vendredi 18 janvier 2019

Sobriété

Les Gilets jaunes exigent une amélioration du pouvoir d'achat. Qui ne le souhaiterait? Mais pour acheter quoi?
Bien sûr, il y a trop de familles dans le besoin, trop d'isolés qui ne s'en sortent pas, trop de gens pour qui les fins de mois tombent le 15. Mais il y a aussi des besoins nouveaux qui nous coûtent cher.
"Il a vraiment augmenté le pouvoir d'achat? Non, peut-être" (1). Ainsi l'économiste belge Philippe Defeyt, de l'Institut pour un Développement durable, titre-t-il une note du 6 janvier dernier. Dans laquelle il constate que la consommation a, elle en tout cas, "augmenté qualitativement et quantitativement" depuis le début du siècle.
Il constate que le nombre de voyages en avion pour des vacances d'au moins quatre jours a doublé de 2000 à 2017. Dans le même temps, le parc automobile a augmenté de 20% et le nombre moyen de véhicules par ménage de 15%. La mobilité routière en voiture a progressé de 16% (alors que la distance moyenne parcourue par habitant est revenue à son niveau de 2000). Le pourcentage de ménages propriétaires d'au moins un téléphone mobile est passé de 45 à 98%. La proportion de ménages équipés d'un lave-vaisselle est passé de 41 à 62%. Les exemples se suivent et montrent que si nous avons parfois des fins de mois difficiles c'est aussi parce que nous dépensons plus. Nos frais en communication (Internet, appareils divers, abonnements aux différentes formes de télé, etc.), nos déplacements, y compris pour nos loisirs, notre équipement en appareils électroménagers ont fortement progressé, parce que nous avons rendu toutes ces dépenses indispensables dans nos vies.

Certains voudraient voir une similitude entre le mouvement des Gilets jaunes et celui de mai '68. Ils se trompent sur bien des points. Mai '68 dénonçait notamment la société de consommation. Novembre '18 indique plutôt une volonté de consommer plus.
Le grand débat qui débute en France devrait être l'occasion de repenser les taxes en même temps que notre consommation. On peut effectivement imaginer de taxer moins les produits de première nécessité, pour autant qu'ils répondent aux critères des circuits courts et d'une alimentation de qualité, respectueuse, dans ses modes de production, de l'environnement.
Et on peut donc, à l'inverse, envisager de taxer plus les produits qui ne répondent pas à ces critères, de taxer plus les produits de luxe, les produits polluants, de taxer les marchandises aux kilomètres parcourus. De taxer - enfin! - le kérosène, les billets d'avion, les voyages en navires de croisière.
Pour cela, il est indispensable de modifier les règles internationales, de quitter le principe de la libre concurrence entre les produits. Ils ne se valent pas tous, ils n'occasionnent pas tous les mêmes dégâts à la planète. Pour cela, il nous faut plus d'Europe, certainement pas moins. Pour cela, nous avons à lutter contre cette publicité qui pollue nos écrans, nos esprits et nos portefeuilles. Pour cela, il nous  faut accepter de consommer moins, avoir envie d'être plus sobres.

Post-scriptum:
https://plus.lesoir.be/201499/article/2019-01-19/le-kroll-du-jour-sur-le-salon-de-lauto
"j'étais peut-être un bourgeois moi aussi mais je n'étais pas écoresponsable, je roulais en 4x4 diesel - je n'aurais peut-être pas fait grand-chose de bien dans ma vie, mais au moins j'aurais contribué à détruire la planète",
"c'est un petit être impulsif le consommateur, bien plus impulsif que le bœuf",
Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.

(1) "Non, peut-être" est la manière bruxelloise (et tellement belge) de dire "oui, bien sûr". 


