dimanche 28 janvier 2024

Des doutes

J'ai des doutes. Parfois je me demande si je ne serais pas d'extrême droite. J'ai lu "Sur les chemins noirs", de Sylvain Tesson, son récit de la traversée de la France à pied. Et je dois l'avouer ici, je l'ai apprécié.
J'ai lu "L'Axe du loup", autre récit - incroyable - de Sylvain Tesson qui raconte un autre voyage à pied qu'il a effectué durant huit mois, parfois dans des conditions extrêmes et des situations dangereuses, dans les pas d'évadés du goulag depuis Iakoutsk dans le nord-est de la Russie jusqu'au Golfe du Bengale à 5000 km de là. Ce récit illustré par Virgile Dureuil (1) m'a, je dois le reconnaître, impressionné.

Mais voilà, Sylvain Tesson est vilipendé par 1.200 poètes, écrivains et libraires qui ont décidé qu'il était d'extrême droite et ne pouvait donc pas présider le Printemps des poètes. Ils l'ont affirmé dans une tribune. On suppose donc que ces libraires vont désormais faire le tri dans les livres qu'ils vendent et ne garder que ceux des bons écrivains. 
Les signataires considèrent que Tesson est d'extrême droite à cause d'une préface qu'il n'a pas écrite, mais aussi parce qu'il a déclaré "Si vous voulez faire peur à vos enfants, ne leur lisez pas les contes de Grimm, mais certaines sourates du Prophète". Comme l'écrit Franc-Tireur (1), les signataires de la tribune flingueuse feraient bien de lire le Coran : "Ils y découvriraient que cette violence existe, tout comme dans l'Ancien Testament ou la Torah". Je pense la même chose. Je me demande si je ne serais pas d'extrême droite. 

J'ai des doutes. Parfois je me demande si une certaine gauche ne serait pas d'extrême droite. Je me demande où se situent ceux qui défendent l'islamisme. S'indigner qu'on critique les dérives politiques d'une religion dont on impose la loi par la violence et la terreur, n'est-ce pas soutenir une forme de fascisme ? J'ai des doutes sur la gauche : ne serait-elle pas d'extrême droite à force de chasser en meute contre qui ne pense pas comme elle, à force de jouer les Fouquier-Tinville, l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire à l'époque de la Terreur ?

J'ai des doutes, est-ce que vous en avez ?

La vie me laissait une chance, il était grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.
Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.
Sylvain Tesson, "Sur les chemins noirs", Gallimard nrf, 2016.

(1) Casterman, 2023.
(2) 24.1.2024.
https://www.ouest-france.fr/reflexion/editorial/editorial-la-polemique-sylvain-tesson-ou-lhypertrophie-du-champ-politique-1a1f54b6-bc14-11ee-8a7d-fa3ec2db0626

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J’ai aussi souvent appris à la lecture du journal Le Monde que j’étais (devenu ?) d’extrême droite, alors que toute ma réflexion politique est fondée sur l’anti-totalitarisme. Mais j’ai lu de auteurs de droite, j’ai critiqué un chantier d’éoliennes, assimilé des pratiques religieuses et politico-religieuses à des entreprises totalitaires, observé qu’il n’y a pas de société qui ne se fonde sur la différence des sexes… extrême droiate, voilà. Et pendant ce temps-là les lepénistes passent pour des progressistes. Ok devrait laisser les panneaux d’entrée dans les villes à l’envers : on marche effectivement sur la tête.

Bernard De Backer a dit…

Ah Michel, Sylvain Tesson ! Quelle bonne idée d'en parler. Sur le qualificatif "d'extrême doite" et "qui fait le lit de...", son usage est tellement repandu par le Camp du Bien qu'il ne me fera pas déconsidérer Tesson. Mais je dois t'avouer que c'est un écrivain que je n'aime pas beaucoup. Enfin, j'aimais bien le Tesson des débuts, mais au fur et à mesure que sa gloire grandit, surtout après sa chute, je lis ses nouveaux livres et je le trouve de plus en plus grandiloquent, narcissique, outrageusement médiatique et faisant feu de tout bois. Les médias français en redemandent et sont aussi en cause. Je n'ai pas pu terminer "La panthère des neiges", notamment parce qu'il s'y moque de Peter Mathiessen, l'auteur du splendide "Léopard des neiges". Et qu'il parle plus souvent de lui que des personnes qu'il rencontre. Quel contraste avec Nicolas Bouvier ! Mais Nicolas est de Genève et je suis un inconditionnel. J'assume. Donc bien d'accord avec ton billet, mais moins fan de Tesson...

Michel GUILBERT a dit…

Je dois avouer que je n'ai lu de Tesson que les deux livres cités.