mercredi 15 mars 2017

Vive l'Europe (quand même) !

Il est de bon ton de critiquer l'Union européenne. Les populistes (qu'on appelle à tort eurosceptiques alors qu'ils sont au moins europhobes ou plus clairement anti-UE) l'accusent de tous les maux. C'est le bouc émissaire idéal. Elle briserait toute identité nationale et ôterait toute marge de manœuvre aux gouvernements nationaux. Pour d'autres, elle ne serait que le jouet des grandes multinationales et des lobbies économiques. Pour d'autres encore, elle serait tout cela et bien pire encore. Toujours elle est vue comme un machin déconnecté des réalités des citoyens et géré par des technocrates qui édicteraient des règles contraires aux intérêts des pays membres. Alors que ses différentes instances sont exclusivement composées de personnes désignées, par élection ou non, par les différents pays membres de l'Union (1).

Au départ, l''Europe s'est bâtie sur l'économie et le commerce, c'est une réalité, et elle doit évoluer vers plus de justice sociale et de solidarité encore. Les lobbies industriels y ont une influence trop importante, c'est un fait. Les entreprises y ont trop de poids. Mais quel intérêt ont tous ces contempteurs de l'Europe à jeter le bébé avec l'eau du bain? L'Europe souffre aujourd'hui d'une image ternie, mais aussi des analyses faciles, populistes, des rumeurs du Café du Commerce. Peut-on rappeler d'où elle vient? Rappeler que son premier objectif était de mettre fin à plus deux millénaires de guerre entre les peuples qui y vivent? Rappeler que la nature et l'eau se moquent des frontières et qu'on ne peut aujourd'hui intervenir uniquement sur des territoires nationaux si on veut les  préserver? Peut-on rappeler que l'U.E. agit dans des domaines extrêment divers?

Personnellement, j'ai eu la chance de participer à des festivals transnationaux aidés par des subventions européennes. J'ai eu le plaisir de jouer dans un spectacle financé par le programme Euraphis (qui cherche à mettre en valeur le patrimoine touristique des villes). Je connais de nombreuses institutions culturelles, des parcs naturels, quantités d'organisations de jeunesse, d'éducation permanente et de projets locaux qui ont bénéficié d'aides européennes. Avec d'autres militants écologistes et naturalistes, nous avons pu nous appuyer notamment sur les directives européennes sur l'eau, sur les oiseaux et sur le programme Natura 2000 pour nous opposer à un projet des années '60 potentiellement nuisible à l'environnement qui voulait se développer à la frontière franco-belge. La Province de Hainaut où j'ai longtemps habité a bénéficié pendant des années de subsides Objectif 1, qui soutiennent les régions en retard de développement. Et si certains des projets soutenus par cette aide ont pu être contestés ce fut le fait des pouvoirs locaux et régionaux concernés plutôt que de l'Union européenne. 
J'entends un peu partout les agriculteurs contester la P.A.C., la Politique agricole commune  (2),  mais s'effrayer à l'idée de n'être plus aidés par l'Europe. Je les entends s'opposer à l'importation de produits étrangers sur leur territoire tout en espérant exporter toujours plus leurs productions dans les pays voisins. Comme si les frontières pouvaient n'être fermées que dans un sens.
J'ai vu mes étudiants, belges et français, revenir enthousiasmés de leur année passée dans un établissement  d'enseignement en Lettonie, en Italie, en Roumanie, en Espagne, en Pologne ou aux Pays-Bas, dans le cadre d'échanges Erasmus. Ici où je vis au beau milieu de la France (grâce au principe de libre circulation des citoyens européens), les infrastructures d'accueil des paysans et des maraîchers qui participent à une importante foire mensuelle ont été rénovées grâce à des subventions européennes. Récemment, je visitais un musée rural dans le Limousin, lui aussi rénové grâce à l'U.E.

Hier en Grande-Bretagne, aujourd'hui-même aux Pays-Bas, demain en France et ailleurs, des partis et des candidats veulent enclencher la marche arrière, mettre à terre une construction, entamée il y a soixante ans, difficile, délicate, passionnante et en chantier permanent. Après celle du Brexit, une autre victoire des casseurs serait une catastrophe stupide. Le repli sur soi, la fermeture des frontières vont à contre-courant de l'Histoire et de l'humanité.
Pour en finir avec les analyses simpliste et les mensonges sur l'U.E., il est temps que celle-ci se fasse mieux connaître de ses citoyens, notamment dans les secteurs social, culturel, environnemental, de susciter une nouvelle mobilisation, de relancer un projet collectif.

Post-scriptum: durant la période 2014-2020, la Région Centre - Val de Loire aura reçu plus de 630 millions d'euros de l'Union européenne, une ressource plus importante que celle de l'Etat français, affirme François Bonneau, président de la Région (Journal de France 3 Centre, 29 mars 2017).

(1) (re)lire sur ce blog "Allo, la Terre, ici Bruxelles!", 7 juin 2016.
(2) http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2017/02/28/reforme-de-la-pac-comme-un-elephant-au-milieu-du-salon/

1 commentaire:

Grégoire a dit…

A la fin de mes études supérieures, il y a 24 ans, je me souviens de la promesse d'une ex-ministre belge francophone concernant l'Europe : "cela va créer plein d'emplois". J'ai mis quand même pas mal de temps à trouver un boulot, décroché grâce, probablement, à un stage dans une entreprise irlandaise, dans le cadre d'une formation certainement subsidiée par l'Europe, mais j'avoue qu'à l'époque je ne me suis pas posé de questions sur cet aspect. Si je partage votre avis sur l'ensemble des avantages (en terme de paix, d'aides financières au niveau économique et au niveau éducatif), de l'UE présentés ici-même, je reste plus perplexe sur l'aspect culturel. Que les subsides à tel ou tel festivals, ente autres, soient locaux ou européens me gênent car j'ai tendance à penser (à l'instar de P. Desproges, mais je n'arrive pas à trouver une citation appuyant cette dernière affirmation) que si un spectacle est bon, il trouvera son public, et donc son financement. On pourrait me rétorquer que supprimer des subsides culturels, c'est risquer de priver un accès à la culture à un public qui n'aurait pas les moyens d'y aller, si tant est que l'envie lui prenne. Il en est de même pour les arts "plastiques" contemporains. J'ai parfois entre les mains un magazine édité sur un beau papier couché à 5600 exemplaires par la Fédération Wallonie-Bruxelles où trois tâches sur une grande toile, une photo floue d'une banalité affligeante, etc. inspirent un plumitif à la prose absconse mais qui en jette sur des pages et des pages. Ces 64 pages sont dédiées à l'art contemporain, un "courant" qui n'a jamais déchaîné spécialement les foules. J'écris cela en toute subjectivité, car je reste nostalgique d'un temps où une peinture figurative était le reflet d'un savoir faire et d'un talent, ce qui n'empêchait pas d'avoir un style. Par delà les siècles, il est facile de voir les différences entre un Vermeer (mis à l'honneur au Louvre en ce moment, non sans quelques couacs), un Rembrand. Mais un peintre qui aurait le style de Rembrand en ce début du XXI siècle n'aurait sûrement pas la couverture médiatique d'un Jeff Koons, ni les honneurs d'un magazine de la Fédération Wallonie-Bruxelles.