dimanche 6 octobre 2019

Immigration: un autre regard

Juste avant que l'Assemblée nationale ne commence à débattre de l'immigration, le magazine de France Inter "On n'arrête pas l'éco" s'est saisi de la question ce samedi (1)  et, ce faisant, a remis les pendules à l'heure pour réfuter la thèse de l'invasion de la France par les immigrés. Alexandra Bensaïd recevait Christian Chavagneux, économiste et journaliste au magazine Alternatives Economiques, et Emmanuel Lechypre, économiste et journaliste notamment à l'Expansion.

De qui parle-t-on quand on parle d'immigrés? De personnes nées à l'étranger et qui vivent en France, même si elles ont reçu la nationalité française. Des sondages indiquent que les Français pensent que les immigrés seraient 27 millions, alors qu'ils ne sont que 6,5 millions, dont 2,5 millions ont la nationalité  française. Ils représentent ainsi 9,7% de la population française. Un chiffre en augmentation ces derniers temps, due essentiellement aux étudiants qui, dans leur grande majorité, rentrent ensuite dans leur pays. Ces 6,5 millions sont constitués d'un tiers d'Européens, de 30% de Nord-Africains, de 17% d'Africains subsahariens, le reste étant essentiellement constitué d'Asiatiques (dont une majorité de Chinois).
La France accueille proportionnellement moins d'immigrés que la plupart des autres pays européens.
Trois fois moins que l'Allemagne, deux fois moins que la moyenne de l'OCDE. Les personnes qui quittent leur pays ne sont pas, loin s'en faut, majoritairement attirés par la France. L'Allemagne est de loin plus atttractive.

Les immigrés ont un niveau d'éducation supérieur à la moyenne de la population française. Ils sont essentiellement concentrés dans les grands centres urbains. Ils vont là où il y a du travail. Et ne sont donc pas concurrents par rapport aux Français qui cherchent du travail.
Les immigrés non qualifiés ne constituent que moins d'1% de la population française.
Sur 6,5 millions d'immigrés, on estime qu'il y a au maximum 400.000 sans papier.

Une idée simpliste et assez répandue veut que quantité d'immigrés viennent en France pour bénéficier des largesses de la Sécurité sociale. Les économistes rappellent que le parcours administratif pour les immigrés est très long et très compliqué, bien plus que pour les Français. Il faut cinq ans de séjour régulier en France pour pouvoir toucher le RSA, le revenu de solidarité active. Il en faut dix pour avoir droit au minimum vieillesse. L'Aide médicale d'Etat - qui a suscité ces derniers temps bien des délires - est réservée aux immigrés en situation irrégulière et a été mise en place pour éviter les contaminations. Elle ne s'obtient que sur dossier et pour un an seulement et le bénéficiaire n'est remboursé qu'au tarif de la Sécurité sociale.

La contribution des immigrés à la protection sociale en France est positive: un arrêt de l'immigration coûterait deux points de P.I.B. à l'horizon des cinquante prochaines années, soit 40 milliards de moins par an pour la sécu. En 2100, ce serait le double. Parce que les immigrés cotisent comme tout le monde et souvent rentrent dans leur pays à la retraite, sans la toucher alors qu'ils ont cotisé.
Toutes les études indiquent qu'ils ne tirent pas les salaires vers le bas, ne prennent pas les postes des immigrés arrivés avant eux, et dépensent quasiment l'intégralité de ce qu'ils gagnent. L'effet est donc positif sur la consommation et la croissance. L'immigration est ainsi un apport pour l'économie française.

L'immigration économique stagne à un niveau faible. En 2017, elle représentait 1% des nouveaux entrants. On est donc loin des grandes vagues de recrutement des Trente glorieuses. Les immigrés sont principalement engagés dans les professions en déclin et les professions en demande: saisonniers, secteurs du bâtiment, de la santé, etc.
Le démographe Hervé Le Bras rappelle que l'économie a toujours eu besoin des immigrés, essentiellement pour des postes non remplis par des Français parce qu'ils impliquent des taches plus risquées ou plus difficiles. Les patrons et entrepreneurs, pourtant souvent de droite, ont toujours été favorables à l'ouverture des frontières. 

L'immigration ne représente pas un problème macroéconomique, le marché du travail étant extensible, mais un problème d'intégration et d'inclusion. La peur de l'immigré se constate principalement dans des régions où il y a peu ou pas d'immigrés.
C'est sur ces aspects-là, intégration, inclusion et pédagogie que devrait se pencher le débat parlementaire si'il veut avoir du sens.

(1) https://www.franceinter.fr/emissions/on-n-arrete-pas-l-eco, émission du 5.10.2019.

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