dimanche 15 mai 2022

Vieilles pratiques et faux espoirs

La France insoumise veut révolutionner la pratique de la politique. Très bien. Quand elle sera au pouvoir seulement ? Parce que, pour le moment, elle pratique plutôt la politique de papa avec des attitudes clientélistes et des  parachutages de candidats sans lien avec la circonscription dans laquelle ils se présentent. D'où la grogne compréhensible  (1) de certains candidats évincés dans le cadre de la répartition des candidatures (mal) négociée par EELV, le PS et le PCF avec LFI. *

Le gourou de LFI a abandonné au beau milieu de son mandat, en 2017, son siège de député européen. Il voulait alors devenir président de la République ou, à défaut, député. Il est vrai que l'Union européenne ne le passionnait guère. Lors de son mandat précédent, en 2013, Jean-Luc Mélenchon avait été classé (par le site VoteWatch.com) au 727e rang des parlementaires européens sur 751, derrière Jean-Marie Le Pen (716e) et juste devant Marine Le Pen (734e). Comme lors de son passage au Sénat, il n'y a rédigé aucun rapport. Pour les législatives de juin 2022, il vient de désigner son dauphin : Manuel Bompard, son bras droit, se présentera dans la circonscription du MélenChe à Marseille. Il est actuellement député européen depuis 2019. Son mandat court donc jusqu'en 2024. Mais il le laissera tomber puisqu'il a visiblement mieux à faire lui aussi. Ses électeurs apprécieront ce mépris pour la fonction pour laquelle ils l'ont élu pour cinq ans. 

Jean-Luc Mélenchon est une incarnation de ce qu'on appelle la classe politique, si souvent décriée par LFI. Il a exercé quasiment tous les mandats depuis 1985, d'adjoint au maire à ministre en passant par directeur de cabinet d'un maire, président de conseil général, député français, sénateur et député européen. Toute sa carrière, il aura vécu de la politique. Récemment, une candidate LFI expliquait (1) combien des candidatures insoumises pouvaient bousculer tous ces candidats de terrain qui sont là depuis trop longtemps, selon elle. "Les électeurs veulent un renouvellement des visages, ils en ont assez du paysage politique sclérosé, on n’a pas besoin d’avoir quelqu’un du sérail », affirme cette candidate du parti vertical créé pour servir un homme politique qui multiplie les mandats depuis trente-sept ans et se voit déjà premier ministre à défaut d'avoir pu être président de la République, deux fonctions qui manquent à son palmarès.

A celles et ceux qui s'étonnent de voir l'hebdomadaire qu'il dirige être aussi critique vis-à-vis de LFI,  Riss explique dans Charlie Hebdo (2) que l'équipe de Charlie ne peut oublier. "Lors de l'enterrement de Charb (directeur de Charlie, assassiné par des islamistes le 7 janvier 2015), le leader actuel de LFI avait prononcé un discours que les témoins présents jugèrent à la hauteur des évènements qui venaient de nous frapper. Avant d'être assassiné avec ses copains par des terroristes islamistes, Charb venait d'achever son opuscule Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes, qui dénonçait ceux qui jetaient de l'huile sur le feu, en excitant le ressentiment des musulmans après la publication des caricatures de Mahomet." Riss rappelle qu'il n'aura fallu que quatre ans pour que Mélenchon vire de bord et défile dans une manifestation contre l'islamophobie à deux pas de barbus qui criaient Allahou akbar. "Ce jour-là, Charb venait d'être enterré une seconde fois, enseveli par des considérations politiciennes et électoralistes contre lesquelles rien ne pouvait faire le poids. L'appât du gain électoraliste était visiblement trop grand. Aux naïfs que nous avions été, la réalité nous rappelait qu'en politique la mort d'un homme, ça ne vaut rien." Mélenchon a marché sur le cadavre de son camarade Charb. "Mais passons sur ce détail", dit Riss.

Des détails insignifiants, Riss en relève d'autres. Les injures de membres de LFI contre Charlie. Le rejet par LFI de la loi sur le séparatisme ("le communautarisme est plus rentable que la lutte pour la laïcité et contre le séparatisme", écrit Riss). L'absence du terme islamisme dans le programme de La France insoumise, alors que cette France a payé un tribut très cher à cette idéologie mortifère et totalitaire ("il faut dire que le totalitarisme ne semble pas être la préoccupation majeure de cette formation politique qui réclame une VIe République plus démocratique, mais qui n'a jamais rien dit de vraiment hostile à l'égard de la Chine ou de la Russie, pour ne citer que ces deux grandes démocraties participatives. Mais passons sur ces détails").  
"Durant les négociations entre les différentes formations de gauche, l'amnésie a été marchandée contre quelques sièges à l'Assemblée."
Allez savoir pourquoi, on n'a pas le sentiment que les pratiques seraient renouvelées avec l'arrivée au pouvoir de cette gauche-là. Au contraire.

(1) https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/05/13/en-dordogne-la-dissidence-a-gauche-fleurit-sur-l-humiliation_6125903_6104324.html
(2) "En politique, que vaut la mort d'un homme ?", Charlie Hebdo, 11.5.2022.

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