samedi 6 avril 2019

La dynamique du centre

Un peu partout, les centres des villes se vident. Les autorités communales, émoustillées par les perspectives de taxes, de création d'emplois et le caractère moderne de ces temples de la consommation, ont depuis quelques décennies maintenant délivré des permis à des centres commerciaux à leur périphérie. Et s'arrachent aujourd'hui les cheveux en voyant de plus en plus de boutiques vides dans leur centre. 
La Grande-Bretagne n'échappe à ce phénomène de désertification. Elle a vu depuis  2016 près de 10.000 magasins fermer leurs portes, soit un cinquième de ses commerces. Les causes: les achats en ligne, les conséquences de la crise financière de 2008 et l'austérité qui a amené les autorités communales à augmenter les impôts. 
A Ashford (1), à une demi-heure de Londres, le maire reste très volontaire à  quatre-vingts ans et refuse de voir sa ville se vider. La commune a racheté le marché couvert, appelé les commerçants à s'y installer avec un bail gratuit au début. Ils paient un petit loyer en fin d'année selon les bénéfices réalisés. "Le bail commence à 5 £ par semaine, donc le risque financier est très faible", témoigne une commerçante qui constate une fréquentation "dingue" et voit le centre ville à nouveau très animé. La mairie a aussi investi dans la culture en centre-ville où on trouve désormais des cinémas flambant neufs, des salles d'expo, une médiathèque, etc. Le doublement de surface du grand centre commercial a été autorisé à condition qu'il se rapproche de la ville, qu'il soit plus convivial et que les enseignes qui s'y installeront ne concurrencent pas les commerces du centre ville. Le succès est tel que le conseiller du maire chargé du commerce a été nommé à la tête d'une commission nationale chargée de trouver une solution à la crise des centres villes. Le gouvernement britannique a investi l'équivalent de 765 millions d'euros pour les redynamiser et d'un milliard d'euros pour diminuer les droits commerciaux que doivent payer les petits commerces.
En Belgique, en France, dans tant de pays, on paie aujourd'hui très cher ce laxisme (pour ne pas dire cette politique imbécile) qui a permis un déplacement à l'extérieur des villes de nombreuses activités. Tournai en est un exemple parmi trop d'autres, avec deux gigantesques quartiers commerciaux à l'ouest et au sud de la ville (dont un qui vient de doubler sa superficie), un centre culturel (en ce compris la bibliothèque) en dehors des boulevards périphériques. Ceux qui déplorent aujourd'hui la désertification des centres-villes en ayant eux-mêmes délivré des permis de bâtir à ces centres commerciaux ne peuvent être qualifiés autrement que d'hypocrites ou d'irresponsables.
De la cohérence, des idées et de la volonté, c'est ce qui manque sans doute à trop d'élus défaitistes.

(1) A voir sur https://www.arte.tv/fr/videos/085752-067-A/arte-journal/

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