mardi 29 octobre 2013

Fort minables

Qui sort gagnant, qui sort grandi de la décision du gouvernement français de report des "écotaxes" ? A ce jeu-là, tout le monde a perdu. Et seule l'extrême droite et l'ultra libéralisme risquent de gagner une fois encore.  Les agriculteurs français, et bretons en particulier, sont perdants, quoi qu'ils croient, autant que les politiques, de gauche comme de droite qui, hors le ridicule et le consternant, n'ont rien gagné. 
Le P.S. et le gouvernement, avec cette xième reculade face à l'obstacle, font le jeu de la droite et surtout de sa nuisible extrémité. 
L'U.M.P., qui est elle-même à l'origine de ces écotaxes (une des décisions d'un "Grenelle de l'environnement" qui en prit si peu), se couvre de ridicule, en reprochant au gouvernement à la fois l'application et la non-application de cet "impôt Borloo".
Les écologistes ne devraient plus avoir d'autre choix que de quitter ce gouvernement sans gouvernail.
On trouve d'autres gagnants du côté du MEDEF et de la FNSEA. Ce ne sont pas les agriculteurs, bretons ou autres, qui ont été entendus, mais le secteur agro-alimentaire, un des fleurons de ce capitalisme absurde et destructeur qui fait circuler des porcs, du maïs et des tomates d'un bout à l'autre de l'Europe. Les écotaxes avaient pour ambition d'essayer de changer, un peu, la tendance, d'aider à un transfert modal de la route vers la voie d'eau et le chemin de fer, d'éviter les déplacements idiots et inutiles, de relocaliser l'activité agro-alimentaire.
"Trop de marchandises transitent par camion en France", rappelait voici quelques jours Pascal Riché, directeur de la rédaction du Rue89 (1): "c'est polluant, cela émet des gaz à effet de serre, cela congestionne les routes. L'idée de l'écotaxe est de remédier à ces problèmes, en favorisant le fret ferroviaire, le fret fluvial et en favorisant, par de nouveaux investissements, une relocalisation de l'économie: est-il logique qu'un porc breton parte en Allemagne pour revenir sous forme de tranches de jambon dans les grandes surfaces? Ne serait-il pas plus malin d'investir localement dans la salaisonnerie?"
Défendant cet "impôt intelligent", Pascal Riché constate que "l'écotaxe doit conduire à une majoration moyenne de l'ordre de 4,1% du coût du transport. Pour un camembert, cela représente un centime".
Les Bretons allaient devoir payer des écotaxes "aménagées" en fonction de leur position excentrée. Mais c'était toujours trop pour le puissant secteur de l'agro-alimentaire.  "Avec cinq fois plus de cochons que de Bretons, conclut Pascal Riché, la région est bien avancée. Du porc bas de gamme, des poulets bas de gamme et des flots de lisier qui viennent polluer la nappe phréatique et bloquent le développement du tourisme: est-ce là le modèle de développement que désirent les Bretons?"
En attendant, ces Bretons ont eu raison, pour un temps ou pour longtemps, des écotaxes.

A ce jeu fort minable, personne n'est formidable. Sinon au sens étymologique du mot : "qui inspire ou est de nature à inspirer une grande crainte" (2). On éprouve effectivement une grande crainte pour la politique et l'environnement. Que nous disent les politiques de tous bords (les écologistes mis à part, du moins José Bové (3) et Noël Mamère (4))? Ne changeons surtout rien à nos pratiques et ne nous mettons personne à dos, les voix à gagner aux prochaines municipales le valent bien. Et allons donc tous dans le mur. Pas en chantant, mais en pleurnichant.

(1) www.rue89.com/2013/10/27/bretagne-pourquoi-hollande-doit-tenir-bon-lecotaxe-246971
(2) le petit Robert
(3) Journal de France Inter, 28 octobre 2013, 13h.
(4) Journal de France Inter, 29 octobre 2013, 13h.

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