dimanche 3 décembre 2017

A fond la caisse

Ma voiture, c'est ma liberté. Beaucoup d'automobilistes traduisent ce slogan (très relatif: est-on libre dans des bouchons, de plus en plus nombreux, y compris maintenant dans les petites villes?) par "laissez-moi rouler comme je veux".
L'Etat français envisage, nous dit-on, de limiter sur certains tronçons (ou sur tous?) de nationales ou de départementales jugés dangereux la vitesse à 80 km/h plutôt que 90 (1). Comme on pouvait s'y attendre, les associations d'automobilistes s'empressent de hurler toujours le même argument éculé: ces mesures de limitation de vitesse ne servent qu'à plumer un peu plus ces pauvres conducteurs déjà pressés comme des citrons et à remplir les caisses de l'Etat. C'est de l'hypocrisie, clame l'assocation 40 millions d'automobilistes. Qui semble spécialiste en matière d'hypocrisie, refusant d'accepter la réalité: l'insécurité routière repart à la hausse en France, avec son lot d'accidents, de blessés et de morts. Parmi lesquels des automobilistes. Mais apparemment les associations d'automobilistes défendent les conducteurs en mouvement, pas les victimes de la route (parmi lesquels beaucoup d'automobilistes). 1 km/h en moins, c'est 4% de morts en moins, rappelle la responsable d'une association de victimes de la route.  
Comme de très (trop) nombreux automobilistes ont pris l'habitude de rouler systématiquement 10 km/h au-dessus de la limite autorisée, se disant que de toute façon ils ne seraient pas sanctionnés, si on limite à la vitesse à 80 km/h, finalement ils devraient rouler à 90.
Une automobiliste interviewée sur le projet gouvernemental explique que son mari est tout le temps sur les routes et qu'il y passera plus de temps encore puisqu'il y aura plus d'embouteillages si la vitesse est réduite. Il y a surtout moins d'embouteillages quand il y a moins d'accidents et moins de voitures sur les routes et dans les villes. 
On repense à ce dessin du Chat de Philippe Geluck qui, face au cercueil d'Ayrton Senna descendant dans la tombe, déclare: "Jusqu'au bout la devise d'Ayrton Senna aura été A fond la caisse.
On repense à Jean-Marie Happart qui, lors de débats sur les nouvelles règles de sécurité routière en commission du Sénat en Belgique, expliquait très sérieusement qu'il n'avait, vu son emploi du temps, absolument pas le temps de respecter les limitations de vitesse. Jean-Marie est le digne frère jumeau de José. On repense à leur propos à une célèbre phrase de Michel Audiard...
On repense aussi à cette voiture brûlant la priorité à des enfants qui s'apprêtaient à traverser sur un passage pour piétons. Sur sa vitre arrière, un autocollant: "Protégez nos enfants". Effectivement.
Comme pratiquement tout le monde dans nos pays, je suis automobiliste, mais aussi piéton, cycliste, père, riverain, citoyen. Une voiture qui roule moins vite, c'est plus de sécurité routière et moins de pollution. Les associations d'automobilistes devraient se rebaptiser en associations de l'accélérateur. Celui-là même qui nous mène dans le mur.

(1) France 3, Journal, 2.11.2017, 19h30.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans ces conditions, les pouvoirs publics sont donc garants de ma sécurité si j’applique bien le code de la route ? … Pas vraiment : « La signalisation n'a et ne saurait avoir le caractère d'une garantie assurée par la puissance publique aux usagers de la route contre les aléas et les dangers de la circulation. Ces usagers circulent toujours à leurs risques et périls. » (Arrêté de 7 juin 1977 relatif à la signalisation des routes et autoroutes JO du 13 août 1977). Jamais démenti depuis.

Voilà qu’aujourd’hui, une nouvelle mode consiste à limiter la vitesse à 80 sur route et à 30 en ville, avec de grandes études à l’appui et des chiffres d’une extraordinaire précision mais jamais avérées. Pourquoi pas 72,8 km/h ou 31,2 ? Cela ferait encore plus sérieux.
Finalement, arrivera le jour où, fatalement, une étude préconisera de faire précéder les automobiles par quelqu’un marchant à pied avec un chiffon rouge. Jusqu’au nouvel accident.
Jean

PS politique : les libéraux jugent le Code du Travail trop lourd, indigeste et entravant la liberté des entreprises. Il faut donc le supprimer ce carcan. J’ai toujours préconisé de commencer avec le Code de la Route, pour voir. Par exemple de le remplacer par un code de bonne conduite et de bonnes pratiques. Et lorsque ce système aura fait ses preuves - aucun doute n’est permis - il pourra être transposé à tous les autres codes.

