mardi 10 mai 2022

Talibans et bonnes âmes

De bonnes âmes occidentales voulaient se (et nous) persuader qu'ils avaient changé. Que les talibans nouveaux étaient arrivés, que ceux de 2021 n'étaient pas ceux de 1996. Mais les talibans restent ancrés dans un passé qui n'a sans doute jamais existé, dans une époque où l'homme avait tellement peur de la femme qu'il l'obligeait à se cacher pour qu'elle disparaisse de sa vue, une époque où l'homme se voyait comme un animal soumis à ses pulsions sexuelles. En 2022, ils se voient toujours de même : de pauvres êtres qui ne peuvent se maîtriser. Aussi, les talibans, après avoir interdit aux Afghanes de prendre l’avion sans parent masculin et fermé les collèges et lycées aux filles, viennent-ils d'obliger ces mêmes femmes à porter un voile intégral dans l’espace public, de préférence la burqa. "Car c’est traditionnel et respectueux". Respectueux de qui ou de quoi ? Certainement pas des femmes réduites à l'état de fantômes.
« Les femmes qui ne sont ni trop jeunes ni trop vieilles devraient voiler leur visage, à l’exception de leurs yeux, selon les recommandations de la charia, afin d’éviter toute provocation quand elles rencontrent un homme » qui n’est pas un proche membre de leur famille, précise le décret qu'ils ont adopté. Et si elles n’ont pas d’importante tâche à effectuer à l’extérieur, il est « mieux pour elles de rester à la maison ». C'est la patriarcat le plus abject érigé en loi.
« L’islam n’a jamais recommandé le tchadri, a réagi une militante des droits des femmes restée en Afghanistan, sous le couvert de l’anonymat. Les talibans, au lieu d’être progressistes, retournent en arrière. Ils se comportent comme lors de leur premier régime, ce sont les mêmes qu’il y a vingt ans. » (1)

Pendant ce temps dans nos pays, les mêmes bonnes âmes occidentales défendent le port du voile et s'attaquent violemment à qui ose le critiquer et même à celles qui se plaignent  d'être injuriées.
Il y a quelques jours, lors d'une réunion organisée par le Café laïque à Bruxelles, une habitante de Molenbeek, Nathalie, a témoigné de son vécu : pour aller au marché, elle - qui n'est pas musulmane - se voilait. Elle profitait ainsi de meilleurs prix, mais surtout elle évitait de se faire insulter, voire de se faire cracher dessus. Elle a témoigné de cette expérience sur Internet. Mal lui en a pris, puisqu'elle a été licenciée par son employeur pour faute grave : propos racistes. Et son syndicat l'a radiée, refusant de défendre "une raciste". Il faut donc taire le sexisme et les insultes. Les subir en silence. Et laisser une religion imposer sa loi scandaleuse dans la rue.

Il en va de même ailleurs. A Grigny, en région parisienne, par exemple. "Nous ne sommes que du bétail, dénonce Naïma : on nous demande en mariage quand nous passons entre les étals des marchés – lorsque nous sommes célibataires sans enfants et considérées comme vierges bien sûr. Aujourd’hui, ils mettent le voile aux petites-filles même lorsqu’elles sont encore bébé, pour les « habituer », « leur apprendre la pudeur ». Leur vie est déjà tracée du berceau jusqu’au cercueil : elles devront se taire, être soumises, et toujours dépendre d’un homme comme au bled." (...)
"Quand vous n’êtes pas voilée et que vous marchez sans mahram (tuteur de la femme en islam) dans la rue, vous êtes « la reine des putes ». Les femmes voilées essayent d’ailleurs de ramener les autres dans le « droit chemin », un chemin de silence et de souffrance.
Ne pas porter le voile, c’est se faire injurier pour un oui ou pour un non. Que l’on travaille, que l’on fasse des études, peu importe : si vous n’êtes pas voilée, vous n’êtes pas une femme bien. De ce fait, les hommes s’autorisent à vous faire des propositions indécentes et vous agressent sexuellement. Si vous n’êtes pas voilée, vous méritez d’être violée et de recevoir des coups. C’est cela la charia.
À Grigny, c’est le KGB islamique qui fait la loi. Même lorsque je fais mes courses, ils surveillent ce que j’achète : si c’est du vin ou du porc. Et si je n’achète que de la viande halal, ils se permettent encore de me reprendre sur mon « absence de pudeur » : « Maintenant, habille-toi correctement ! » Ils vont même jusqu’à surveiller ce qu’il y a dans le fond de nos culottes, c’est-à-dire si nous avons des amants, si nous sommes mariées, avec qui et pourquoi."
Naïma dénonce la "police religieuse" qui surveille les achats des musulmanes, ce qu'elles mangent, ce qu'elles boivent. Et, bien pire encore, les viols, la prostitution, les mariages forcés. 
"Ma mère a quitté le bled pour que je puisse échapper à l’islamisme, en France. Mais c’est l’enfer pour une femme de vivre à Grigny. Impossible d’avoir des activités normales et des plaisirs simples comme s’installer à la terrasse d’un café, ou porter une robe, sans être considérée comme une traînée, avec toutes les conséquences que cela implique. Je ne cède pas, même si c’est très dur car je suis isolée. Mais je ne survivrai pas encore longtemps dans cette jungle islamiste et communiste."

Qu'est-ce qui justifie, chez les bonne âmes occidentales, ce mélange de racisme et de sexisme, qui les amène à se ranger du côté des mâles en rut, à participer à l'asservissement et au mépris des femmes ? Que diront-elles quand les talibans de chez nous iront plus loin encore et imposeront la burqa et l'excision ? Pourquoi, selon elles, les hommes sont-ils libres d'aller et venir comme ils l'entendent, de s'habiller comme ils veulent et même de se promener torse nu quand les femmes doivent se voiler la tête si pas l'entièreté du corps ?
"Au fond, dit Sophia Aram (3), il n’y a que deux hypothèses, soit ils sont totalement obsédés, soit comme tous les fondamentalistes, ils n’ont qu’une seule vraie passion, qu’un seul objectif dans la vie : pourrir la vie des femmes. A moins que ce soit les deux !!!
Rien que cette semaine si tu cherches le point commun entre les talibans, les évangélistes texans et les juges catholiques de la cour suprême - en dehors de leur goût immodéré pour les armes automatiques et la croyance en l'existence d'un ami imaginaire : c'est qu'ils ne perdront jamais une occasion de pourrir la vie des femmes.
Convaincus comme le disait Saint Paul que “Dieu est le chef de l'homme et que l'homme est le chef de la femme“, ils sauteront sur chaque occasion de rappeler que le corps des femmes leur appartient."

Les bonnes âmes occidentales ont beau se croire de gauche, elles ont choisi leur camp : celui des talibans, des évangélistes texans et des juges catholiques de la cour suprême. Et elles font le lit de l'extrême droite.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/07/en-afghanistan-les-talibans-ordonnent-aux-femmes-de-porter-la-burqa-en-public_6125140_3210.html
(2) Publié dans la Tribune 28.1.2022.
(3) https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-09-mai-2022

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