mercredi 11 avril 2018

Il n'est point de pire sourd

Etre parlementaire, c'est, notamment, représenter ses électeurs et même, finalement, représenter les citoyens. Ou en tout cas certains d'entre eux. Quand on est dans la majorité, c'est aussi faire le lien entre le gouvernement et le terrain qu'on peut aussi appeler la base. Les élus sont censés faire remonter auprès des ministres et de leurs cabinets les attentes et opinions de leurs électeurs.
Il est cependant de bon ton d'affirmer que les élus ont perdu le lien - pour autant qu'il ait existé - avec la population. Ils vivent, dit-on, dans une tour d'ivoire qu'on appelle, selon les cas, Assemblée nationale, Chambre, Sénat, Parlement régional ou communautaire. Ils passent leur temps dans un entre-soi agréable, préservés de la fureur du monde et des difficultés du quotidien. D'ailleurs, ils forment une classe, la classe politique qui, comme chacun le sait (au Café du Commerce en particulier), est totalement coupée de la société civile.
Il y a quelques jours, un député de La République en Marche (LREM) a cru bien faire en allant à la rencontre de grévistes de la SNCF pour les entendre et s'entretenir avec eux. Mal lui en a pris. Sa démarche a été vue comme une provocation. Il n'y eut aucune place pour le dialogue, juste des huées d'une meute hurlante et vociférante (1).
Dans le même temps, un de ses collègues essayait de discuter avec les occupants de la fac de Tolbiac. Il ne reçut que projectiles et injures, notamment racistes, avant de se faire voler sa tablette (2).
Je me souviens de cet épisode que m'a raconté un ami, alors député wallon: comme d'autres élus, il est invité à se joindre à une manifestation organisée par un collectif de citoyens. Ceux-ci l'invitent à prendre place en tête du cortège. Il décline la proposition, considérant que ce sont les organisateurs et non les élus politiques qui doivent conduire cette manifestation populaire. Ses confrères n'ont pas ces scrupules et ouvrent la marche. Je me suis retrouvé, m'a-t-il expliqué, au cœur de la manif et j'ai été agressé et insulté de toutes parts, au nom de tous les autres, au nom de cette politique coupée du peuple. La prochaine fois, concluait-il, ou je marche en tête de manif, sans contact avec les manifestants, ou je n'y vais pas.
On peut reprocher bien des choses à nos élus et nos gouvernements, quels qu'ils soient. Aucun d'entre eux ne sera, quoi qu'il veuille et fasse, totalement en phase avec une illusoire opinion publique traversée de multiples contradictions et de points de vue opposés, mais cracher sur des élus qui ouvrent la porte au dialogue ne sert qu'à pouvoir continuer à marteler que cette maudite classe politique est décidément incapable d'écouter un peuple dont elle est totalement coupée. On voit par là qu'il est difficile d'appeler à la négociation tout en hurlant.

(1) Journal de 19h30, France 3, 9 avril 2018.
(2)  https://www.huffingtonpost.fr/2018/04/09/buon-tan-un-depute-lrem-agresse-par-des-occupants-de-la-fac-de-tolbiac_a_23406902/?utm_hp_ref=fr-homepage

1 commentaire:

Grégoire a dit…

Pour être complètement honnête, je ne crois pas qu'en tant que manifestant, dans le brouhaha qui généralise ce genre d'activité, j'aurais envie de dialoguer d'emblée avec le député qui se pointe à une manifestation organisée contre des décisions qui ont été prises par son propre parti. Je ne lui jetterai pas la pierre pour autant... Mais je trouverai sa démarche pas très logique et un peu méprisante. Je m'explique... Celle-ci pourrait sous-entendre que je ne serais peut-être pas assez intelligent pour comprendre que (s)ces choix politiques sont pour mon bien, et que j'ai tort d'exprimer une opinion car comme le disait Tatcher à propos de l'économie de marché :"il n'y a pas d'autres alternatives". Il serait venu pour essayer de mon convaincre, moi et quelques autres... Sinon pourquoi?
Quelle fut sa motivation pour aller dans un rassemblement où justement il n'est pas question de dialogue? On peut penser, comme Pierre Desproges, que quand les individus se multiplient, les intelligences se divisent, mais il faut bien reconnaître qu'en principe une manifestation est une démarche collective qui n'a qu'un seul but exprimer UN avis de manière collective. Rien d'autre. Si on n'est pas d'accord, on va dans la manifestation d'en face; il faut rester logique. Un député a très souvent un accès facile pour se répandre en arguments sur les plateaux tv, radios, journaux, magazines, alors que le cheminot n'a d'autre choix pour se faire entendre que la manifestation et la grève.
Il y a un peu moins d'un mois, L'Assembée Nationale a mis fin à un privilège très particulier qu'avaient les députés français : 18.000 euros de remboursement des frais d'obsèques (donc aux frais du contribuable, soit 573.000 euros en 2017). Evidemment, c'est plus facile de montrer du doigt les quelques rares "avantages" que peuvent avoir tel ou tel foncionnaires pour monter les Français les uns contre les autres en misant sur la jalousie (diviser pour mieux régner, selon l'adage) que d'oser remettre en question l'un ou l'autre avantages liés aux mandats politiques, et qu'on tait.
L'ancien premier ministre belge, E. Di Rupo, et maire d'une grande ville de presque 260.000 habitants, président du PS francophone, et a décidé, à 67 ans qu'il devait savoir comment vivaient ses concitoyens. Pour cela, il va jouer au postier, au pompier, au prof... pour connaître la vraie pénibilité des vraies gens. On ne doit même plus se fatiguer à prouver que les politiques sont coupés de la société civile puisqu'ils le démontrent eux-mêmes...
J'ai déjà évoqué Philippe PASCOT. Si je n'ai lu aucun de ses livres (n'étant pas Français, je ne me sens pas assez concerné), je l'ai pas mal écouté et, chiffres (en autres) à l'appui de sa part, on finit par en conclure qu'effectivement on a affaire à une caste qui s'octroie des privilèges, et que plus on monte dans la hiérarchie politique, moins c'est désintéressé. J'aimerais terminer (même si j'ai encore envie d'écrire...) par une citation de Beaumarchais, dans le Mariage de Figaro : "Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête..."