lundi 4 avril 2016

Education, culture et bêtise

Les talibans, Boko Haram et les islamistes en général ne veulent pas que les filles aillent à l'école. Les filles éduquées deviennent des femmes incontrôlables. Alors que leur place est à la maison, elles entendent travailler à l'extérieur. Mais il y a bien pire: elle se mettent à réfléchir, à réclamer des droits, à se mêler de politique. Il y a de quoi se fâcher.
En 2009, le mollah Maulana Fazlullah et ses hommes ont interdit l'accès à l'école aux cinquante mille filles de la vallée de Swat au Pakistan. L'une d'elles était Malala. On connaît son histoire: devenue porte-parole des filles condamnées à l'ignorance, elle est, en 2012, violemment agressée sur le chemin de l'école par des talibans, échappe miraculeusement à la mort et devient la porte-voix internationale de toutes celles et tous ceux qui ne peuvent aller à l'école. (1)
Les filles ne sont pas les seules à se mettre en danger en voulant se former. Il y a tout juste un an, quelque 147 étudiants et étudiantes de l'université de Garissa, la seule du nord du Kenya, étaient assassinés par des islamistes Chabab. Depuis janvier, les cours y ont repris pour une poignée d'étudiants. La peur s'est installée. (2)
Au-delà des menaces, dans de trop nombreux pays encore, les écoles souffrent d'un manque de moyens: enseignants, bâtiments, livres, matériel.

Pour protester contre la loi travail du gouvernement Valls, des individus ont saccagé la bibliothèque de l'université de Caen. (3) On s'interroge: quel est le message? Les auteurs de cet acte incompréhensible veulent-il nous dire qu'ils entendent rester stupides? Demeurer crétins, mais avec un bon contrat de travail? Savent-ils que quand la ville de Tombouctou tomba en 2012, sous le contrôle du mouvement salafiste Ansar Dine et d'Al Qaida au Maghreb islamique des citoyens sont venus de tout le Mali pour, au péril de leur vie, mettre en lieu sûr les Manuscrits médiévaux de Tombouctou?

Une bibliothèque, c'est là qu'aurait dû se rendre cet élu FN d'Arcueil qui refuse que la ville consacre de l'argent à célébrer le cent-cinquantième anniversaire de son plus célébre citoyen: Erik Satie. Il le considère comme un "hypocrite", un "lâche", un "médiocre", un "illuminé" et refuse que "l'argent public serve à honorer un membre du Parti communiste alcoolique". Il ferait bien de s'intéresser à la créativité de ce compositeur de réputation internationale, lui a rétorqué le maire. S'il s'était rendu, avant cette intervention, dans une bibliothèque, cet élu d'extrême droite aurait pu y lire, dans sa "Correspondance presque complète" (5) cette lettre qu'Erik Satie avait adressée au compositeur Roland Manuel et qui aurait pu l'être à lui, élu ignare.
"Arcueil-Cachan, le 15 Mars 1919
Mon Cher Ami. Je ne vous en ai jamais voulu, croyez-le. Vous avez le droit de ne pas aimer Socrate qui est, en somme, une œuvre conçue en dehors de ce que vous affectionnez.
... Il est même naturel que cet ouvrage vous fasse rire, ou simplement sourire. Encore une fois, c'est votre droit, & cela ne me fâche nullement contre vous...
... Comment pourriez-vous, Mon Cher Roland, penser différemment? Du reste, ce contraste n'a rien de déplaisant, & sa sincérité est absolue:... Nous n'aimons pas le même potage... (...)
... La lutte sera bien rude, Mon Pauvre Vieux; & hélas! nous ne sommes pas dans le même camp. Je vous l'ai déjà écrit: Nous ne pouvons pas y être...
Pendant ce temps, le fossé se creuse, ... s'élargit... Vos amis ne sont pas les miens; les miens ne sont pas les vôtres... Alors? (...)"

On voit par là que si certains cultivent leur inculture, ils feraient bien non seulement de respecter les bibliothèques, mais aussi d'en user.

(1) "Malala, résistante à rude école", Télérama, 23 mars 2016.
(2) http://www.lemonde.fr/international/article/2016/04/02/a-l-universite-de-garissa-un-anniversaire-amer_4894366_3210.html
(3) http://www.liberation.fr/direct/element/luniversite-de-caen-porte-plainte-apres-des-degradations-en-marge-de-la-manif-contre-la-loi-travail_34268/
(4) http://www.erik-satie.com
(5) Fayard / Imec

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