mercredi 27 décembre 2017

L'art de savoir se taire

A la place de Charline Van Hoenacker, je me serais tu. La journaliste humoriste intervenait dans la remise des trophées des Belges du bout du monde à la RTBF.  Elle s'est plainte d'avoir été coupée au montage, sûre d'avoir été censurée. Certaines blagues n'auraient pas plu, pense-t-elle, "parce qu'elles étrillent gentiment le ministre-président Rudy Demotte face à (elle) ". En fait de blagues, on a plutôt affaire à des propos assez convenus, qu'on pourrait même qualifier de poujadistes. "Je gagne du blé pour dire un paquet de conneries, avait-elle déclaré, et dans ce sens avec Monsieur Demotte on fait un peu le même métier". Autre propos coupé: "un con qui marche ira toujours plus loin qu'un politique qui reste assis" (1). Voilà toute l'affaire: des propos de café du commerce, des brèves de comptoir ni drôles, ni originales.
Dieu (c'est une expression!) sait que j'ai longtemps étrillé, ici et ailleurs, Rudy Ier, grand mamamouchi auto-proclamé de la Picarde Wallonie et que je pense qu'il a déjà dit un sacré paquet de conneries dans sa trop longue carrière politique. Mais voilà (tout arrive) que j'en viens à le défendre. Ou plutôt à défendre les politiques par rapport aux critiques populistes de certains humoristes sans humour.
Il y a quelques mois, Guillaume Meurice, un des comparses de Charline Van Hoenacker dans son émission "Si tu écoutes, j'annule tout", avait affirmé - on était au lendemain même de la formation du premier gouvernement de l'ère Macron - "en France, personne n'est attaqué parce qu'il est con, c'est même plutôt un avantage. Y a clairement une prime aux cons. Y a qu'à voir le gouvernement, il est paritaire à ce niveau-là: moitié de cons, moitié d'arrivistes, sans compter ceux qui cumulent les deux" (2). Une déclaration agressive et totalement gratuite qui participe au rejet des politiques, quels qu'ils soient. Allez hop, tous dans le même sac, même les nouveaux venus. 
Remplaçons "politique" par humoriste, par artiste, par boulanger, par magistrat, par pompier, par enseignant, par coiffeuse, par quelque profession que ce soit, et la réflexion sera toujours aussi simpliste. Voire stupide.
Les fous du roi doivent exister pour lui rappeler, comme le disait Montaigne, que "sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul". Mais cette folie-là, qui implique une mise à distance, le fou doit aussi l'exercer par rapport à lui-même et surtout être capable d'humour et de propos qui feront d'autant plus mouche qu'ils seront subtils et acérés. A la place de Charline Van Hoenacker (qui peut pourtant parfois être drôle), j'aurais été content de voir disparaître au montage des saillies aussi faciles et rabâchées. J'aurais remercié le monteur de m'avoir évité le ridicule. Mais bon, comme il ne tue pas...

(1) http://www.lalibre.be/light/buzz-tele/charline-vanhoenacker-reproche-a-la-rtbf-d-avoir-coupe-deux-de-ses-blagues-au-montage-parce-qu-elles-etrillaient-rudy-demotte-5a415f18cd70b09cef4673e3
(2) "Si tu écoutes, j'annule tout", France Inter, 18.5.2017.

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