dimanche 8 avril 2018

Cinq minutes de courage politique

Ils se sont choisi un nom simple, qu'ils estiment rassembleur. Leur parti s'appelle tout simplement Islam. Et ils se disent prêts à présenter des listes dans 28 communes en Wallonie et à Bruxelles aux élections communales d'octobre. Ils veulent faire de la Belgique un état islamique et y appliquer la charia. Mais qu'on se rassure: ils sont bien sûr démocrates. La preuve, c'est qu'ils acceptent des femmes sur leurs listes. Mais pas en tête de liste, la démocratie est plaisante mais il ne faudrait quand même pas la laisser glisser vers de telles dérives. "Ce que l'on prône, explique un de ses fondateurs, c'est qu'il y ait d'office un homme qui soit positionné en tête de liste. Un homme vrai, courageux. (...) L'homme devant, la femme derrière, et comme ça elle se sent en sécurité." (1) Il propose les mêmes places dans les transport en commun: les hommes devant, les femmes derrière. Une question de sécurité toujours. Et de bon sens, dit-il.
On peut se demander ce qu'est "un homme vrai, courageux". L'écrivain algérien Boualem Sansal a des réponses: chez les islamistes, "la rigidité, le formalisme, le refus de la négociation et du compromis sont vus comme des valeurs viriles donc positives par définition, alors que la souplesse, le pragmatisme et la composition sont des valeurs négatives, propres aux femmes" (2).
On peut imaginer que les femmes élues sur ces listes, ces femmes de l'arrière, se poseront comme les représentantes des femmes au foyer, des mères, des bonnes épouses. Que, si certaines d'entre elles devaient être élues au niveau fédéral, elles se battraient pour repénaliser l''avortement, pour ne plus obliger les filles à aller à l'école, pour obliger les femmes à se voiler. Mais peut-être ne devront-elles même pas perdre leur temps à tirer la société en arrière: le grand avantage de la charia, c'est qu'on n'a plus besoin de parlement. Les lois ont été écrites une fois pour toutes. Plus besoin de juges et de tribunaux non plus, les imams rendront leurs sentences. La charia, c'est une sacrée économie pour un Etat.

Ce parti a donc choisi de s'appeler Islam, mais aurait dû, plus pertinnement, s'appeler Islamisme. C'est à une récupération politique des musulmans qu'on assiste. Le parti entend les représenter tous, dans sa volonté de renforcer le communautarisme.
Pour l'instant, à ma connaissance, seuls des partis de droite (NVA, VLD, MR) ont protesté contre ce parti et ses positions antidémocratiques. Richard Miller, député réformateur, veut même interdire ce parti dont le projet "va à l'encontre de nos libertés et des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution" (3). A gauche (ça devient une habitude sur les questions d'islamisme), on n'entend qu'un silence gêné. Ce serait bien que - enfin - les partis de gauche osent aussi dire non, osent rappeler qu'il y a des règles à la démocratie, que les droits de l'homme - et plus encore de la femme - doivent être respectés. Qu'ils cessent de se taire par crainte de perdre des électeurs, qu'ils cessent, par leur silence, de jeter des électeurs dans les bras de l'extrême droite. Ce serait bien aussi que les musulmans démocrates s'opposent à cette dérive totalitaire de leur religion.

Post-scriptum: à lire à ce sujet, l'opinion d'Etienne Dujardin:
http://www.lalibre.be/debats/opinions/ignorer-l-islamisme-ou-le-parti-islam-ce-n-est-pas-la-solution-opinion-5acb1adccd702f0c1aca7e6b

(1) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/communales-une-femme-ne-peut-pas-etre-tete-de-liste-selon-le-fondateur-du-parti-islam-5ac71f9bcd702f0c1abcc741
(2) Boualem Sansal, "Gouverner au nom d'Allah - Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe", Gallimard, 2013.
(3) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/richard-miller-mr-veut-interdire-le-parti-islam-5ac89a3bcd702f0c1ac20354
http://www.levif.be/actualite/belgique/le-parti-islam-croit-en-l-avenir-islamiste-de-bruxelles-maingain-veut-le-faire-interdire/article-normal-823059.html
http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/vives-reactions-du-monde-politique-flamand-au-programme-du-parti-islam-5ac7bce4cd709bfa6b37b88b
http://www.lesoir.be/149912/article/2018-04-07/zuhal-demir-n-va-le-parti-islam-nest-que-la-partie-emergee-de-liceberg

