mardi 9 août 2022

Etrange solution miracle

C'est LA solution énergétique pour lutter contre le réchauffement climatique. Le gouvernement français en est convaincu et le président Macron a annoncé la construction d'une dizaine de mini-centrales EPR. Pour eux, la production électrique doit passer prioritairement par le nucléaire parce qu'il ne produit pas de CO2. Donc there is no alternative ou si peu. 
Sauf qu'en Ukraine, deuxième pays le plus nucléarisé d'Europe, les centrales nucléaires deviennent des cibles stratégiques dont les explosions, si elles devaient arriver, auraient des conséquences totalement imprévisibles et catastrophiques pour l'Europe entière comme pour la Russie. 
Sauf que la moitié des cinquante-six réacteurs nucléaires français est actuellement à l'arrêt, soit pour entretien, soit à cause de problèmes de corrosion.
Sauf que l'EPR en construction à Flamanville depuis 2007 devait être inaugurée en 2012 et qu'il est toujours en chantier et que son budget a été multiplié par quatre, passant de 3 milliards d'euros à 12,7.
Sauf que le réchauffement climatique oblige EDF à abaisser la production d’électricité de son parc en raison des hautes températures des cours d’eau utilisés pour refroidir des réacteurs, qui mettent en péril la faune et la flore. "Face à la canicule et aux hautes températures des cours d’eau utilisés pour le refroidissement des réacteurs, explique l'hebdomadaire Marianne (1), EDF est contraint de réduire la production de plusieurs de ses centrales nucléaires, a indiqué l’entreprise ce vendredi 5 août. Chaque site dispose de ses propres limites réglementaires de température de rejet de l'eau à ne pas franchir afin de protéger la faune et la flore. Les baisses de production pour ces raisons sont fréquentes en période estivale, mais elles sont arrivées plus tôt que d'habitude cette année, c'est à dire dès le mois de mai." L'eau de la Garonne, par exemple, a atteint 28°C.

Les soutiens du nucléaire le présentent comme totalement sûr. Mais le physicien David Boilley, président de l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'ouest (Acro), rappelle (2) qu'en France le nucléaire est la seule industrie qui dispose d'un Institut de radioprotection et de sûreté (IRSN) et d'une Autorité de sûreté (ASN). "On a tendance à s'endormir là-dessus", souligne-t-il, indiquant qu'aucune autre filière énergétique n'a besoin de contrôles aussi stricts, ce qui en dit long sur sa dangerosité.
"Même à l'arrêt, écrit Télérama, une centrale nucléaire reste un système industriel éminemment complexe, vulnérable et qui peut être détourné." La guerre d'Ukraine "fait exploser les frontières supposées entre la bombe et le réacteur". Sezin Topçu, chargée de recherche au CNRS, estime que les deux filières nucléaires, civil et militaire, "sont totalement liées". 
"Face à la nouvelle donne imposée par Vladimir Poutine, écrit Télérama, il est (...) difficile de savoir ce qui nous menacerait le plus, entre le déclenchement d'une arme atomique, le bombardements de réacteurs civils ou l'accident dans une centrale assiégée..."

En octobre 2021, les engagements français sur la réduction des déchets radioactifs en mer (pour les ramener quasiment à zéro) ont été repoussés de trente ans à... 2050 ! Elle est pourtant prévue par la Convention pour la protection de l'Atlantique nord-est. Tout bénéfice pour la France. "L'usine de La Hague a les plus forts rejets radioactifs en mer, relève David Boilley. Chaque mois, elle rejette, par exemple, autant de tritium dans la Manche que ce que l'installation de Fukushima déversera dans le Pacifique en trente ans".

La France veut être indépendante sur le plan énergétique. Mais le nucléaire ne vit ni du vent ni du soleil, mais d'uranium. Or la France a fermé sa dernière mine en 2001 et se fournit à présent au Kazakhstan (sous l'orbite de Moscou), en Ouzbekistan, au Niger, au Canada et en Australie. Son uranium retraité à La Hague est envoyé dans une ville secrète de Russie pour y être réenrichi ou recyclé. Et, ajoute Télérama, "EDF est, malgré la guerre, en train de renforcer sa collaboration avec Rosatom, colosse russe des programmes nucléaires civil et militaire, pour la construction de turbines pour centrales nucléaires."
Yves Marignac de l'institut négaWatt constate qu'on compte dix-huit réacteurs de conception russe en fonctionnement en Europe. "Quiconque parle de poursuivre le développement du nucléaire au nom de la lutte climatique parle de permettre à la Russie (et à la Chine) d'exporter leur technologie et d'étendre leur influence."

Les écologistes qui s'opposent depuis toujours au nucléaire pour lui privilégier les énergies renouvelables et les économies d'énergie sont vus comme de raides idéologues. Les tenants du nucléaire, eux, ne font pas d'idéologie, juste des affaires. En souplesse.

(1) https://www.marianne.net/economie/economie-francaise/canicule-edf-contraint-de-reduire-la-production-de-plusieurs-de-ses-centrales-nucleaires
(2) Weronika Zarachowicz, "Atome - des centrales invulnérables ?", Télérama, 30.3.2022.

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