mercredi 4 décembre 2019

Nous si lourds

Hier, des représentants de six départements de la Région Centre - Val de Loire se sont concertés pour réinstaurer une limitation à 90 km/h (plutôt que 80) sur divers tronçons routiers (1).
Des entreprises du BTP bloquaient ces derniers jours des raffineries pour protester contre la suppression des avantages fiscaux dont ils bénéficiaient sur le carburant utilisé pour leurs engins.
Il y a quelques jours, c'étaient les chauffeurs routiers qui manifestaient à la frontière belge contre la hausse du carburant.
Les producteurs français de champagne et de roquefort s'inquiètent de voir les Etats-Unis augmenter les taxes sur les exportations françaises. Ils veulent continuer à faire voyager au-delà des mers leurs productions. Il en va de leur survie, affirment-ils.

Au même moment s'est ouverte à Madrid la COP 25. Mais qui s'y intéresse? Le principal souci de chacun semble être de pouvoir continuer à produire, exporter et consommer comme avant. Ne changeons rien. Les premières journées de gel qui suivent un automne pluvieux nous font joyeusement oublier les épisodes caniculaires et la longue période de sécheresse. Qui vont cependant se reproduire à un rythme accéléré.
Les études sur les conséquences du dérèglement climatique et de l'effondrement de la biodiversité se succèdent, chacune plus alarmiste que les précédentes. Un article de juin 2018 de la revue Nature Geoscience envisage la possibilité d'une élévation de six mètres du niveau des océans à la fin du siècle. La situation dramatique que vivent les habitants du Var aujourd'hui n'est rien encore par rapport à ce qui se passera dans les années à venir. 375 millions d'habitants à travers la planète verraient leur maison irrémédiablement disparaître sous les eaux. A la même période, la hausse des températures pourrait être de 5°C. La planète serait en état de sécheresse permanente. Invivable donc.
Le processus est enclenché et sera, chaque jour, un peu plus difficile à maîtriser. Aux Etats-Unis, en 2045, plus de 300.000 logements auront sombré dans la mer. D'ici 2100, près de 1.000 milliards de biens immobiliers y auront disparu sous eau (2).
On n'entend plus guère les paons climatosceptiques qui péroraient il y a quelques années encore. L'évolution du climat les a ridiculisés. Mais nous sommes nombreux à nous comporter en climatosceptiques silencieux: nous donnons priorité à notre confort, préférant ignorer les études scientifiques et feignant de croire qu'on trouvera une solution. Par contre, nous nous mobilisons rapidement dès que notre mode de vie semble remis, ne serait-ce que très légèrement, en question.
"La décarbonisation de nos économies ne sera pas une tâche facile, mais elle est nécessaire, écrit Rachel Riederer (2). Ce sera dur, mais pas aussi dur que la série de désastres qui s'abattront sur nous si nous ne faisons rien. (...) Il ne s'agit alors pas de renoncer à une Terre habitable, mais à un siècle de règne de l'automobile et de déforestation sauvage, à des années de consommation illimitée de viande et de voyages bon marché, et enfin à une croissance économique massive comme fondement de notre système. (...) Choisir l'inaction, c'est renoncer à la raison".

Nous sommes prompts à dénoncer la soumission des élus politiques aux lobbies économiques. Mais, bouffis de contradictions comme nous le sommes, nous soutenons ardemment ces derniers en nous opposant à toute mesure qui entend réduire la circulation routière et ses vitesses.
Aux Pays-Bas, face à la colère des agriculteurs obligés de réduire leurs émissions d'azote, le gouvernement a décidé de faire participer aussi les automobilistes aux efforts de lutte contre les émissions de CO2. Dès 2020, la vitesse sur autoroute en journée sera limitée à 100 km/h plutôt que 130 (3). On n'ose imaginer les réactions de colère noire (ou jaune) que susciterait une telle mesure en Belgique, en France ou en Allemagne.

(1) France 3 Centre - Val de Loire, Journal, 3.12.2019, 19h.
(2) Rachel Riederer, "La fin du monde approche... Et c'est une bonne nouvelle", Le Courrier international, .11.2019.
(3) https://www.lefigaro.fr/flash-eco/les-pays-bas-abaissent-la-vitesse-maximale-a-100-km/h-sur-autoroute-20191113

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