lundi 23 décembre 2019

Ubu éructe

Le Donald vocifère. Il élargit son répertoire d'insultes. On essaie de se débarrasser de lui alors qu'il a été élu et qu'il est le meilleur président qu'aient connu les Etats-Unis. Il n'en doute pas: c'est parce qu'il dérange et fait peur, alors les méchants se liguent contre lui.
Qu'il fasse peur et dérange, qui peut le nier? Les Républicains eux-mêmes étaient catastrophés au lendemain de son élection. Ils savaient qu'ils avaient là affaire à un président aussi néophyte en politique qu'incontrôlable, aussi capricieux que suffisant, aussi inculte qu'affairiste.
Aujourd'hui, malgré les lourdes charges qui pèsent contre lui - avoir négocié un soutien militaire à l'Ukraine contre une enquête sur le fils d'un de ses adversaires politiques - malgré les bourdes et quantité d'erreurs stratégiques qu'il a accumulées, malgré son incapacité à écouter et surtout à comprendre les experts, son parti a décidé de le soutenir. Malgré tout. Malgré tout ce fatras. Malgré toute cette bêtise. Malgré cet irrespect de règles fondamentales. Les Républicains ne peuvent imaginer lâcher un homme qui leur fait pourtant honte.
Le Donald est le troisième président dans l'histoire des Etats-Unis à être envoyé devant le Sénat par la Chambre des représentants dans le cadre d'une procédure d'empeachment. Il a été reconnu coupable par la Chambre des représentants d'abus de pouvoir et d'entrave au bon fonctionnement du Congrès. Pour ses partisans, peu importe ce qu'il a pu faire: ils refusent tout débat et toute réflexion. "Ils ont décidé d'absoudre le Président avant même de le juger, au seul motif qu'il est accusé par les Démocrates", écrit Philippe Paquet (1). Et tant pis s'ils s'asseyent ainsi lourdement sur leur mission constitutionnelle. "Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a donné toute la mesure de cette démission en déclarant qu'il n'entendait absolument pas être impartial dans la conduite du procès de Donald Trump." 

Les Démocrates savent que leur procédure d'impeachment n'a quasiment aucune chance d'aboutir, elle sera repoussée par le Sénat dominé par les Républicains. Mais avaient-ils le choix? Soit ils fermaient les yeux, soit ils entamaient une action qu'ils sav(ai)ent perdue. "La première option était sans doute la plus confortable, écrit Le Monde (2). Elle permettait de faire l'économie d'une bataille perdue d'avance et de s'épargner l'animosité d'un président qui ne tolère aucun contre-pouvoir. Ce choix du cynisme qui règne en maître à la Maison Blanche revenait à valider le théorème de la Ve Avenue, celui avancé par Donald Trump lui-même, selon lequel il pourrait tirer sur des passants arpentant la célèbre artère new-yorkaise sans perdre un seul électeur".
Restait la seconde option, celle qu'ils ont choisie: "sanctionner à la Chambre des représentants un comportement proscrit par la Constitution et (...) rester ainsi fidèle au serment prêté par tout élu de respecter et de protéger la pierre angulaire de la démocratie américaine".

Les Républicains le laissent entendre clairement: tant pis si l'homme de toutes les outrances est  considéré comme incontrôlable et imprévisible,  tant pis s'il a lâché ses alliés kurdes sans crier gare, abandonné le Moyen-Orient à la Russie de Poutine, quitté l'Accord de Paris. Ce qui compte, c'est de garder le pouvoir. Et tant pis s'il faut pour cela se mettre la tête dans le sable. Tant pis s'il est alors difficile de garder la tête haute.

(1) "La démission des élus républicains", La Libre Belgique, 20.12.2019.
(2)
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/19/juger-trump-ou-le-refus-du-cynisme_6023473_3232.html

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