mercredi 14 juillet 2021

Se vacciner contre l'individualisme

Désormais en France, il faudra montrer patte blanche - un passe sanitaire - pour entrer dans les lieux culturels et sportifs, dans les bars et restaurants, dans tous les centres commerciaux, les transports collectifs à longue distance, tous les espaces qui rassemblent plus de cinquante personnes. C'est qu'il faut bien tenter d'éviter une quatrième vague qui menace et dont le variant Delta et les résistants à la vaccination favorisent l'émergence. Cette exigence est apparemment plutôt bien acceptée par la majeure partie de la population et par les différents partis, à part ceux des extrêmes qui multiplient les arguments populistes pour soutenir ceux que l'idée même d'un passe sanitaire fait hurler. Certains n'hésitent pas à parler de  dictature ou, un peu plus subtilement, de démocrature. La seule dictature actuellement dans nos pays est celle du virus. Peut-on continuer à le laisser régulièrement empêcher les activités publiques, nous obliger à nous confiner, à vivre avec un masque, à rester distants les uns des autres? Alors qu'il existe une et une seule solution: la vaccination. Les opposants au vaccin n'ont d'intérêt que pour leur nombril qu'ils appellent liberté individuelle, sans souci pour l'intérêt collectif. Le vaccin trouve tout son sens et son intérêt dans son impact sur l'ensemble de la population.

"La coexistence de vaccins obligatoires et de vaccins recommandés est le reflet de l’histoire de la vaccination en France, rappelle le Ministère français des Solidarités et de la Santé (1). Avant l’arrivée des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, ces maladies représentaient de véritables fléaux, responsables à elles trois de plusieurs milliers de décès d’enfants par an en France. L’État a décidé de les rendre obligatoires afin de s’assurer que tous les enfants puissent y avoir accès et être protégés." (...) " La couverture vaccinale correspond à la proportion de personnes vaccinées dans une population à un moment donné. Une couverture vaccinale élevée constitue un élément clé dans le contrôle des maladies infectieuses, permettant de protéger une population contre une maladie donnée. Ainsi, par exemple, l’élimination de la rougeole nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95 % chez le jeune enfant. En France, ce niveau n’a jamais été atteint depuis l’intégration de cette vaccination dans le calendrier vaccinal, ce qui explique l’épidémie qui a provoqué des milliers de cas entre 2008 et 2011. Seule une couverture vaccinale élevée a permis l’élimination de la diphtérie et de la poliomyélite et la quasi- élimination des infections massives à Hæmophilus influenzae b, Hib. Les niveaux insuffisants de couverture vaccinale atteints pour la vaccination rougeole-oreillons-rubéole et contre le méningocoque C, ainsi que contre la grippe et l’hépatite B, sont à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité résiduelles, que l’on peut considérer inacceptables, d’autant que les vaccins correspondant ont un profil de sécurité d’utilisation tout à fait satisfaisant. Augmenter ces couvertures vaccinales devrait être considéré comme une priorité de santé publique afin de prévenir la survenue de drames facilement évitables."

On ne peut s'empêcher de maudire tous ceux et toutes celles qui refusent de se faire vacciner contre la Covid-19 sous prétexte qu'on est en démocratie et que chacun fait fait fait c'qui lui plaît plaît plaît. En démocratie, chacun est censé faire preuve de solidarité. Voilà les cafetiers et les restaurateurs, les responsables de cinémas, de théâtres, de salles de sport invités à jouer les flics pour contrôler les passeports sanitaires afin d'enrayer la propagation du virus que stopperait pourtant une vaccination de l'ensemble de la population. Les opposants au passe ignorent ou méprisent du haut de leur superbe tous ceux dont les activités professionnelles ou associatives vont être compliquées, freinées ou empêchées. Ils ne veulent pas voir que derrière le vaccin ce sont la santé publique et la liberté collective qui se profilent.

"La liberté est au fondement de notre vie collective et ma sensibilité personnelle me pousse à en faire la base de mes représentations politiques, affirme le sociologue Gérald Bronner. Cependant, comme toute valeur, elle devient idéologique et même parfois mortifère lorsqu’elle est défendue inconditionnellement. Sur ce point, Hobbes a tout dit dans son Léviathan lorsqu’il souligna que la liberté non régulée aboutit immanquablement à la pire des tyrannies. Cette régulation des libertés individuelles est rendue nécessaire lorsque l’expression de l’égoïsme de chacun peut gravement nuire à l’intérêt de tous. Nous y sommes : nous sommes tyrannisés par un virus et ses variants qui menacent notre santé, nos libertés de circuler, de nous voir, notre joie de vivre donc et plus encore. La crédulité de certains de nos concitoyens - qui refusent de se faire vacciner, qui imaginent des dangers irréels - collabore à proprement parler avec cette menace. Dans ces conditions l’obligation vaccinale me paraît moins une violation de nos libertés que la possibilité même de les rétablir."

Post-scriptum du 15 juillet: J'ai croisé ce matin G., 97 ans. Il est furieux. Il a, m'explique-t-il, claqué la porte du bistrot parce que la tenancière refuse de se faire vacciner. Je ne comprends pas, peste-t-il. Il dit qu'il a vu autour de lui tant de gens mourir de la tuberculose, tant d'autres rendus infirmes par la poliomyélite et se réjouit que les vaccins aient protégé toutes les générations depuis. Et le vaccin contre la rage, poursuit-il, combien de vies n'a-t-il pas sauvées? Je ne comprends vraiment pas qu'on puisse s'opposer à la vaccination, répète-t-il. Ceci dit, conclue-t-il, on a le droit de refuser le vaccin, mais alors on reste chez soi, sans aucun contact physique avec qui ce soit.

(1) https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/vaccins-obligatoires/article/11-vaccins-obligatoires-depuis-2018

(Re)lire sur ce blog "Faire société", 3.7.2021; "Faiblesse intellectuelle", 23.5.2021; "Liberté chérie", 12.4.2021.

2 commentaires:

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Hé oui..
Un élément très positif (et il n'en n'est a pas tant que ça par les temps qui courent) : la majorité de la population française semble accepter comme vous le soulignez les mesures fortes et de bon sens qui viennent d'être prises. Serait-ce la révolution ?

Bernard De Backer a dit…

Les antivax, comme on dit, appartiennent sans doute à plusieurs catégories différentes, que les sondages ont plus ou moins distinguées, il me semble. Il y a les opposant complotistes et individualistes systématiques, dont certains sont d'ailleurs médecins ou paramédicaux. D'autres sont plus politiques, du côté des extrêmes comme tu le soulignes. Puis des religieux sectaires de diverses obédiences, y compris les adeptes de huiles essentielles et du néo-chamanisme. Et j'en oublie certainement un paquet du côté des personnes ayant des fragilités de santé mentale. Mais il y a sans doute une majorité, influencée par les uns et les autres, qui appartient aux classes populaires "de souche" ou venues d'ailleurs, qui a un faible capital solaire et se méfie de ce qui "vient d'en haut". On le voit dans le gradient social des soignants opposés au vaccin. Mais bon, bien d'accord avec toi. Il faut y aller si l'on ne veut pas que les dégâts s'accumulent et que sorte un variant résistant aux vaccins, et tout ce qui viendra avec. Les antivax seront heureusement de plus en plus minoritaires avec l'augmentation du taux de vaccination dans la population. Mais le temps presse.