(1) https://news.autoplus.fr/Radars-Enquete-exclusive-Revelation-Emplacement-Auto-Plus-1495022.html

Anonyme a dit…

Mais au fait, en cas d’accident, est-ce la vitesse qui cause le plus de dommage ? Ben non, c’est l’énergie cinétique. Il faut donc établir des limites qui garantissent une égalité en cas d’impact. Si une voiture d’une tonne roule à 130 sur autoroute, un attelage de 40 tonnes devra donc rouler à 20,55 km/h. Au nom de la sécurité routière, il faut donc limiter les poids lourds à 20,55 km/h sur autoroute et 14,23 km/h sur une nationale. Ces chiffres sont précis et l’étude incontestable.

Mon grand-père demandait : « A quoi sert une ligne jaune ? (aujourd’hui, elles sont blanches) A empêcher de se demander si on peut doubler ou pas. » Force est de constater en France, qu’entre la multiplication des panneaux le long des routes, la lecture du GPS, le contrôle permanent de la vitesse et le repérage des radars et des voitures-flash, le conducteur regarde de moins en moins la route et la seule chose qu’il se demande est « vais-je encore me prendre un PV ? »
Il y a quelques temps, à l’approche d’un virage dangereux, la signalisation avait été changée : limite à 70, puis un peu plus loin 50 et finalement 30, bien avant ce virage. Le panneau virage dangereux, lui, avait été supprimé. Existe-t-il encore des panneaux « vitesse conseillée » ? Totalement disparus. L’obéissance complète est requise, la surveillance est quasi-totale et les contestations pas bien vues quand il est encore possible de le faire.

Anonyme a dit…

Mon arrière-grand-père a eu une des toutes premières automobiles en Grande-Bretagne. Lorsqu’il circulait, il devait se faire précéder d’un homme à pied, muni d’un chiffon rouge. Ce système, très sûr, a été arrêté après un accident mortel.
Les limitations de vitesse en France, existent depuis longtemps. Elles ont connu un intérêt marqué à la fin des années 70 avec la crise pétrolière et la campagne de la « chasse au gaspi ». Respecter ces limitations, totalement arbitraires, devait permettre de réduire la consommation d’essence. Le critère commercial le plus important à l’époque, pour vendre une voiture, était le Cx – coefficient de pénétration dans l’air. Aujourd’hui, difficile d’en trouver la trace.
Et puis, ces limitations sont devenues des bornes intangibles à respecter absolument à coup de surveillances technologiques et automatiques.
Il est établi que la carte d’implantation des radars, à ses débuts, n’a eu que peu de rapport avec les zones accidentogènes. Ce constat, bien ancré dans les mentalités, a été confirmé en 2015 par Autoplus (1), qui témoigne que plus de la moitié des radars ne coïncident pas avec les zones à forte sinistralité. Et il n’est pas contestable que ces radars automatiques sont des machines à cash avec une curiosité juridique : pour contester, il faut d’abord payer.

La vitesse serait-elle la seule cause responsable des accidents ? En général, il en faut au moins deux. J’ai vu une fois une course de F1 à la télé. Ils roulaient tous à fond, plus de 300 km/h paraît-il, à souvent moins d’un mètre les uns des autres. Il n’y a pas eu un seul accident. Etonnant, non ?
Prenons maintenant une autoroute ordinaire. Vitesse limite à 130 pour tous ? Pas vraiment : 110 pour les nouveaux conducteurs, 100 pour les autocars, 90 pour les poids-lourds, 80 pour les matières dangereuses et enfin, interdiction de rouler à moins de 60. Sur quels critères ces limites ont-elles été définies ? Mystère. Les analyses d’accidents indiquent que, dans de nombreux cas, la différence de vitesse entre deux véhicules a été une des origines de l’accident. Il faut donc limiter tous les véhicules à 80. Avec des limiteurs. Et avec des électrodes sous le siège du conducteur s’il dépasse cette sacro-sainte vitesse en descente.

Michel GUILBERT a dit…

Etrange argumentation... On dirait celle du lobby des automobilistes. Visiblement, le sens de la responsabilité des automiblistes ne fonctionne pas. C'est la prévention et surtout la répression qui ont permis de réduire de manière importante le nombre de morts sur les routes dans nos pays. En la matière, on revient de loin!

Michel GUILBERT a dit…

Sacré grand-père!

Anonyme a dit…

Le diable a bien son avocat...

Le comportement des conducteurs est une chose ; l'attitude de l'état en est une autre. Si le problème est la vitesse, pourquoi ne pas installer un limiteur comme sur les poids-lourds et les cars ? Il y a une logique financière qui prime.
Par ailleurs, cette surveillance de masse sur la route avec une quasi-absence de recours témoigne d'une volonté de contrôle des populations de plus en plus intrusif qui se décline dans tous les autres aspects de la vie. Et ça m'irrite.
Beaucoup.

Jean

Michel GUILBERT a dit…

Sur le sujet, cet article du Monde:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/12/28/reduire-la-vitesse-pour-sauver-des-vies_5235260_3232.html