'orthographe):
http://lelab.europe1.fr/video-trois-minutes-de-najat-vallaud-belkacem-demontant-avec-ironie-toutes-les-rumeurs-a-son-sujet-2666069

4 commentaires:

gabrielle a dit…

Souci de simplification, mais deux graphies toujours acceptées, alors à quoi bon?
Si sont désormais admis évènement, papèterie, amoncèlement, imbécilité, révolver, etc., pourquoi "hopital" n'entraîne/entraine-t-il pas "hopitaliser" M'sieur?
"Oignon" devient ognon parce qu'il est prononcé ainsi, dès lors pourquoi pas carrément onion? Ou ouazo pour le volatile? "Groseillier" reste lui-même, pas de chance pour les allergiques à l'orthographe.
Les autres pays francophones ont-ils été consultés? Les Belges peuvent-ils désormais écrire "poreau"? :-D

Grégoire a dit…

Ce genre de réforme – déf.: action qui a pour but (on ne dit pas le T de ce dernier mot, uniquement dans le cadre du jeu de la balle au pieds, le supprimera-t-on pour autant?) une amélioration dans un fonctionnement – , n'a pour objectif que d'entériner une mauvaise habitude scripturale qui n'est souvent que le reflet d'un manque de culture ou/et d'une fainéantise. Le cerveau, après avoir enregistré 1524 fois le mot oignon, fera machinalement de l'orthographe du mot oignon un réflexe. Mais pour cela, il faut une pratique de la lecture régulière... Et pas n'importe laquelle... J'appuierai encore mon propos avec un usage, pour l'instant oral, qui me déchire les tympans trop grave; ce matin encore, j'entendais à la télévision, le bourgmestre d'une ville moyenne belge, utiliser le terme "émotionnant" au lieu d'"émouvant". Les verbes du troisième groupe ayant une conjugaison plus difficile que ceux du premier, on prend moins de risque. Je suis "émotionné" semble plus évident à certains que le lien entre "émouvoir" et "ému". Je me souviens d'une intervention de Jamel Debouzze sur un plateau tv corrigeant avec le sourire son interlocuteur qui venait de dire "émotionnant" par un "essayez émouvant pour voir". Je passe peut-être pour un vieux réac', mais j'ai du mal à ne pas voir dans ce pragmatisme orthographique une petite démission. Mais bon, je m'incline devant l'académie... ;o)

gabrielle a dit…

Le feuilleton continue : http://www.lemonde.fr/education/article/2016/02/16/orthographe-mme-vallaud-belkacem-fait-part-de-son-etonnement-a-l-academie-francaise_4865910_1473685.html#xtor=RSS-3208

Pr S. Feye a dit…

Vous avez raison. C'est comme la disparition des études gréco-latines jadis offertes à tous. C'est un mythe, bien sûr, c'est une théorie du complot. Tout le monde parle le latin européen actuellement, et on continue néanmoins à dire que les Politiques s'y opposent machiavéliquement. Quelle calomnie !


Pr Stéphane Feye
Schola Nova (non soumise au décret inscriptions) - Humanités Gréco-Latines et Artistiques
www.scholanova.be
www.concertschola.be
www.liberte-scolaire.com/.../schola-nova
http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303755504579207862529717146