vendredi 26 juin 2015

Heures sombres

Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, disait Léo Ferré. Le sont-ils plus à d'autre heures?
A Pouilly-en-Auxois, village bourguignon de 1600 habitants, un bâtiment qui abritait des gendarmes a été reconverti, depuis janvier, en centre d'accueil pour réfugiés (1). Ils sont soixante africains (soit 3,75% de la population) à y vivre. Ils n'ont causé aucun acte délinquant et "ça se passe très bien", constate une habitante qui avoue cependant avoir eu des appréhensions. L'épicière est plutôt contente, ça lui fait des clients en plus. Un homme, qui ne voudrait surtout pas qu'on le prenne pour un raciste, estime que "c'est injuste. On a tous des exemples de gens qui crèvent dans les campagnes et quand on voit ça à côté, c'est dégueulasse".  On a un peu de mal à le suivre: y a-t-il une échelle du dégueulasse? "Nous, on a très peur", dit une femme qui précise aussitôt: "enfin, moi, j'ai très peur. On a des enfants..." Peur de quoi?, lui demande la journaliste. "Ben, on ne sait jamais, il peut arriver n'importe quoi". La journaliste a beau essayer de l'apitoyer sur le sort de ces gens qui se noient en mer en tentant d'arriver en Europe, rien n'y fait. Au contraire: "ça ne me touche pas du tout. Faut carrément les renvoyer chez eux. Point final." C'est vrai, il pourrait arriver n'importe quoi, ces hommes pourraient tomber de Charybde en Scylla: fuyant la guerre, ils pourraient tomber sur une mégère au coin d'une rue.
Autre village, en Corse cette fois, où des enseignantes ont préparé une chanson avec les enfants pour la fête de fin d'année scolaire. Ils devaient interpréter Imagine de John Lennon en anglais, en français, en corse, en espagnol et en arabe. Des parents s'y sont opposés, insultant et menaçant les enseignantes: il ne peut être question que leurs enfants chantent en arabe, "la langue du terrorisme". De quoi le corse est-il la langue? Du nationalisme imbécile? La kermesse n'a pas eu lieu. (2)
A brotherhood of man / Imagine all the people / Sharing all the world. Il faut beaucoup d'imagination. Surtout au moment où on entend que l'Union européenne, qui fut un magnifique projet de solidarité a décidé qu'il n'y aura finalement pas de quotas d'accueil de migrants dans ses différents pays. C'est le volontariat qui est de mise. L'extrême droite fait beaucoup plus peur que les migrants. Donc, c'est elle qui gagne.
Imagine there's no countries / It isn't hard to do. Yes, it is.

(1) JT de France 2, 25 juin 2015, 20h.
(2) A voir et écouter: le billet, à ce sujet, de Sophia Aram:
http://www.franceinter.fr/video-le-billet-de-sophia-aram-prives-de-kermesse

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