vendredi 19 juillet 2024

Le Parrain

Evidemment, c'est difficile pour un stalinien (caractériel de surcroît) de comprendre les règles du jeu. Les chiffres, Mélenchon les lit à sa façon : 182 élus de l'union de la gauche sur 577 députés représentent pour lui la majorité. Il semble de plus en plus ignorant des règles élémentaires de la démocratie.
Mélenchon est partout, il éructe, il rugit, il menace. Ivre de lui-même, il semble prendre plaisir à jouer les gourous, à s'inviter là où il n'a plus rien à faire. L'homme n'a plus aucun mandat, mais il prend toute la place, met dans l'ombre tous les élus du parti qu'il ne dirige plus. Il parle pour l'ensemble de la gauche. Il est comme ces patrons qui ont pris leur retraite après avoir cédé leur entreprise à d'autres, mais qui sont tous les jours dans les bureaux et les ateliers pour expliquer comment il faut travailler, pour féliciter les uns et tancer les autres, pour rencontrer les clients, les actionnaires, et même la presse. Un poids lourd encombrant qui prétend qu'il a gagné, qu'il est incontournable, que c'est le programme de la gauche, tout son programme, rien que son programme qui sera appliqué, même si celle-ci est loin, très loin de la majorité. Il se rend insupportable (et semble prendre plaisir à l'être). On comprend que plusieurs de ses élus lui aient désormais tourné le dos.

Dans sa dernière édition (1), Charlie Hebdo consacre trois pages à Mélenchon, l'homme qui avance masqué, le militant lambertiste qui n'a sans doute jamais rompu avec le sulfureux et souterrain Parti ouvrier indépendant (POI), héritier de l'Organisation communiste internationale (OCI). "Le fait est que, dès 2017, le POI-OCI soutient Mélenchon dans toutes ses entreprises. Peu à peu, et sur la seule décision de Mélenchon, le mouvement lambertiste devient l'un des soubassements de LFI." Ce dernier fonctionne d'ailleurs comme le POI : sans démocratie interne. "A la mi-mai (2023), 370 membres et cadres de LFI au départ signent un appel qui constate l'absence totale de démocratie entre les décideurs et les militants de terrain, dénonçant la nomination des porte-parole sans consultation des militants." Réflexion d'un élu recueillie par Le Monde : "LFI, c'est la propriété privée de Jean-Luc. Il a l'argent et choisit la couleur des volets. Le concierge, c'est Manu." Manuel Bompard, la voix de son maître, l'homme lige du marionnettiste, un zombie qui n'exprime aucune émotion, le petit doigt sur la couture du pantalon. Les militants du POI noyautent les structures départementales de LFI, explique encore Fabrice Nicolino dans Charlie. "Beaucoup des opposants soupçonnent Mélenchon de vouloir se créer un micro-parti à sa botte, qui contrôlerait définitivement LFI avec un lot d'idiots utiles, capables d'avaler toutes les couleuvres. LFI présentée par Mélenchon comme un mouvement gazeux, est confrontée à une organisation dure comme la pierre."
Le dossier de Charlie Hebdo se poursuit avec une démonstration du racisme, de l'homophobie et du machisme historiques de l'OCI ; avec le "répugnant hommage" que Mélénchon a rendu à son camarade Charb, directeur de Charlie, massacré par des islamistes ; avec la cécité volontaire de Mélenchon sur la Chine et la Russie ; avec la main mise, en 1991, de Mélenchon et Dray sur l'ONG Terres des Hommes. 

Après lecture de ce dossier, ceux qui n'aiment pas le gourou le détesteront un peu plus. Ceux qui le vénèrent y trouveront matière à défendre un peu plus leur grand maître. Il fait peur au système, diront-ils, voilà pourquoi on l'attaque autant. Oui, il fait peur au système démocratique. Il est temps que les partis de gauche échappent au terrorisme intellectuel qu'exerce sur eux le grand manipulateur. 

(1) n° 1669, 17.7.2024.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/23/trotskisme-histoires-secretes-melenchon-et-l-heritage-lambertiste_6212511_3232.html


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