mercredi 9 janvier 2019

Je cherche un homme *

Qui dira enfin quelque chose d'intelligent, de rassembleur, de distancié dans la fureur et la confusion actuelles?
Longtemps, la politique française a fasciné les Belges. Les discours y apparaissaient de haut vol. Est-ce encore le cas aujourd'hui où ils font du rase-mottes? La démagogie et les analyses simplistes dominent une France où les Gilets jaunes et leurs positions carrées et autocentrées prennent toute la place. L'hystérie domine. Il n'y a plus place pour des débats calmes, plus de recul, de regard critique. Une vision manichéenne prévaut: on est pour ou contre les G.J., pour ou contre les flics, pour ou contre le président. Un boxeur est transformé en héros. Un camionneur inculte sur le plan politique devient porte-parole et martyre. Les réseaux dits sociaux résonnent d'appels à la haine.
On voit tous autour de nous des personnes qu'on a toujours connues comme pacifistes, comme critiques, qui semblent avoir perdu tout sens de la mesure, éructent, soutiennent les violences, les encouragent. Certaines nous apparaissent pathétiques, d'autres effrayantes.
Ce mouvement né sur Internet est en phase avec la rhétorique qui y est utilisée. La violence s'y exprime sans complexe, tout comme le simplisme, l'absence de nuance. Nous voilà dans l'ère des yakistes. Ceux qui pratiquent le yaka. Y a qu'à baisser les taxes. Y a qu'à réinvestir dans les services publics. Y a qu'à faire tomber le président. Y a qu'à dégrader les radars et brûler des voitures. Y a qu'à entrer à l'Elysée. Y a qu'à diminuer les revenus des élus et des hauts fonctionnaires. Y a qu'à instaurer le RIC.
C'est logiquement que le référendum d'inititiative citoyenne est plébiscité par les G.J. Il leur apparaît comme LA solution au manque de démocratie (voir billet précédent "Une fausse bonne idée"). Il  correspond à l'époque actuelle: priorité à l'émotion et à l'immédiateté, pas à la réflexion.
De l'intelligence, de l'intelligence, de l'intelligence! Si ce n'est pas trop demander.

L'opposition n'apporte rien à cette criante absence de vrai débat, aucun plan de sortie de crise, aucune idée fédératrice. Elle se contente de jeter de l'huile sur le feu. On attend en vain un projet visionnaire, mobilisateur. On n'entend que des pyromanes. Un pyromane a-t-il d'autre projet que de voir le feu flamber? Tant le RN/FN que la France Insoumise (insoumise à quoi? à l'intelligence?) n'exprime rien d'autre que leur espoir de faire tomber le calife pour prendre sa place. Deux partis menés par des professionnels de la politique, qui ont toujours vécu de leurs mandats successifs et tous deux pointés pour leur absentéisme au Parlement européen quand ils étaient censés y siéger. Des profiteurs du "système" qu'ils dénoncent et qui se sont transformés en donneurs de leçons.
Personne n'ose se montrer un tant soit peu critique vis-à-vis des G.J. De peur de se faire aussitôt injurier, si pas menacer de mort (1). Les médias, globalement, se rangent de leur côté, oubliant de jouer leur rôle critique. Le peuple a toujours raison. Et des journalistes, telle la rédactrice en chef de Télérama, de sommer les artistes de soutenir les G.J.
Interpellée, Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil, lui a répondu: "Pour une fois, je trouve que le silence des artistes est sage. Devant un phénomène aussi complexe, aussi difficile à analyser, avec un mélange des genres tel, je pense que nous les artistes, nous dirions beaucoup, beaucoup de bêtises.  (...) Je veux comprendre jusqu'où la démocratie peut être mise en danger. Quand on refuse toute représentativité, y compris de leur côté, moi, j'ai besoin de réfléchir, parce que ça peut mener à un désastre.  (...) Je ne veux pas parler sans bien comprendre ce qu'il peut advenir de beau et de positif pour la France et l'Europe - parce que moi, c'est l'Europe que je sens menacée - de ce mouvement. Il peut arriver le meilleur, il peut aussi arriver le pire. Donc, je me méfie." (2)

Au-delà de ce silence éloquent, on n'entend aucune grande voix, des domaines politique, social, culturel, économique ou philosophique, qui indiquerait une voie, ouvrirait des horizons, essaierait (au moins) de faire baisser cette tension excessive. Comment restaurer un dialogue en cette France déchirée? Quel idéal de société prôner pour rassembler les Français? Comment sortir du tout tout de suite? Comment avancer ensemble? Comment arriver à se parler?
Et pendant ce temps, la planète ne cesse de se réchauffer, la biodiversité de s'effondrer un peu plus chaque jour.
Y a quelqu'un?

* ou une femme, bien sûr.
(1) https://www.huffingtonpost.fr/2019/01/07/le-dessinateur-alex-porte-plainte-apres-des-menaces-de-mort_a_23635732/?utm_hp_ref=fr-homepage
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/01/09/retour-sur-les-actes-d-intimidations-visant-les-deputes-lrm_5406983_823448.html
(2) https://www.telerama.fr/scenes/theatre-en-tete-a-tete-avec-la-passionnante-ariane-mnouchkine,n5934265.php
A lire:
https://www.nouvelobs.com/edito/20190108.OBS8134/gilets-jaunes-la-coupable-complaisance-face-aux-violences.html

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Je ne vois pour le moment aucune intelligence parvenir à se faire entendre au milieu de ce sidérant déferlement de violence et d'immaturité.