lundi 19 juillet 2021

Supprimons le code de la route

Bien sûr, ceux qui ont envie de respecter les limitations de vitesse peuvent le faire. Si ça leur plaît, pourquoi pas? Mais chacun doit avoir le droit de rouler à la vitesse qu'il veut. D'ailleurs, tout le monde n'a pas le temps de rouler tranquillement. Ceux qui font vivre l'économie n'ont pas de temps à gaspiller sur les routes. Le port de la ceinture de sécurité doit rester un choix personnel. Nous sommes en démocratie, chacun a le droit de faire ce qu'il veut de son corps. Et il est quand même ahurissant de voir que tant de gouvernements se sont soumis au lobby des fabricants de ceinture. Ceux qui veulent à toute force nous contraindre à rouler prudemment sont des nazis. Et puis, tant qu'à faire, supprimons le permis de conduire qui est très élitiste et conduit à diviser en deux la société, stigmatisant ceux qui ne l'ont pas. C'est leur droit, quand même, de rouler sans permis. Nous sommes en démocratie.

On voit par là que, contrairement à ce que veulent (nous faire) croire les anti-vaccins, la liberté individuelle n'existe pas dans l'absolu, que dans toute société des règles et des contraintes sont indispensables pour nous protéger les uns les autres, les uns des autres. Mais la raison semble les avoir quittés. Au point de rendre ignobles certains des tenants de "la liberté". Samedi, des milliers de manifestants un peu partout en France ont protesté contre le passe sanitaire. A Marseille, certains d'entre eux affichaient des photos du président de la République, du Premier ministre, du Ministre de la Santé et d'experts scientifiques et de médecins, tous affublés de la moustache d'Hitler. Comme si protéger la population - fonction régalienne de tout Etat - revenait à diriger le pire des régimes. "Ces gens qui jouent aux résistants en temps de paix, ces gens qui osent promettre aux médecins un nouveau Nuremberg sont des pourritures", a déclaré un médecin visé nommément, s'en prenant aux organisateurs de ces manifestations qu'il accuse d'être des menteurs et des manipulateurs (1). D'autres manifestants affichaient une étoile jaune, laissant entendre que la situation des non-vaccinés est comparable à celle des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Immoral, monstrueux, abject, ignoble, révoltant, honteux sont autant de qualificatifs que leur ont renvoyés divers élus politiques. « L’étoile jaune était un passeport qui vous conduisait à la mort, tandis que le vaccin permet de sauver des vies », a rappelé Arno Klarsfeld à ces philistins qui ont perdu tout sens de la mesure et de la dignité (2). D'autres ont été plus loin encore, dépassant les limites de l'abjection: une panne d'électricité volontaire a touché un centre de vaccination dans le Doubs, un autre a été vandalisé en Isère et un troisième incendié dans les Pyrénées atlantiques (3). Les criminels sont parmi eux.

"La plus grande bataille que nous ayons à mener aujourd'hui est une bataille pour la raison, écrit Jacques Julliard dans Marianne. Contre le fidéisme. Contre l'économisme. Contre le déconstructivisme." On pourrait ajouter: contre l'abjection, contre l'amalgame, contre le crétinisme. Citant Alain Finkielkraut, Jacques Julliard voit dans le mouvement antivax une défaite de la pensée. "Si la crise du Covid amenait les Français à prendre conscience que le seul choix véritable n'est pas entre la droite et la gauche, mais entre le déclin et la renaissance, la crise actuelle n'aurait pas été inutile", conclue-t-il.

Post-scriptum (ce même 19 juillet en soirée): à lire, cet article d'Antonio Fischetti sur le site de Charlie Hebdo "Le gloubi-boulga des anti-pass sanitaire" https://charliehebdo.fr/2021/07/societe/gloubi-boulga-manifs-anti-pass-sanitaire/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=QUOTIDIENNE_19072021__ABONNES&utm_medium=email En voici les dernières lignes: "question atteinte aux libertés, on pourrait dire la même chose de toutes les campagnes sanitaires. En France, la première vaccination obligatoire date de 1902 (contre la variole, qui a été éradiquée depuis), suivie par bien d’autres à partir des années 1930 : diphtérie (1938), tétanos (1940), poliomyélite (1964)… Il faut quand même rappeler – car il y en a qui semblent l’avoir oublié – que ces vaccinations forcées ont permis de sauver des millions de vies. Qu’on le veuille ou non, la vaccination massive est aujourd’hui le plus court chemin pour retrouver la liberté de se déplacer. Et il serait même judicieux d’ajouter, à l’obligation de se vacciner, une autre obligation : celle de donner des vrais moyens aux hôpitaux. Mais ça, ce n’est malheureusement pas à l’ordre du jour."

(1) https://www.huffingtonpost.fr/entry/pass-sanitaire-la-colere-froide-de-ce-medecin-sali-par-la-manifestation-a-marseille_fr_60f33463e4b0a771e804c7ff

(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/19/le-port-de-l-etoile-jaune-lors-des-manifestations-contre-le-passe-sanitaire-suscite-l-indignation_6088738_823448.html

(3) https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/07/19/doubs-plainte-deposee-a-la-suite-d-une-coupure-d-electricite-ciblee-dans-un-centre-de-vaccination_6088745_3224.html

(4) Jacques Julliard, "Les antivax, une défaite de la pensée", Marianne, 16.7.2021.

2 commentaires:

Bernard Tomasi Debeire a dit…

L'ignominie atteint un tel degré .... d'ignominie qu'elle crée les conditions d'un sursaut.
L'insidieuse dérive commencée avec le mouvement des gilets jaunes et qui se poursuit avec les antivax et autres joyeusetés décoloniales se heurte actuellement à une vigoureuse contre-argumentation.
L'indignation change t-elle de camp ?

Marc Hordies a dit…

Bon coup de sang, Michel !