samedi 7 décembre 2019

Le vide populiste

Que restera-t-il dans cinq ans, dans dix ans, de tous ces mouvements populistes qui ont (ou ont eu) le vent en poupe en ce début de XXIe siècle?

Dans onze mois, on connaîtra le nom du nouveau président des Etats-Unis. Déjà!?, se dit-on, alors qu'on se demande quand l'actuel va enfin commencer à prendre sa fonction à bras-le-corps, à avancer des idées nouvelles, à lancer des projets. Jusqu'à présent, il n'a fait que détruire les avancées précédentes, retirer son pays d'accords internationaux, jouer les caïds, invectiver la terre entière et favoriser ses propres intérêts, sans (vouloir) comprendre grand-chose à la politique.

En Italie, le Mouvement 5 Etoiles, qui avait balayé la vieille classe politique, "a été un raz-de-marée qui, depuis 2013, a investi tout le paysage politique italien, mais sans rien construire", estime le journaliste de L'Espresso Marco Damilano. "Et lorsque le niveau des forces antisystème a baissé, l'eau s'est retirée, ne laissant rien dans son sillage: aucun culture politique, pas de classe dirigeante, pas la moindre réalisation au bilan de son gouvernement" (1).
Matteo Salvini, le fier-à-bras, après avoir fait tomber le gouvernement dont il était le numéro due, a échoué à devenir l'uno. Depuis, il tente de séduire tous azimuts. Il voudrait que la Liga, son parti, rejoigne le Parti populaire européen, qui regroupe les partis démocrates-chrétiens. Il prend ses distances avec l'extrême droite, plaçant la sécurité et la lutte contre l'immigration aux derniers rangs de ses priorités, pour parler plutôt impôts, économie et emploi. Ce qui l'empêche pas de venir soutenir l'extrême droite flamande, le Vlaams Belok (2). En Emilie-Romagne, il essaie de se faire passer pour un communiste. "C'est le plus transformiste des hommes politiques italiens, estime Marco Damilano. Il est passé du séparatisme au souverainisme, et, désormais, il lui est très facile de s'ériger en héritier du centrisme modéré et d'une certaine anthropologie conservatrice qui trouve aussi un écho auprès de l'électorat post-communiste des régions rouges. Finalement, Salvini, s'il réussit, aura créé le parti de la nation, une créature politique inédite et inquiétante: le transformisme autoritaire" (1).

Boris Johnson, le roi de l'esbrouffe, refuse les interviews à une semaine des élections britanniques. Et pourtant, l'homme est un inlassable péroreur, qui s'exprime tant et plus, souvent à tort et à travers. Il avait promis qu'avec lui, c'était sûr et certain, le Brexit serait une réalité le 31 octobre dernier. Sa carrière, écrivait il y a six mois le Foreign Policy, "n'est fondamentalement rien de plus qu'une escroquerie: une interminable quête de popularité de la part d'un homme qui n'a cessé de démontrer son incapacité à l'utiliser de quelque façon utile". Stephen Paduano constate l'indéniable sens du spectacle de BoJo, mais estime que sa popularité est "inversement proportionnelle à ses réussites professionnelles. Car après vingt ans aux affaires, le bilan de Johnson est particulièrement maigre". Député, il a toujours été peu assidu au parlement. Le journaliste salue cependant des avancées quand il fut maire de Londres. Mais "durant ses deux années à la tête du Minsitère des Affaires étrangères, de 2016 à 2018, il n'a guère fait que semer la pagaille, dans le pays avec ses complots contre la Première ministre et à l'étranger avec ses bourdes incessantes". Aujourd'hui, Boris Johnson est en tête des sondages en Grande-Bretagne.

Au bout du compte, le dindon de ces mauvaises farces, c'est ce bon peuple au nom duquel ces partis qui ne veulent parfois pas l'être et ces (ir)responsables parlent (trop) fort et font semblant d'agir. Mais comment peut-on être si naïf et croire ainsi aux haineux et aux dégagistes sans nuances?

Le non-verbal, on le sait, en dit souvent plus que le verbal. Retrouvez les populistes à leur attitude sur cette photo de l'AFP, prise au sommet de l'Otan. La position "manspreading" (jambes écartées) de Trump, Johnson, Erdogan et l'un ou l'autre encore donnent d'eux une image d'ado qui veut avoir l'air d'un mec, un vrai. Et qui a juste l'air grossier.



(1) "La métamorphose de Salvini", L'Espresso, 1.11.2019, in Le Courrier international, 14.11.2019.
(2) Contraction de Belang (nom actuel) et de Blok (ancien nom)
https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/des-militants-s-opposent-a-un-meeting-de-haine-organise-par-le-vlaams-belang-avec-pour-invite-salvini-5de572b8f20d5a0c46f34e79
(3) Stephen Paduano, "Boris Johnson ne fait plus rire", Foreign Policy  (Washington), 31.5.2019, in Le Courrier international, 13.6.2019.

1 commentaire:

Bernard De Backer a dit…

Certes, il y a beaucoup de vide, mais pour remplir quel creux ? La question principale, à mon humble avis, est de comprendre pourquoi "le peuple vote populiste". Une excellente analyse de cette question et de ses trois raisons majeures, extrêmement documentée, se trouve dans le livre de Yascha Mounk, "Le peuple contre la démocratie" publié en 2018 (et disponible en livre de poche). Je l'ai lu ce WE d'une traite et je l'ai trouvé très convaincant, du moins en ce qui concerne les USA et l'Europe (la Turquie et la Russie, c'est une autre affaire).