jeudi 4 novembre 2021

Jeu de dupes

La COP26  est en cours. On va voir ce qu'on va voir. L'avenir de l'humanité est en jeu et les chefs d'Etats et de gouvernements le disent haut et fort: ils sont pleinement conscients de leur responsabilité historique. A l'exception des présidents chinois, russe, turc et brésilien qui ont visiblement d'autres priorités que l'avenir de leur peuple et de la planète. 
"Nous devons montrer que nous avons la maturité et la sagesse pour agir. Il est temps pour l'humanité de grandir, la COP26 est un tournant pour l'humanité", a déclaré à Glasgow le premier ministre britannique Boris Johnson, ratant aussitôt ce virage en prenant un jet privé pour regagner Londres et participer à un dîner avec ses anciens collègues journalistes du Daily Telegraph (1). 

Quelques jours avant l'ouverture de la grand-messe consacrée au climat s'en tenait une autre: le Sommet mondial sur l'avenir du tourisme. La Covid-19 a sérieusement ralenti l'activité de ce secteur en pleine explosion et les professionnels du tourisme n'attendent qu'une chose: faire voler, rouler et naviguer comme hier avions, autocars et paquebots de croisière. L'industrie touristique se souhaite un avenir "plus durable, plus inclusif et plus résilient" (2). A l'image sans doute de celle de Thaïlande qui pour remplacer les touristes perdus veut maintenant "attirer davantage les voyageurs d'affaires et les voyageurs haut de gamme", en encourageant le tourisme médical (sic), celui du bien-être ou encore le golf, autant de secteurs si inclusifs. "La France en manque de visiteurs chinois", s'inquiète en titre le journal de France 3 (3). Leur absence pour cause de pandémie génère un manque à gagner de 3 milliards d'euros par an. Le directeur du château de Chantilly est très inquiet. Il les attend impatiemment.
Le tourisme spatial devrait aussi se développer grâce à Jeff Bezos, le patron d'Amazon. Il a l'intention d'installer une station privée dans l'espace avec un hôtel et des bureaux pour "developper l'activité économique et ouvrir de nouveaux marchés dans l'espace" (4).

A la COP26, quarante-six pays ont annoncé qu'ils abandonneraient le charbon d'ici 2040 et qu'ils n'accorderaient plus de soutien économique aux centrales à charbon. Mais uniquement pour les centrales à l'étranger et ce à partir de 2030. Ce qui laisse largement du temps pour brûler des millions de tonnes de charbon et subventionner ces centrales. La Chine et l'Inde, grands consommateurs de charbon, n'ont rien signé. D'après une étude du FMI, les grands producteurs mondiaux de gaz, de pétrole et et de charbon, reçoivent 11 (oui, onze) millions de dollars par minute (oui, par minute) dans 191 pays, soit rien de moins que 5100 milliards d'euros par an. Ces subventions représentent aujourd'hui 6,8% du PIB mondial. En 2025, 7,4%. Le secteur ne tremble pas. Mais se prépare néanmoins à une transition. Qui n'a rien d'écologique. "L'industrie des combustibles fossiles perd de l'argent sur ses marchés traditionnels de production d'électricité et transport. Elle construit donc de nouvelles usines de plastiques à un rythme stupéfiant afin de pouvoir liquider ses produits pétrochimiques sous forme de plastiques. Cette action annule d'autres efforts mondiaux pour ralentir le changement climatique." C'est une ancienne responsable de l'Agence américaine de protection de l'environnement qui l'écrit (5). Résultat: d'ici 2030, l'industrie américaine des plastiques émettra davantage de gaz à effet de serre que la totalité des centrales électriques au charbon.

Et cette décision encore au rayon des bonnes nouvelles: les dirigeants de plus de cent pays, représentant plus de 85% des forêts du monde, se sont engagés à la COP26 à mettre fin à la déforestation d'ici à 2030. Sachant que chaque minute l'équivalent d'une vingtaine de terrains de football sont "déforestés", calculez combien d'hectares de forêt il restera en 2030. Vous avez huit ans.

Autre nouvelle: le nombre d'immatriculations de voitures neuves est en lourde chute, à cause d'une pénurie de semi-conducteurs. C'est une mauvais nouvelle, nous dit-on.

Mais après tout, ce qui est important, ce sont tous ces petits gestes que nous pouvons, nous citoyens lambda, poser au quotidien pour sauver la planète: couper le robinet en se lavant les dents, prendre plus souvent son vélo, couper l'éclairage en quittant une pièce... On ne veut pas être défaitiste. Mais quand même. Après nous, les mouches. S'il en reste.

(1) https://www.lalibre.be/international/europe/2021/11/04/hypocrisie-choquant-un-choix-de-boris-johnson-provoque-la-polemique-en-pleine-cop26-NXLHTZMHQFHW7PM7SXXKBC74LQ/
(2) "Tourisme - Une pandémie, et ça repart !", Charlie Hebdo, 3.11.2021.
(3) 4.11.2021, 19h30.
(4) "Délire des hauteurs", Charlie Hebdo, 3.11.2021.
(5) "Au cul, la COP26 !", Charlie Hebdo, 3.11.2021.

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