vendredi 3 mai 2019

Larmes de crocodile

Vous perdez votre mère, il la pleure avec vous. Il est des élus - et surtout des candidats (tout élu est en général d'abord un candidat - élu il est, élu il entend rester) - très empathiques. Ils vivent dans la compassion. Vous perdez un membre de votre famille et vous vous rendez compte dès le lendemain que l'élu vous est proche à un point que vous ne pouviez imaginer. Il pleure toutes les larmes de son corps. ll vous l'écrit. "Je me sens proche de vous et des vôtres dans les heures pénibles que vous traversez", assure-t-il, parlant d'un "deuil cruel". Il vous assure que "au bout de la mort, il n'y a pas la mort, mais la vie", que "au bout du désespoir, il n'y a pas le désespoir, mais l'espérance". Il vous fait entrevoir un au-delà. Il vous met la main sur l'épaule, vous prend par la main, sèche vos larmes. Il est le réconfort fait homme.
Le député-bourgmestre Daniel Senesael, puisque c'est de lui qu'il s'agit ici, est capable d'envoyer la même lettre à six frères et sœurs pour leur témoigner son soutien.
On voit par là que le travail de certains assistants parlementaires doit être passionnant: éplucher les annonces nécrologiques, rechercher les adresses des proches du défunt (avec l'aide sans doute d'un employé communal) et leur envoyer au nom du député une lettre de condoléances, toujours la même, dégoulinant de compassion.
Daniel Senesael, qui n'a jamais craint le ridicule s'il peut lui faire gagner ne serait-ce qu'une voix (1), a un jour publié son autobiographie. Il l'a intitulée "Les goût des gens". Il aurait pu l'appeler "Le goût des électeurs".

(1) (Re)lire sur ce blog:
- "Astérix chez les ploucs", 7.1.2013;
- "Démonstration et discrétion", 1.6.2013.


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