6 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Sur ce sujet, je partage totalement l'avis de Zuhal Demir (citée en note) : « On peut continuer à nier le signal d’alarme, commence-t-elle. J’entends déjà les voix de ceux qui vont relativiser leurs propositions et qui ne les trouveront pas si graves. Le parti Islam est le sommet de l’iceberg, sa partie émergée. Mais la base, c’est l’iceberg en dessous de la surface de l’eau. Et on la laisse intacte dans le débat public et le monde politique. »

Sur cette problématique, une (très) bonne partie de la gauche a perdu sa crédibilité. On en voit les conséquences dans toute l'Europe.

Philippe Dutilleul a dit…

Ce commentaire de BdB ne m'étonne pas.... Pas plus, mon cher Michel, que ta nouvelle diatribe contre l'islam. Je ne partage évidemment rien de ce parti "Islam" mais toute cette polémique publique lui fait de la publicité et l'interdire serait le "victimiser" et contrairement à ce que pense BdB renforcerait "la partie immergée" des islamistes radicaux et plus encore élargira leur base.... Je me rappelle d'un slogan de 68 , "il est interdit d'interdire". Une bataille politique et idéologique ne se gagne jamais par la censure et la répression. Laissons les mariner et s'isoler dans leur imbécillité sans limite. Bien à toi. Ph. Dut.

Michel GUILBERT a dit…

Ben..., Philippe, je suis assez d'accord avec cette parlementaire, même si elle est NVA. Oui, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il faut sortir de la cécité. Je donne des cours de français chaque semaine notamment à des candidats réfugiés afghans. Ils n'ont aucune envie de rentrer chez eux, vu le danger taliban, donc islamiste. Ils connaissent sa violence et sa perversion extrêmes.
Ce qui m'étonne, et surtout m'inquiète, c'est cette "naïveté" de gens de gauche qui crachent, avec raison, sur l'extrême droite classique, mais pensent qu'il ne faut pas s'inquiéter du totalitarisme islamiste, qu'il va fondre comme neige au soleil. Qui, donc, se voilent la face par rapport à ce qui passe et dans les pays gangrénés par ce cancer et dans nos pays où de plus en plus de jeunes rejettent des théories scientifiques, veulent imposer la séparation hommes-femmes, imposer le voile, quand ils ne basculent pas dans le djihadisme.
Depuis combien de temps (quinze ans, voire plus?) l'islam politique s'étend-il? Il y a une quinzaine d'années, j'avais des échanges, par mél, un peu vifs parfois, avec un Tournaisien "de gauche" qui me reprochait mes positions, allant jusqu'à me traiter de rexiste, convaincu qu'il était que l'islamisme ne serait que feu de paille. On sait depuis ce qu'il a pu faire comme victimes chez nous et plus encore dans les pays musulmans.
De nombreux analystes et observateurs l'affirment: l'islamisme ne va pas disparaître en quelques années. Il en faudra des dizaines. C'est à un mouvement de fond que nous assistons, difficilement contrôlable, qui tétanise la gauche (une "bonne" partie) et les musulmans démocrates.
Ta réaction illustre bien combien ces individus ont réussi à pervertir le débat: tu parles de ma diatribe contre l'islam. Contre "Islam" (le parti)? Oui. Ou contre l'islam (la religion)? Ce n'est pas le cas (même si je n'ai de sympathie pour aucune religion, par essence colonisatrice). Ces gens-là ont réussi avec le nom de ce parti à empêcher tout débat. Et ce débat est urgent!
Il faut lire Sifaoui, Kepel, Djavann, Sansal et beaucoup d'autres. Le totalitarisme islamique n'est pas qu'un danger. C'est une réalité. Il faut rappeler les règles de la démocratie et les faire respecter.

