Après d'autres pays, la France s'apprête à reconnaître l'existence de l'Etat palestinien. Une reconnaissance symbolique qui ne règlera rien. Bien sûr, il est indispensable d'affirmer la volonté de la communauté (on a du mal à croire à la réalité de ce terme) internationale de voir le peuple palestinien être maître de son destin. Mais Israël ne veut pas d'un Etat palestinien à ses côtés. Pas seulement le gouvernement Nétanyahou, mais une majeure partie de l'opinion publique israélienne. Tandis que les Palestiniens, de leur côté, ne veulent pas dans leur majorité de l'Etat israélien.
On n'est pas surpris d'entendre Nétanyahou déclarer que "aucun Etat palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain". Il a de plus "confirmé, dimanche, écrit Le Monde (1), sa volonté d’amplifier la colonisation des territoires occupés en Cisjordanie – un objectif qui figurait déjà dans la plateforme de la coalition gouvernementale fin 2022". Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité nationale, d'extrême droite, estime, quant à lui que "la reconnaissance d’un Etat palestinien par des pays comme le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie (…) impose une réponse immédiate : l’annexion immédiate de la Judée-Samarie ». Il appelle également au "complet démantèlement de l’Autorité palestinienne".
Des reconnaissances inconditionnelles (la libération des otages serait logiquement une des conditions qui devraient être imposées) de l'Etat palestinien sont rejetées par l'opposition israélienne. "Depuis deux ans, écrit encore Le Monde, les sondages montrent que l’idée d’une solution à deux Etats – soutenue par une minorité des Israéliens juifs avant même le 7 octobre 2023 – est très largement rejetée. « En tant que familles qui aspirent profondément à la paix dans la région, nous pensons que toute discussion sur la reconnaissance d’un Etat palestinien doit être subordonnée à la libération immédiate de tous les otages. Il ne s’agit pas seulement d’une condition préalable, mais d’un impératif moral et humanitaire », ont condamné, dimanche, les familles des otages, habituellement très critiques de la politique du gouvernement." La droite, le centre et la gauche rejettent également, dans les conditions actuelles, la reconnaissance de l'Etat palestinien.
Selon les sondages, une majorité de Palestiniens s'opposent à la solution à deux états, en partie pour des raisons religieuses. Le partage de la Palestine contredirait les textes sacrés de l'islam. "Cette terre est islamique et il n'est absolument pas permis de l'abandonner, affirmait hier sur Arte (2) Abdel Hamid, imam de la Grande mosquée de Ramallah. C'est un waqf islamique reconnu dans la religion musulmane et il est absolument impossible de s'en défaire, ni en partie ni en totalité. Il n'y aura jamais de coexistence entre l'islam et le sionisme."
Bref, tout le monde se rejette et refuse de reconnaître celui d'en face. La solution à deux Etats, pour logique et attendue qu'elle soit, n'est pas près de voir le jour et la paix n'est aucunement envisagée. Les religions ont aujourd'hui pris la main dans ce conflit. "Il ne s’agit pas d’un retour, estime Haoues Seniguer, professeur des universités en histoire contemporaine des relations internationales à l’université de Montpellier Paul-Valéry (3), car le religieux a toujours été présent dans cette zone du monde marquée par une forte imprégnation du sacré. Néanmoins, le développement d’un religieux létal est beaucoup plus récent. Dans le monde arabe, il apparaît consécutif à la défaite de la guerre des Six-Jours, en 1967. L’échec idéologique et matériel du nationalisme arabe a fait le lit du retour d’une religion idéologisée, tandis qu’en Israël l’absence de solutions pérennes et acceptables sur la Palestine a fait fructifier une rhétorique religieuse agressive. L’hypothèse en toile de fond de mon ouvrage est que, dans le conflit israélo-palestinien, l’absence de solution politique fait le jeu d’un religieux ensauvagé. Moins les solutions politiques se profilent pour une résolution pacifique du conflit, plus la rhétorique religieuse est mobilisée face à des institutions qui ne jouent plus leur rôle, sur le plan tant national que mondial – avec la faillite du droit international."
Hier, à Châteauroux, quelque 80 personnes manifestaient, ensemble mais à distance, pour réclamer la paix à Gaza. "Dans le cortège, les fractures de la gauche étaient à vif", écrit La Nouvelle République (4) qui cite une élue LFI interrogée sur ses relations avec le PS : "De moins en moins frères, de plus en plus ennemis". Comme l'écrit la NR, "quelle qu’en soit la raison, cela traduit que même pour des enjeux de paix, c’est la guéguerre qui règne à gauche". Avec de tels soutiens, la paix au Proche-Orient attendra.
(2) https://www.arte.tv/fr/videos/128952-000-A/la-palestine-cet-etat-qui-n-en-est-toujours-pas-un/(3) https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2025/09/21/haoues-seniguer-politiste-l-absence-de-solution-politique-dans-le-conflit-israelo-palestinien-fait-le-jeu-d-un-religieux-ensauvage_6642188_6038514.html
Haoues Seniguer est l’auteur de "Dieu est avec nous ! Le 7-Octobre et ses conséquences. Comment les religions juive et islamique justifient la violence" (Le Bord de l’eau, 280 pages, 20 euros).
(4) https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/a-gauche-on-manifeste-pour-la-paix-ensemble-mais-separe-a-chateauroux-1758468612
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