lundi 29 novembre 2021

Le wokisme, loin des Lumières

Quand s'éveillent les woke ? Quand il fait noir ? A force de vouloir à toute force pratiquer l'inclusion et le respect de chacun, ils tombent dans la bêtise la plus abjecte. Leur crainte de choquer qui que ce soit les fait basculer dans l'obscurantisme. Des exemples de bêtise woke, on en a déjà en pagaille (1). En voici d'autres. Le pire est toujours possible. 

Brown Sugar, un des grands titres des Rolling Stones, a été retiré du répertoire de leur tournée actuelle, No Filter. Cette chanson de 1971 "qui dénonce le racisme, l'esclavagisme et les abus sexuels des planteurs britanniques dans les Caraïbes" (2) est considérée par les woke comme "sexiste et constituant une offense aux femmes noires". On engage professeur capable d'apprendre aux mal réveillés à analyser un texte.
Au Texas, une nouvelle loi sur l'éducation oblige désormais les profs à "présenter ou respecter tout point de vue différent et se montrer sans parti pris" (3). Exemple pris par le fonctionnaire en charge de la réforme: l'Holocauste. Il faut donc comprendre que les négationnistes ont les mêmes droits que les historiens ou les victimes et que leur voix doit être entendue comme une autre.
A Toronto, on pense comme au Texas. La rencontre prévue, en février prochain, entre Nadia Murad et des étudiants de la ville a été annulée. La prix Nobel de la paix 2018, victime de l'islamisme, est accusée de « favoriser l’islamophobie ». Nadia Murad est une miraculée. " Réduite à l’état d’esclave sexuelle par les djihadistes de l’état islamique avant de réussir à s’enfuir en Allemagne, elle est, rappelle Franc-Tireur (4), un témoin majeur d’un génocide contemporain paradoxalement mal connu : celui des Yézidis. Minorité du Kurdistan irakien qui pratique une des plus anciennes religions monothéistes, les Yézidis sont haïs des islamistes, qui les surnomment les adorateurs du Diable. Les six frères de Nadia Murad ont été tués en 2014 lors de l’assaut des djihadistes à Sinjar, bastion des Yézidis. C’était le sort réservé aux hommes. Nadia Murad, elle, a été achetée, battue et violée à plusieurs reprises. C’était le sort réservé aux survivantes." Militante des droits de l'homme, elle est, depuis 2016, ambassadrice de bonne volonté de l'Organisation des Nations unies pour la dignité des victimes de la traite des êtres humains. Elle a reçu le prix Nobel de la Paix 2018, en même temps que Denis Mukwege, pour leurs efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre. Mais voilà que pour Helen Fisher, surintendante et membre de la direction du Conseil scolaire du district de Toronto (600 écoles et 250 000 étudiants), la victime est coupable. "Le Conseil scolaire se vante d’être parmi les plus inclusifs au monde, dans une des villes les plus multiculturalistes de la planète." Dès lors, Helen Fischer a fait interdire la rencontre prévue entre les étudiants et Nadia Murad autour de son livre "Pour que je sois la dernière". La sélection des lectures se doit d’être « équitable », rappelle-t-elle. Et voilà Nadia Murad accusée de « favoriser l’islamophobie » dans son livre. "Ah, si seulement les rescapés de crimes contre l’humanité pouvaient cesser de témoigner…, écrit Franc-Tireur. Islamistes, censeurs, paresseux et trouillards pourraient enfin dormir en paix." Et l'école pourrait se contenter de faire lire aux élèves les aventures des Bisounours. 

(1) (Re)lire sur ce blog, par exemple: "Mal réveillées", 25.8.2021.
(2) P. Chesnet, "Woking Stones", Charlie Hebdo, 20.10.2021.
(3) P. Chesnet, "Bonnet d'âne", Charlie Hebdo, 20.10.2021.
(4) https://www.franc-tireur.fr/sois-nobel-et-tais-toi
(5) Nadia Murad, "Pour que je sois la dernière", éd. Fayard, 2018.

3 commentaires:

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Cette vague folle n'en n'est probablement qu'à ses débuts.
K
Mais j'observe qu'à l'inverse une résistance vigoureuse continue à s'organiser. Et sur plusieurs fronts. Et de façon véritablement éclairée.
Le risque demeurant évidemment de s'engluer dans une conception conservatrice et au pire zemmourienne de la société. Je trouve qu'actuellement ce piège est plutôt bien déjoué. Le tout récent Franc-tireur en est un bon exemple.

Mais la ligne de démarcation est parfois difficile à trouver, les Lumières n'étant qu'une petite loupiotte vacillant dans l'obscurité. Petite mais obstinée.

Michel GUILBERT a dit…

D'accord avec vous. Et, oui, la création de Franc-Tireur est une bonne chose. Comme le disait hier soir, au JT de France 2, Caroline Fourest, il faut ouvrir des espaces qui permettent à la nuance, à la complexité de s'exprimer.
Mais quand on voit un quotidien, jadis qualifié de "prestigieux", comme Le Monde, affirmer que l'anti-wokisme est le fait de la droite et de l'extrême droite, on s'inquiète pour la place de la nuance. Les excès, les analyses simplistes et les anathèmes de nombre de "décoloniaux" et de "woke" nourrissent l'extrême droite.
Ceci dit, oui, la lumière vacille à cause des vents contraires qu'elle subit, mais, oui, elle résiste.

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Ah Le Monde. Hélas, et pour moi plus "quand même" depuis bientôt quatre ans.