mardi 22 novembre 2022

Traditions mortifères

La COP27, énième grand raout dont on n'espérait pas de grandes décisions à même de sauver la planète, ne nous a pas surpris. Les hommes continuent et continueront leurs jeux dangereux. Le vieux monde est toujours bien vivant. Les industries pétrolières et gazières y comptaient 636 représentants, 25 % de plus qu'à la COP précédente (chiffres de l'ONU). Au point qu'on en arrive à se demander quel est l'objectif de pareil rassemblement : lutter contre le réchauffement climatique ou sauver les producteurs d'énergie fossile ? Ceux-ci ont gagné. Ils ne risquent rien. D'autant qu'ils savent pouvoir compter sur la grande majorité des pays pollueurs et des citoyens qui ne peuvent envisager modifier leur confort et leurs habitudes.
Pendant que se clôturait sans passion et sans gloire la COP27 s'ouvrait la Coupe du monde de football au Qatar, immense pied de nez à l'humanité. Toutes les dix minutes un avion y amène des supporters depuis les pays voisins pour assister à des matchs dans des stades climatisés.
Les projets d'exploitation de gaz et de pétrole continuent à se multiplier à travers la planète, comme si on était toujours dans les années '60. En Allemagne, on continue(ra) à extraire du charbon jusqu'en 2036 en détruisant des milliers d'hectares de nature. La forêt amazonienne continue à brûler. Les routes et autoroutes sont et seront toujours plus nombreuses. Il faudra bien faire rouler tous les véhicules électriques qui devront remplacer les thermiques. En Belgique, les ventes de Porsche ont explosé. Les entreprises de transport n'ont aucun souci à se faire : les gigantesques centres de logistique continuent à pousser au milieu des champs.

Les courses de moto se pratiquent en forêt (en Creuse, par exemple) et les rallyes de voitures dans les campagnes (dans le Condroz) avec la bénédiction des autorités publiques qui jurent leurs grands dieux qu'elles veulent lutter contre le réchauffement climatique mais qu'on ne peut remettre en question des pratiques anciennes. (Et de toute façon, les motos, dès qu'elles roulent en forêt, deviennent vertes...)
Le maire de Nevers veut une ligne aérienne entre Dijon et sa ville pour faire venir travailler quotidiennement des médecins. (Journal, France 3, 15.11.2022, 19h30)
Le Black Friday s'annonce, portant bien son nom, nous invitant à consommer en masse des produits dont nous n'avons nul besoin.

En France, la première ministre ne peut envisager de réduire les vitesse sur les autoroutes de 130 à 110 km/h, car il y a « des gens qui ont besoin de se déplacer sur autoroute et qui peuvent avoir des contraintes de temps ». La tradition veut qu'on roule vite (vers plus de pollution encore) et il faut respecter la tradition.
La nature se meurt et des espèces disparaissent chaque jour. Mais il est hors de question de réglementer plus sévèrement la chasse. On ne touche pas à cette tradition.
Pas question non plus de toucher à la corrida, tradition qui consiste à jouer avec un taureau jusqu'à ce que mort s'en suive. Interdire cette pratique barbare serait de l'écoterrorisme ou - ça vient de sortir - de l'écototalitarisme.
Les repas dans les collectivités doivent rester basés sur la viande, c'est la tradition. On a toujours mangé comme ça, pourquoi faudrait-il changer ?
(C'est étonnant de voir le nombre de gens qui se prétendent révolutionnaires et ne sont que de vieux conservateurs - de tous âges. Souvent, l'homme n'est guère autre chose qu'une moule accrochée à son rocher.)

Alors qu'il faudrait changer radicalement de culture et d'attitude, Poutine n'a rien trouvé de mieux que de raviver une tradition qu'il affectionne : la guerre avec tous les ravages qu'elle entraîne en termes de mort, de misère, de pollution, de pénurie énergétique et alimentaire, de dépenses publiques inconsidérées, de mépris pour la vie humaine. Et voilà qu'Erdogan relance la guerre contre les Kurdes, vieille tradition turque, tandis que les barbus iraniens emprisonnent et tuent les femmes qui rejettent le voile traditionnel qui les empêche de vivre.

Nous mourrons avec nos traditions, de nos traditions. La question, c'est quand ? Demain ou après-demain ? Le choix aujourd'hui, on l'a compris, c'est mourir à petits feux (inondations, sécheresses, incendies, tempêtes, typhons et ouragans, guerres pour l'eau, l'alimentation et l'énergie, etc.) ou à grand feu (guerre nucléaire). Poutine pourrait être celui qui mettra fin à la folie humaine. Pousser sur le bouton nucléaire pourrait être une forme d'aide à mourir. Comme l'écrivait en 2006 Yves Paccalet, l'humanité disparaîtra,  bon débarras !

Je répète : je suis pour l'humain. On ne s'ennuie pas avec lui. Il est le grand personnage du roman de la Terre. Rien d'un héros positif. Non, non, surtout pas. Qu'on arrête avec ça. Plutôt un beau salaud. Sera-t-il condamné ? Va-t-il s'en sortir ? Trouver l'issue ? Ou se suicider ? Surtout, surtout, ne pas raconter la fin. D'ailleurs, personne ne la connaît. Ne pas compter sur lui, l'humain. Sur l'humain, on ne peut pas compter. Se méfier de lui. Tout ça, je me le disais parfois.
Claudie Hunzinger, "Un Chien à ma table" (Grasset, 2022)

Ça fait moins peur
De mourir à plusieurs
Avec ardeur
Nous sommes nos fossoyeurs.
Arno

Post-scriptum : J'oubliais, parmi toutes ces traditions intouchables, celle de la patinoire. Il y en aura une à Châteauroux, nous disait ce soir (23.11) France 3 Centre Val de Loire. On ne peut imaginer Noël sans patinoire, affirment divers intervenants. Mais on peut imaginer janvier sans électricité, nous explique ensuite le journal national. On ne sait plus que penser : doit-on ou non être sobre, économe en eau et en énergie ? Allez, c'est la fête. Soyons fous ! Oui, fous...

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