Philippe Dutilleul a dit…

OK pour le débat, Michel, mais par essence il est complexe. Interdire ce parti débile n'est à mon humble avis pas la solution pour combattre l'islamisme radical qui est en effet une plaie pour l'humanité. J'ajoute pour élargir le prisme que les dictateurs et autres autocrates se servent de la religion (et de ses institutions) pour asservir leur peuple et renforcer leur pouvoir. Voir la Russie de Poutine , la Turquie d'Erdogan et même le dictateur militaire en Egypte fraîchement réélu... Trois exemples parmi d'autres.

Michel GUILBERT a dit…

On interdit ou, en tout cas, on condamne les partis racistes, antisémites, sexistes, homophobes. On peut toujours essayer de le faire avec celui-ci. Mais, tu as raison, ça ne suffira pas à enrayer l'islamisme. L'éducation et la culture (notamment) doivent permettre de lutter contre ce fléau. Il y a urgence! Vient de paraître aux PUF "La Tentation radicale - Enquête auprès des lycéens", sous la direction des sociologues Anne Muxel et Olivier Galland. L'enquête a été réalisée auprès de 7000 lycéens dans divers coins de France, 25% se déclarent musulmans, 25% chrétiens et 40% athées. Les opinions relevées sont assez effrayantes: "81% des musulmans et 27% des chrétiens pensent que c'est la religion plutôt que la science qui a raison sur la question de la création du monde" et "20% des musulmans jugent acceptable dans certains cas, dans la société actuelle, de combattre les armes à la main pour sa religion". Et 80% des jeunes interrogés, athées compris, considèrent qu'on n'a pas le droit de critiquer une religion.
(Charlie Hebdo de ce mercredi 11 avril). Effrayant. Sur la même page de Charlie, on lit le témoignage d'un instituteur qui constate que des élèves de CM1 et CM2 ont un bon niveau, sauf en histoire et en sciences. La raison: "à l'école du week-end, celle de la mosquée, on leur demande de ne plus apprendre les leçons dans ces matières". On nous prépare des générations de crétins. On ne peut le laisser faire!

Bernard De Backer a dit…

Réduire la question de l'islamisme politique, incarné ici par le petit parti Islam, à « une imbécillité sans limite » me semble un peu léger pour qualifier un phénomène aussi massif (et qui touche surtout le monde musulman, comme chacun sait).

Le parti Islam (fondé par des chiites) est une manifestation de l'islamisme parmi beaucoup d'autres. On verra ce que donneront les élections communales, même si les élections ne sont pas la seule manifestion du phénomène.

Zuhal Demir (et d'autres femmes d'origine musulmane qui militent à droite), dont les racines sont kurdes, me fait un peu penser à la « Fatima Dewinter » (pseudo) décrite par la journaliste flamande d'origine marocaine Hind Fraihi dans son livre « En immersion à Molenbeek » (2006 pour l’édition originale en flamand). Fatima est une Marocaine d'une soixantaine d'années établie dans le Waasland. Elle raconte à la journaliste qu'elle a voté pour le Vlaamse Blok car « c'est le seul parti qui soit en faveur de l'expulsion des musulmans fanatiques ». Voir son histoire pp. 215 et suivantes de ce livre éclairant.

Cela fait penser à ces jeunes originaires de pays musulmans et qui rejettent leur religion d’origine. Accusé d’apostasie et menacés de mort (physique ou sociale), ils se réfugient en Europe (quand ils y arrivent) et se voient accusés « d’islamophobie » par des officines de gauche. Mais ils sont accueillis à bras ouverts par la droite et l’extrême droite.

Ce constat ne siginfie évidemment pas que je sois un partisan de ces derniers partis, mais ces histoires sont significatives de l’aveuglement de la gauche sur ces questions.

Pour développer la question de fond de l'origine de l'islamisme politique, ce timbre poste est trop petit ! En cliquant sur mon nom, on accède à un article que j’ai écrit sur le sujet en 2001 pour la revue Imagine. Je n’ai pas changé d’analyse. Pour la petite histoire, j’ai très bien connu Jean Michot, converti à l’islam sous le nom de Yahya Michot.