mercredi 24 mai 2017

Renouveau

Une majorité de Français avaient rapidement détesté Sarkozy. Une autre majorité a très vite rejeté Hollande. Les Français adorent élire leur chef d'Etat tout autant que le détester. Leur révolution n'a jamais été totale. Ils se sont gardé un monarque qu'ils se choisissent et qu'ils se dépêchent aussitôt de conspuer. Pourquoi conserver ce système électoral unique en Europe? Pourquoi la France ne pourrait-elle avoir un président comme celui des autres républiques ou comme les rois des monarchies constitutionnelles: un sage au-dessus de la mêlée, aux pouvoirs extrêmement limités? Les Français auraient alors, estime une de mes connaissances, ex-élu régional, le sentiment d'être dépossédés de leur démocratie. Et les Français aiment être ingouvernables; Ce qui met à mal un slogan propagé ces dernières semaines par les milieux libertaires: soyons ingouvernables! C'est fait depuis longtemps.
Emmanuel Macron semble toutefois  avoir pour l'instant la confiance d'une majorité de Français. On peut être sûr que ça ne durera pas. Il fait un pari inédit en France, celui de gouverner au centre. S'il a choisi des ministres qu'on aurait aimé éviter (tels, à droite, Gérald Darmanin, jeune opportuniste aux dents longues, adversaire du mariage homosexuel, ou, à gauche, Gérard Collomb, qui caresse les relgions dans le sens du poil (1) ), il a aussi réussi à surprendre en ralliant à lui quelques personnalités intéressantes de ce qu'on appelle la société civile. On pense évidemment à Nicolas Hulot dont on peut imaginer qu'il a intelligemment négocié son entrée au gouvernement et dont on peut espérer enfin une politique environnementale et énergétique claire et volontariste (ce serait une première).
On pense aussi à Françoise Nyssen, nouvelle ministre de la Culture. Le choix heureux d'une femme du terrain culturel, énergique, inventive, lumineuse. Télérama parle d'une "belle promesse" (2), d'une "bosseuse cultivée et raffinée", d'une "humaniste passionnée d'écologie, en ex-scientifique et urbaniste qu'elle est". Son parcours, écrit Fabienne Pascaud "symbolise le lien que la culture doit retisser dans notre société fracturée". Les chantiers sont vastes, la politique n'est pas désespérante quand elle est menée par des gens qui n'y ont pas fait carrière.

(1) "Gérard Collomb, la laïcité selon Guignol", Natacha Devanda, Charlie Hebdo, 24 mai 2017.
(2) Télérama, 24 mai 2017.
A écouter: l'entretien entre Elsa Boublil et Françoise Nyssen, sur France Musique en avril, rediffusé dimanche dernier:
https://www.francemusique.fr/emissions/musique-emoi/francoise-nyssen-directrice-de-la-maison-d-edition-actes-sud-34144

3 commentaires:

JiCé a dit…

Gouverner au centre d’un Hexagone… Déjà, faut pouvoir se projeter en trois dimensions… Cela dit, le pari est effectivement audacieux et pourrait se révéler intéressant.
Pour avoir une chance, pour Macron, de le mener la direction choisie et, pour le citoyen, de pouvoir en jauger les effets, la condition est, on le sait, celle de l’obtention d’une majorité suffisante à la mi-juin (et plus cette majorité sera élevée, plus le FN sera repoussé à la marge). Peut-on imaginer que ce ne soit pas le cas ? Si oui, il faut s’attendre à des heures sombres avec un projet Macron mort-né et le retour d’un système blessé qui n’aura de cesse, en se reconstruisant à l’identique, de torpiller toute innovation politique.
Macron n’a pas vocation d’être un sage au-dessus de la mêlée. Mais il peut encore nous prouver qu’il n’est pas pour autant le 8ème monarque de la Vème République. Mais pour l’heure, au moment-même où ces lignes sont écrites, Monsieur le Président de la République s’offre une pause gastronomique avec Ubu Trump en personne, en Belgicie. Pas sûr que ses commensaux en terre de surréalisme lui soient sources de la plus précieuse inspiration.

Grégoire a dit…

Récemment, j'ai eu l'occasion de faire la connaissance d'un sympathique patron français d'une entreprise moyenne (30 salariés), mais situé en Belgique. Au milieu de la conversation, que nous partagions avec deux autres personnes, il nous a dit avoir voté Fillon (probablement aux primaires, car après avoir appris les casseroles de celui-ci, il "ne pouvait plus..."), pour ensuite jeter son dévolu sur Macron. Je lui ai répondu qu'il allait probablement être déçu, comme tous ceux qui ont oublié que le candidat Macron avait promis de délester la France de 120.000 fonctionnaires (Fillon avait fait la même promesse en portant le nombre à 500.000...). Je lui ai dit que ce genre de promesses ne me faisait pas rêver. J'aurai très bien pu lui faire remarquer que sous le mot "fonctionnaire", souvent employé dans le mode péjoratif, se cachaient des chercheurs, infirmiers, enseignants, éboueurs, cantonniers, bibliothécaires, bref, toute une série de fonctions qui rendent nos vies à tous possibles et agréables (dans une certaine mesure, cela s'entend). Moins de fonctionnaires voudrait-il dire moins d'impôts? Pour les plus aisés, probablement. Pour les plus humbles, trop pauvres pour en payer, cela signifiera juste moins de services. Sous des dehors de gendre idéal, jeune, beau, et maintenant riche, Macron fera une politique de droite, tout simplement. Il veut déjà assouplir le droit travail à coups d'ordonnances au prétexte que cela dynamisera les embauches. Pffff... Il suffit de voir la face réjouie de Pierre Gattaz, patron des patrons, plus grand assisté de France (40 milliards d'euros d'allègements de charges pour les entreprises contre la promesse jamais tenue de la création d'un million d'emplois) à la sortie d'une rencontre avec le nouveau président pour ne pas trop se bercer d'illusions. Bernard Maris me manque encore plus...

Michel GUILBERT a dit…

Ce week-end, l'un de mes frères me racontait s'être trouvé à table, en Belgique, avec une série d'amis et de connaissances, tous se situant à gauche. Parmi eux, deux personnes qui comme lui avaient créé leur entreprise et de l'emploi. Chacun des trois (lui y compris donc) affirmait que si c'était à refaire il ne le referait pas. Tant la législation est lourde, tatillonne et surtout inadaptée aux conditions qui sont celles du travail aujourd'hui. Un de mes amis français qui a vécu la même expérience a fait le même constat.
Le problème du chômage ne trouvera jamais de solution tant que les politiques continueront à nous vendre un plein emploi que nous ne retrouverons jamais. Il faut bien l'admettre, le numérique, mais aussi notre rapport à la "valeur" travail ont changé la donne. Le philosophe Bernard Stiegler en est convaincu: "L'emploi est mort, vive le travail!" (éditions Mille et une nuits). Il trouve intéressant le modèle des intermittents du spectacle qui permet une plus grande souplesse d'embauche tout en garantissant les droits présents et à venir du travailleur.
Je ne sais pas dans quelle voie va se diriger Macron dans ce domaine. Mais le système doit changer. La CGT peut se mettre la tête dans le sable, nous ne reviendrons pas aux années '60. Ceci dit, je ne suis pas sûr que les ordonnances constituent le meilleur moyen de réglementer la question. Elle mériterait un très large et long débat avec l'ensemble des acteurs concernés, "penseurs" y compris. Changer d'emploi, d'employeur, d'activité est devenu et deviendra de plus en plus courant. Et ça peut être enthousiasmant et enrichissant si le travailleur (l'actif) ne se sent pas insécurisé.