mercredi 2 novembre 2022

Une gauche qui coulions

La déconstruction semble sans limite. Voilà qu'une de ses grandes prêtresses, Sandrine Rousseau, déconstruit la conjugaison. "Nous avions la gorge qui grattions, nous avions les yeux qui brûlions", a-t-elle déclaré sur un plateau de télévision récemment (1). Visiblement, les gaz lacrymogènes ont sur ses capacités oratoires un pouvoir aussi puissant que, selon elle, le barbecue sur la virilité.

C'est cette même députée verte, érigée en Grande Inquisitrice, qui a rendu publique la vie privée de Julien Bayou, ex-secrétaire général d'EELV, dévoilant les confidences d'une de ses ex-amoureuses (2). Haro sur le baudet. Et voilà que Reporterre, le média de l'écologie, va plus loin encore, soulevant les draps du lit de Bayou, en un article interminable, qui ne nous épargne rien des aventures sexuelles et sentimentales du Casanova vert. Cette gauche devenue folle lance des anathèmes sur un homme qui n'aurait pas avec les femmes une attitude qui sied. Sophia Aram, lisant cet article, s'est dit (3) : " La terre brûle et Reporterre regarde… la quéquette de Bayou". Ce n'est plus Reporterre, c'est Détective "Vous ne mesurez pas le niveau de détails avec lesquels l’échotière de Reporterre recycle la vie privée de Bayou pour l’humilier, le salir et le mettre à terre. À ce niveau de détails, on est moins dans l’atteinte à la vie privée que dans la destruction de l’intime." Si tout est permis pour attaquer quelqu'un en politique, qui s'y risquera encore ? "Pour ceux qui, comme moi, restent attachés à l’idée que la vie privée doit rester… privée justement, qu’est-ce qui peut justifier de tirer ce portrait en érection d’un responsable politique ? C’est quoi l’idée, éclairer son “rapport aux femmes“ ? Mais dans ce cas, où placer le curseur ? "

Hier, le chercheur, membre du GIEC et enseignant en sciences politique François Gemenne était l'invité de France Inter (4). Le journaliste Jérôme Cadet rappelait que lors de la dernière campagne présidentielle, François Gemenne a présidé le conseil scientifique de Yannick Jadot, candidat d'EELV. En mai, après la campagne, il déclarait ceci : "Je déconseille à tous mes collègues du GIEC l'engagement en politique. Ne mettez pas les pieds là-dedans. C'est un monde d'une médiocrité infinie. J'ai passé toute la campagne à me faire insulter, agresser, menacer par les Insoumis. J'en sors laminé, je ne crois pas que la démocratie soit capable aujourd'hui de mettre en œuvre les changements nécessaires à la transformation." Les coups sont aussi venus de l'intérieur du parti. "Aujourd'hui, dit-il, on a des polémiques qui vont se focaliser sur des sujets symboliques, qui vont monopoliser l'attention de la presse et des politiques, qui vont entretenir le débat public pendant des jours et des jours et les industries fossiles vont regarder tout ça en se frottant les mains parce qu'on oublie avec ça l'éléphant qui se trouve au centre de la pièce."

A propos d'éléphant, Jean-Luc le Grand Timonier s'est évidemment réjoui de la victoire de son ami Lula au Brésil et veut croire que son heure à lui aussi arrivera bientôt. Mais, rappelle le journaliste de France Inter Maxence Lambrecq (5), il y a une différence fondamentale entre Lula et celui qui rêve de marcher dans ses pas : "Lula a gagné avec le centre. Vous voyez Jean-Luc Mélenchon s’allier à François Bayrou ? Qui a choisi Lula pour être son vice-président ? Son adversaire du second tour de 2006, un médecin conservateur et libéral, ex-gouverneur de Sao Paulo. Et qui a soutenu Lula ces dernières semaines ? L’ancien président de centre-droit, qu’il avait affronté en '94 et '98. Ce qui est frappant, c’est qu’après trois échecs successifs, Lula, lui, a changé de stratégie, a laissé de côté sa radicalité. « J’ai perdu parce que le peuple avait peur de moi ». Pour pouvoir gouverner le Brésil, « Jésus lui-même aurait dû s’allier à Judas ». « Si vous connaissez une personne d’un certain âge encore de gauche, c’est qu’elle a un problème » a-t-il aussi lancé." 
Pendant ce temps, le MélenChe continue à clamer son refus de tout dialogue, il fustige ses « adversaires internes » au sein de la NUPES parce qu'ils n’ont pas voté la troisième motion de censure du mois. Il dénonce « l’aile Hollande du PS, l’aile Jadot chez Les Verts  » et Fabien Roussel, le patron du PC, qu’il accuse même « de soutenir le budget de la Sécurité sociale de Macron ». Contrairement à Lula, le Lider maximo français ne veut pas entendre parler d'union.  « L’union, c’est la confusion, répétait-il pendant toute la campagne. De quel prix paierait-on de renoncer à tout pour m’entendre avec les autres ? »

Quand la bêtise le dispute au ridicule, le simplisme à la vanité, quand le sens de la nuance est considéré comme une faiblesse, quand la délation devient un outil de conquête du pouvoir, nous sommes de plus en plus nombreux, (anciens ?) militants de gauche, à nous désoler de voir le monde partir à vau-l'eau sans une classe politique à la hauteur des gigantesques enjeux auxquels nous sommes confrontés, et à ne plus savoir pour qui voter. Mais à nous rendre compte que le monde court à sa perte et qu'à cause de cette folie furieuse qui s'est emparée de cette gauche, le RN en profitiont pour avancer, lentement mais sûrement. A pas de loup.

(1) https://www.ladepeche.fr/2022/10/31/nous-avions-la-gorge-qui-grattions-sandrine-rousseau-moquee-apres-ses-fautes-de-francais-en-direct-a-la-television-10774115.php
(2) https://www.marianne.net/agora/humeurs/affaire-bayou-un-parti-de-gauche-et-feministe-doit-il-proteger-ses-militantes-contre-elles-memes
(3) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-31-octobre-2022-8882320
(4) à l'occasion de la sortie de son livre "L'écologie n'est pas un consensus - dépasser l'indignation".
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-01-novembre-2022-7920330
(5) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-02-novembre-2022-4940189

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