mardi 2 février 2021

Des ultra-libéraux qui s'ignorent

La pandémie interroge notre rapport au collectif. Ils sont nombreux ceux qui refusent encore de respecter. les règles de distanciation physique, de porter un masque, de se faire vacciner. Fin décembre 2020, selon une enquête Ipsos, seuls 40 % des Français avaient l'intention de se faire inoculer le vaccin. La France est le pays le plus rebelle aux vaccins. Les Français - nombre d'entre eux en tout cas - se font un devoir d'être rebelles à l'autorité. Qui dit vaccin dit gouvernement et dit Système. Il faut donc le rejeter.  "Les anti-vaccins les plus convaincus se situent souvent aux extrêmes de l'échiquier politique, constate l'immunologue Françoise Salvadori (1). Ce sont en majorité des électeurs de Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, Jean-Luc Mélenchon. Ils expriment une méfiance globale vis-à-vis des politiques et reportent sur les vaccins une contestation de ce qu'ils nomment le système."

Ils semblent ignorer - ou en faire peu de cas - que la vaccination n'a d'efficacité contre un virus que si la très grande majorité de la population en profite. "Dans nos pays développés, à haut niveau de santé, la population a parfois tendance à oublier que c'est grâce à la vaccination que des tas de maladies ont disparu. Les vaccins sont victimes de leur succès. Sur le cas du Covid, les antivax sont aussi des anti-masques. Ils ont tendance à minimiser le virus, ou à affirmer qu'il ne peut pas être naturel, qu'il a été créé par les Chinois."

Les anti-vaccins ont en fait pour slogan: chacun fait ce qui lui plaît. Un refrain qui sonne très ultra-libéral, qui ignore l'intérêt collectif. "La question est hautement politique, estime Françoise Salvadori. Elle engendre deux types de considérations: au niveau de l'individu et au niveau de la population. Si, pour la collectivité, un vaccin est efficace, il ne l'est pas forcément pour chacun d'entre nous. Aucun individu ne pourra jamais savoir quel effet a eu sur lui un vaccin, s'il lui a permis d'éviter la maladie, de l'avoir moins forte, s'il lui a sauvé la vie, s'il n'a servi à rien... Pour en apprécier la portée, il faut un raisonnement populationnel, statistique." 

Dès les premières vaccinations, ce sont surtout les croyants qui s'y sont opposés: seule, pour eux, la volonté divine peut décider de notre destin. Mais plus récemment, signale François Salvadori, les adeptes de l'église protestante néerlandaise dite re-réformée ont refusé les vaccinations. Résultat: "ces dernières décennies, on y a observé des épidémies de rougeole, de méningite, d'oreillons". Et la polyomyélite, "presque totalement éradiquée, resurgit au Pakistan et en Afghanistan, dans des zones talibanes".

C'est le rapport bénéfices / risques pour la société qu'il faut évaluer. Chacun reste bien sûr libre de décider de se faire ou non vacciner. Mais la question du masque et du vaccin questionne notre capacité à faire passer l'intérêt collectif avant notre point de vue individuel.

(1) "Science sans confiance...", Télérama, 13.1.2021.

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