4 commentaires:

Grégoire a dit…

Bonjour et meilleurs voeux pour une année 2019 pleine de santé et de sérénité et longue vie à ce blog.
Que le nombre de voyages en avion augmente, pas étonnant quand on voit les bas prix de certains billets, et qu'on les compare avec le prix de locations en France ou en Belgique. Que le nombre de voitures augmente, pas étonnant, puisque les transports en commun sont de moins en moins présents. Et puis parfois, il n'y pas pas de choix. Après avoir habité 25 ans à trois kilomètre du plus proche arrêt de bus (chez mes parents), je suis dans une rue où il y en a un devant chez moi depuis quelques années (ce ne fut pas toujours le cas pendant 15 ans), mais les hoaraires ne me sont pas favorables et je ne termine jamais aux mêmes heures. Que le nombre de téléphones mobiles ait augmenté, pas étonnant, puisque celui des cabines publiques a chuté (en est-ce la cause ou la conséquence?) et celui des téléphones fixes également (c'est le cas de mes parents : un mobile pour ma mère qui bouge pas mal et un autre téléphone mobile qui reste à demeure et qui remplace l'ancien fixe). Qu'internet soit de plus en plus présent, pas étonnant, puisque, à titre d'exemple, en 3 ans, 1 agence bancaire sur 5 a fermé en Belgique. C'est une moyenne. Depuis l'année dernière, des cinq agences de ma banque les plus proches, deux ont fermé. On nous pousse à faire de plus en plus de choses sur internet... mais les prix des services ne baissent pas pour autant. La consommation en général ne peut qu'augmenter car la population ne cesse d'augmenter. On a régulièrement entendu parler du montant des bas salaires en France ces dernières semaines. Devoir payer un loyer, etc. travailler et ne gagner que 1100 ou 1200 euros par mois, c'est à la limite de l'esclavagisme. Certains ne vivent plus, ils survivent.
Je ne crois pas que ce ne soit qu'une volonté de consommer plus, mais de pouvoir consommer tout court, tout simplement. D'autres économistes répondraient à Philippe Defeyt, qui fait partie d'un institut ayant un but précis, et donc finalement, pas très neutre, que si on diminue la consommation, on risque la déflation, moins d'échanges commerciaux, de produits fabriqués, d'ouvriers pour les faire, d'où augmentation du chômage... et crise comme en 29. Il y a 8,8 millions de personnes touchées par la pauvreté en France, ce qui fait quand même 14 % de la population. Je n'ai pas de lave-vaisselle et cela fait vingt ans que cette corvée et pour mon épouse est moi-même une occasion de passer un moment ensemble pour discuter (heureusement, on n'a pas que celui-là...). Face à un président d'une république dont la dévise est "Lberté, égalité ET fraternité" qui ne cessent de rendre les pauvres responables de leur sort, Florent Guéguen, directeur général d'une fédération qui regroupe les associations de lutte contre la pauvreté dit ceci : "Quand on touche 550 euros de RSA, et qu’il faut vivre tout le mois avec cette somme modique, on développe une stratégie de survie qui amène à gérer son budget au plus juste. A l’euro près. Les dépenses ciblent à l’extrême l’indispensable : le logement et l’alimentation. Il n’y a aucune marge. Les responsables politiques qui vont déclarer sur les plateaux télé que les démunis gèrent mal leur argent méconnaissent totalement la vie quotidienne des pauvres et l’expertise qu’ils ont acquise pour vivre avec très peu. Ce dont nous serions bien incapables.". Et si les gilets jaunes sont parfois violents, c'est qu'ils se retrouvent devant un pouvoir qui leur fait comprendre : "Cause toujours..."

Anonyme a dit…

Bonne année aussi, dans un monde plus apaisé et plus solidaire!
On a tous de bonnes raisons évidemment d'être aussi consommateurs et je ne blâme personne. Mais je crois vraiment que si on veut que l"humanité survive elle a tout intérêt à devenir plus sobre.
Ceci dit, je ne connais pas d'économiste neutre.
Enfin, même si j'admets qu'on puisse râler de ne pas être entendu (mais entendu sur quoi? les revendications restent floues et mouvantes et les attitudes contradictoires), la violence, pour moi, ne sera jamais excusable. Même si je me rends compte qu'elle est "à la mode".

Michel GUILBERT a dit…

Le deuxième commentaire est de moi. Je n'ai pas compris pourquoi il n'est pas signé automatiquement.
Michel Guilbert

Didier L. a dit…

Lu sur le site du Grand débat national : "Il faut relancer la centrale thermique de Gardanne avec du charbon propre américain." La voilà, la solution : le charbon propre ! Fallait y penser.