mardi 16 août 2022

Comment dit-on hypocrisie en persan ?

L'Etat iranien a la mémoire qui flanche. Il n'a rien à voir, affirme-t-il, avec l'agression au couteau dont a été victime Salman Rushdie. « Dans cette attaque, seuls Salman Rushdie et ses partisans mériteraient d’être blâmés et même condamnés », a affirmé le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères (1). On est peu de choses en Iran. Voilà ce brave ayatollah Khomeini tombé dans les oubliettes de l'histoire. Le si sympathique « chef spirituel suprême » de l'Iran de 1979 à 1989 avait, peu avant sa mort, appelé, via une fatwa, à tuer l'écrivain Salman Rushdie accusé de blasphème contre le prophète Mahomet dans son roman "Les Versets sataniques".

"Aussi paradoxal que cela paraisse, écrit l’écrivain franco-turc Nedim Gürsel (2), (lui-même poursuivi pour blasphème), ce roman, qui a fait couler beaucoup d’encre et pas mal de sang, dont celui de son auteur (...), n’est pas à proprement parler un roman sur Mahomet, ni sur l’islam. Le Prophète est certes l’un de ses personnages sous le nom de Mahound, mais le récit a plusieurs axes, une trame complexe et une forme narrative que l’on peut qualifier de postmoderne. Voire de comédie burlesque." Mais, on le sait, les religieux raides n'ont aucun sens de l'humour pas plus que de la création. "Il n'y a pas de création sans liberté, affirme Nedim Gürsel. Au nom de celle-ci et en tant que romancier, et notamment en tant qu’auteur des Filles d’Allah, qui a été poursuivi en justice pour blasphème et soutenu par Rushdie, je défendrai le recours à la fiction pour parler notamment du Prophète de l’islam sans me soucier du fait que le considérer comme un personnage de roman le désacraliserait." (...) "Il faut admettre qu’un romancier, en puisant dans les récits historiques ou religieux, a le droit de créer des personnages, y compris des prophètes pour en faire des protagonistes d’une parodie, voire d’une farce burlesque. C’est ce qu’a fait Salman Rushdie et rien d’autre." 

Le crime dont a été victime Salman Rushdie trente-trois ans après le lancement de la fatwa appelant à son assassinat a ravivé l'intérêt pour son roman auprès de personnes qui n'en avaient jamais entendu parler. Les ventes sont en hausse (3). Son agresseur et l'Etat iranien auront aidé à faire découvrir cette œuvre qu'ils veulent interdire.

"Et maintenant, Mahound arrive en triomphateur ; et, en fin de compte, je vais perdre la vie. Maintenant son pouvoir est devenu trop grand pour que je puisse le défaire."
Baal lui demanda : "Pourquoi es-tu si sûr qu'il va te tuer ?"
Salman le Persan répondit : "C'est sa Parole contre la mienne."
(Salman Rushdie, "Les Versets sataniques", Pocket Plon 1999, p. 479)


(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/les-versets-sataniques-qui-ont-fait-couler-beaucoup-d-encre-et-pas-mal-de-sang-ne-sont-pas-a-proprement-parler-un-roman-sur-mahomet-ni-sur-l-islam_6138036_3232.html
(3) https://www.lalibre.be/culture/livres-bd/2022/08/13/les-ventes-des-versets-sataniques-en-hausse-apres-lattaque-contre-salman-rushdie-FRNHEXHRXBA6LHFCWCH4QCTJAU/

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